Où de l'évolution de notre système fiscal

Dans un intéressant article / interview par Monsieur Michel Lauwers, journaliste, publié dans l'Echo.be du 31 octobre 2018 de Monsieur Axel Smith, CEO de PwC Belgique, je suis quelque peu interpellé par un commentaire de ce dernier.


Je cite: "Au plan fiscal, on est en train d’évoluer d’un système très légaliste, où l’on applique les règles de manière stricte, vers un système plus économique, guidé par la substance. C’est une tendance positive car, dès lors qu’on l’accepte, la fiscalité peut devenir plus simple ... Les entreprises ont en revanche davantage besoin de spécialistes en procédure, afin de savoir ce que le fisc peut faire et ne pas faire."


Un sytème légaliste est celui "qui pratique un respect absolu de la loi, spécialement religieuse, de sa lettre" (Le Robert Mobile) ou qui a le "souci de respecter minutieusement la lettre de la loi et les formes qu'elle prescrit" (Larousse). Avons nous connu en matière fiscale un tel système ? Je suis perplexe dès lors que si prévalait le choix de la voie la moins imposée restait ouverte la problématique de la simulation sans compter la foultitude de tentatives des contrôleurs d'imposer une soit-disant réalité économique avec des succès divers. Par ailleurs dés la loi du 22 juillet 1993 le législateur introduisait une mesure « anti-abus » permettant de requalifier un acte ou une opération avec les errements que l'on connaît. Lorsque j'ai débuté ma carrière, début des années 1980, j'insistais déjà sur l'absolue nécessité de donner du contenu à toute société étrangère car à l'époque le fisc était fort sourcilleux de leur substance. Ceci pour dire que le débat est compliqué mais ce qui est acquis est que depuis les années 1980 je n'ai pas le souvenir d'un système fiscal où le fisc aurait privilégié le respect de la loi dans sa lettre et ses formes au détriment absolu de la substance.


Connaît-on aujourd'hui une évolution vers une fiscalité "plus économique guidée par la substance" ? Monsieur Smith pense-t-il à la nouvelle formulation de la mesure anti-abus introduite par le législateur en 2012 ou à toutes les autres (1) ? Si oui je ne vois pas en quoi ces mesures introduiraient une version plus économique de la fiscalité guidée par la substance. Tout au contraire ces dispositions introduisent plutôt une mesure générale anti-sécurité dans le chef du contribuable. Voir à ce propos l'intéressant article (2) de Monsieur Dorian Vandensteen, avocat, commentant le Jugement du 19 février 2018 du Tribunal de première instance de Bruges (3) qui "a suivi l'administration en décidant que cette dernière avait correctement appliqué l'article 344, § 1er du C.I.R. 92 en soutenant que, compte tenu des faits soumis, une opération de réduction de capital devait être considérée comme une distribution de dividendes". Ajoutons à ce débat la médiocrité grandissante de la qualité des textes de loi donnant à l'administration centrale du SPF Finances, dans les faits, un pouvoir d'interprétation illégal. Un texte clair ne s'interprète pas un texte peu clair s'interprète au regard de la pensée du législateur, à défaut dans l'intérêt du contribuable et non de celui de l'administration fiscale.


A supposer que nous allions vers un système fiscal plus "guidé par la substance", quod non, n'y-a-t'il pas une contradiction dans le propos du CEO de PwC ? En effet, comment pouvons-nous, en même temps, estimer qu'il s'agirait d'une tendance positive car conduisant à une fiscalité plus simple et souligner que les entreprises ont besoin "de plus spécialistes en procédure afin de savoir ce que le fisc peut faire et ne pas faire". Si la fiscalité est plus simple pourquoi aurions nous besoin de plus de procéduriers ?


L'utilité de la présente ne réside pas dans mon éventuelle incompréhension ou dans un éventuel débat mais dans l'évolution même de cette fiscalité qui ne m'apparaît pas aller vers une simplification.


(1) Le contribuable belge face aux mesures fiscales anti-abus -1re édition -M. Pierre-François Coppens - Anthemis - 10/2018

(2)Taxwin - banque de données - 26.10.2018

(3) Trib. Bruges, 19 février 2018 - R.G. n° 16/2904/A


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