La scission partielle : un remède miracle pour sortir un immeuble d’une société ?

L’acquisition d’un immeuble en société présente des avantages indéniables.


En premier lieu, ce mécanisme autorise en règle générale la société à déduire les charges immobilières (droits d’enregistrement, amortissements, intérêts de l’emprunt contracté pour acquérir l’immeuble,…).


En second lieu, cette technique permet en principe à l’actionnaire de céder les actions de la société immobilière en réalisant une plus-value exonérée ; la cession d’actions ne donne en outre pas lieu à des impôts indirects (droits d’enregistrement ou TVA) .


Enfin, cette méthode facilite la mise en place d’une planification successorale (donation des actions de la société - avec réserve d’usufruit- aux enfants).


Loger un immeuble dans une société peut toutefois, à terme, présenter certains inconvénients.


D’abord, il faut bien garder à l’esprit que l’impôt des sociétés sera prélevé un jour sur la plus-value qui sera réalisée lors de la cession de l’immeuble. Ce problème de taxation de la plus-value est un peu comme le sparadrap du capitaine Haddock dans « L'affaire Tournesol ». La charge fiscale s’accroît naturellement au fil des années. Lorsque l’immeuble est amorti dans sa quasi-totalité, la société peut être amenée à supporter, lors de la sortie de l’immeuble de la société, un impôt considérable égal à 29,58% (taux de l’ISOC en 2019) de la plus-value.


Ensuite, le maintien d’un bien immeuble au sein d’une société d’exploitation peut dissuader les tiers de reprendre l’entreprise. Voici un chef d’entreprise qui, désireux de se retirer de la vie active après un certain âge, se met à la recherche de candidats disposés à racheter les actions de sa société. Si ceux-ci sont intéressés de poursuivre activement l’exploitation (maintien de l’activité et de l’emploi), il ne souhaitent pas reprendre l’immeuble affecté à l’activité entrepreneuriale. La société d’exploitation peut alors envisager de se débarrasser de son immeuble, en vue de favoriser sa reprise. La sortie de l’immeuble à travers une scission partielle, par laquelle la société d’exploitation transfère son immeuble à une autre société, va entraîner une diminution de la valeur des actions de la société opérationnelle. Cette technique permet donc aux candidats-repreneurs, dont les liquidités sont limitées, de racheter les actions de la société opérationnelle (vidée de son patrimoine immobilier) à un prix plus bas.


L’avantage fiscal de ce schéma réside dans le fait que la plus-value latente grevant l’immeuble transféré dans le cadre de la scission peut être exonérée à l’impôt des sociétés en application du régime d’immunité spécifique prévu pour les opérations de restructuration (article 211 du CIR), lorsque l’opération est justifiée par des «motifs économiques valables» et n’a pas «comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales».


Cerise sur le gâteau : la plus-value réalisée lors de la cession des actions de la société opérationnelle pourra en principe également échapper à l’impôt. Dans plusieurs affaires similaires à la situation du chef d’entreprise décrite ci-dessus, le Service des Décisions Anticipées (SDA) a considéré que les opérations de scissions partielles en question étaient bien guidées par des motivations non fiscales valables. Le SDA subordonne toutefois habituellement sa décision au respect d’une condition de réinvestissement du prix de vente des actions de la société opérationnelle. C’est parfois là que le bât blesse. Une récente décision anticipée du 17 avril 2018 (2018.0012) l’illustre de manière éloquente.


En l’espèce, des personnes physiques étaient actionnaires d’une société d’exploitation détenant un immeuble qu’ils occupaient en partie à titre de logement. Ils envisageaient de mettre en oeuvre l’opération suivante : (i) scission partielle par laquelle la société d’exploitation transfère son immeuble à une société, suivie de (ii) la cession des actions de la société exploitant le fonds de commerce au repreneur. Le SDA a refusé d’octroyer le bénéfice du régime d’exonération (article 211 du CIR), en se fondant notamment sur la circonstance que les vendeurs avaient refusé de s’engager à réinvestir le produit de la cession des actions de la société opérationnelle. Pareil engagement n’est certes pas tiré du texte légal. C’est toutefois le prix à payer pour la sécurité juridique que confère une décision anticipée…

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