Politique fiscale et égalité femmes-hommes : 22 pays ont mis en œuvre des réformes fiscales spécifiques pour améliorer l’équité entre les sexes.

Bien que les hommes et les femmes soient généralement imposés selon les mêmes règles, leurs différentes caractéristiques sociales et économiques (par exemple, les niveaux de revenus ou la participation à la vie active) signifient que le système fiscal peut involontairement accroître les inégalités femmes-hommes dans la société. Comprendre et améliorer l'impact de la fiscalité sur l'égalité femmes-hommes est une dimension essentielle que les gouvernements doivent prendre en compte dans le cadre de la conception des impôts pour soutenir la croissance inclusive. Ce rapport fournit le premier aperçu par pays des approches des gouvernements en matière de politique fiscale et d'égalité femmes-hommes, y compris les réformes menées à ce jour et les domaines potentiels de biais sexistes explicites et implicites entre les hommes et les femmes. Couvrant 43 pays, il explore également la mesure dans laquelle les gouvernements prennent en compte les implications d’égalité femmes-hommes dans l'élaboration des politiques, les considérations de celle-ci dans l'administration et la conformité fiscales, ainsi que la disponibilité et l'utilisation de données ventilées par sexe. Il examine enfin les priorités pour la poursuite des travaux sur la politique fiscale et les questions femmes-hommes.

Contexte

La promotion de l’égalité femmes-hommes, telle qu’énoncée dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans les Objectifs de développement durable, constitue un objectif en matière de droits humains pour de nombreux États, et notamment les pays du G20 et de l’OCDE.

L’amélioration de la parité ne répond pas seulement à un impératif d’équité, mais peut également être source de dividendes économiques importants. Déterminants pour la croissance économique, les efforts engagés en faveur d’économies plus inclusives, auxquelles participent pleinement les femmes, seront, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, essentiels pour garantir une reprise solide au bénéfice de tous. Les études montrent qu’une meilleure égalité entre les sexes, conjuguée à une diminution de la discrimination entre les femmes et les hommes, peut avoir des retombées économiques non négligeables, en augmentant le stock de capital humain, en renforçant la compétitivité des marchés du travail et des produits et en améliorant la productivité.

La politique fiscale peut concourir à l’égalité femmes-hommes et aux efforts mis en œuvre par les pouvoirs publics pour réduire les inégalités. Un corpus croissant d’études révèle que même en l’absence de biais sexistes manifestes, il existe dans les systèmes fiscaux d’autres biais implicites, liés aux retombées sur ces systèmes des différences concernant la nature et le niveau des revenus perçus par les hommes et par les femmes, des décisions de consommation, de la répartition du patrimoine et de la richesse, et de l’impact des attentes sociales, qui ne sont pas les mêmes selon que le contribuable est un homme ou une femme.

Dans ce contexte, les pouvoirs peuvent agir pour améliorer l’égalité femmes-hommes en matière fiscale, en supprimant les biais explicites et en repensant les paramètres de leur système fiscal qui génèrent actuellement des biais implicites, et en réfléchissant aux moyens de concevoir et d'appliquer une politique fiscale qui favorise l'égalité entre les femmes et les hommes.

OCDE (2022), Politique fiscale et égalité femmes-hommes : Un bilan des approches nationales, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/c2ca4314-fr.

En pratique

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Une analyse inédite en son genre

Le rapport Politique fiscale et égalité femmes-hommes : Un bilan des approches nationales est la première étude de portée internationale à analyser la manière dont les pays abordent les problématiques femmes-hommes dans la politique fiscale. Il évalue notamment les biais explicites et implicites, les réformes des politiques fiscales engagées pour améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que les processus d’élaboration des politiques et les priorités de l’action publique. Couvrant 43 pays du G20, de l’OCDE et au-delà1, ce rapport a été préparé dans le cadre des efforts déployés par l’OCDE pour prendre en compte les questions d’égalité femmes-hommes et fut présenté aux ministres des Finances et gouverneurs de banque centrale du G20 en février 2022.

Ce rapport de portée internationale analyse divers aspects de la conception et de la mise en œuvre de la politique fiscale dans différents pays. Il étudie la mesure dans laquelle les pays prennent en compte l’égalité femmes-hommes dans l’élaboration de la politique fiscale et l’administration de l’impôt, examine de quelle manière ils combattent les biais explicites et implicites dans leurs systèmes fiscaux, et explore la disponibilité et l’utilisation des données ventilées par sexe. Il analyse également comment et dans quelle mesure, selon les pays, la dimension femmes-hommes devrait être prise en compte dans les processus d’élaboration des politiques fiscales (notamment dans le cadre de la « budgétisation sexospécifique »). Il dresse également le bilan des incidences de la pandémie de COVID-19 sur l’égalité entre les sexes au sein du système fiscal et souligne les modalités de prise en compte, par les pays, des problématiques femmes-hommes dans leurs réponses fiscales à cette crise.

Principales conclusions et priorités nationales

Le rapport fait apparaître que l’égalité femmes-hommes est un important facteur pris en compte par la plupart des pays dans l’élaboration de la politique fiscale, environ la moitié d’entre eux ayant déjà mis en œuvre des réformes fiscales spécifiques visant à améliorer l’égalité entre les sexes.

Bien que peu de pays aient relevé des exemples de biais explicites dans leur système fiscal, plus de la moitié d'entre eux ont indiqué que l’existence de biais implicites était possible. À l’instar des biais explicites, ces biais implicites peuvent creuser ou réduire les inégalités femmes-hommes déjà présentes dans la société, et les exemples cités par les pays laissent penser que les pouvoirs publics doivent apporter une réponse plus nuancée aux biais sexistes dans le domaine de la fiscalité.

La plupart des pays ont accès à des données ventilées par sexe à des fins d’analyse des politiques, mais l’accès à ces données concerne essentiellement les écarts de revenus entre les femmes et les hommes et leur participation au marché du travail. Il est moins fréquent de disposer de données détaillées sur la consommation et la répartition du patrimoine et de la richesse, et plusieurs pays considèrent qu’il s’agit là de données manquantes essentielles.

Enfin, les pays voient dans certains aspects de la fiscalité du travail la priorité essentielle des travaux futurs en vue d'améliorer l'égalité femmes-hommes dans le système fiscal. Les domaines d’action identifiés sont notamment l’impact des crédits d’impôt et des déductions fiscales sur l’égalité femmes-hommes, l’imposition des seconds apporteurs de revenu, la relation entre progressivité du système fiscal et égalité femmes-hommes et l’impact des cotisations de sécurité sociale. Un deuxième axe de travail prioritaire consiste à identifier la logique qui sous-tend la politique et à définir un cadre d'évaluation permettant de prendre en compte les biais explicites afin de résorber les inégalités femmes-hommes. Enfin, l’examen des biais sexistes dans l’imposition des revenus du capital et des plus-values, notamment en matière d'impôts sur le patrimoine et sur les successions, constitue une autre priorité commune.

Axes de travaux futurs

Les implications sont nombreuses pour les pouvoirs publics. Il serait utile que les pays, afin de mieux gérer les retombées des biais implicites dans leurs systèmes fiscaux, fournissent davantage d’orientations sur la manière de prendre en compte la question de l’égalité femmes-hommes dans la conception de la politique fiscale et l’administration de l’impôt. Il est également important d’évaluer la prise en considération de l’impact des modifications de la structure fiscale au fil du temps. Le rapport souligne en outre la nécessité d'améliorer la collecte de données ventilées par sexe sur la fiscalité en général, et sur les caractéristiques des hommes et des femmes en termes de consommation, de patrimoine et de détention de capital en particulier, afin de permettre une analyse plus fine de l’incidence de la fiscalité sur ces questions.

À l’avenir, l’analyse des implications de la politique fiscale sur l’égalité femmes-hommes pourrait s’appuyer sur les conclusions de ce rapport, notamment en explorant plus avant les priorités définies par les pays, en vue d’approfondir l’analyse et de déterminer les meilleures pratiques. Les travaux pourraient être centrés sur l’identification des principes et meilleures pratiques à suivre pour améliorer l’égalité femmes-hommes dans les systèmes fiscaux, et viser notamment à déterminer dans quelle mesure et jusqu’à quel point le système fiscal, évalué à l’aune d'autres outils de politique publique, peut être utilisé pour réduire les biais. Les travaux ultérieurs pourraient également porter sur les retombées considérables de la fiscalité du travail sur l’inégalité entre les sexes, en mettant tout particulièrement l’accent sur la suppression des contre-incitations qui dissuadent les femmes de travailler, surtout à temps plein.

Conclusions et implications

L’incidence de la fiscalité sur les résultats en matière d’égalité des sexes est considérée comme un axe de travail important par une très large majorité des pays interrogés. Les trois quarts des pays jugent au moins « assez importante » la question de la dimension sexospécifique de la fiscalité, et huit pays la considèrent comme « très importante » (Graphique 3.1). Vingt-deux pays indiquent qu’ils ont mis en œuvre des réformes fiscales spécifiques pour améliorer l’équité entre les sexes. Ces réformes concernent pour l’essentiel le système de l’impôt sur le revenu, qu’il s’agisse d’un changement d’unité d’imposition, d’une modification des processus de l’administration, ou de la mise en place de crédits d’impôt ou d’abattements, mais plusieurs pays ont également aboli un désavantage pour les femmes en instaurant un taux de TVA nul ou réduit sur les produits de protection hygiénique.

Quelques pays citent des exemples, présents ou passés, de biais explicite dans leur système fiscal, généralement au niveau du système d’impôt sur le revenu. Il s’agit le plus souvent de différences d’imposition se traduisant par un avantage fiscal pour les femmes ; par exemple, en Hongrie, une exonération totale et à vie de tous les impôts sur le revenu est offerte aux mères de famille au-delà du quatrième enfant, tandis qu’en Israël, les mères se voient octroyer des points de crédit d’impôt supplémentaires.

Plus de la moitié des répondants (23 pays) reconnaissent qu’il existe un risque de biais implicite dans leur système fiscal, mais seuls 16 d’entre eux ont formellement évalué ce risque. Les biais implicites signalés par les pays relèvent de cinq différences courantes entre les femmes et les hommes au regard de la fiscalité (Encadré 3.1) : les niveaux de revenus ; la nature des revenus ; l’unité d’imposition retenue pour l’IR (le couple ou l’individu) ; les modes de consommation ; et les attentes sociales qui définissent les rôles respectifs des femmes et des hommes.

Comme pour les biais explicites, ces biais implicites peuvent se produire au détriment de l’un ou l’autre sexe, selon la manière dont le système fiscal interagit avec ces caractéristiques sous-jacentes. Par exemple, la progressivité du système fiscal permet d’alléger la charge fiscale pour les personnes à faible revenu – généralement des femmes – tout en dissuadant, dans les systèmes fondés sur le foyer fiscal, le second apporteur de revenu de travailler.

Dans les deux catégories de biais, explicites et implicites, les pays notent des exemples qui soit amoindrissent, soit accentuent le préjugé sexiste. À partir de ces différents exemples, une ventilation supplémentaire du cadre implicite et explicite pourrait être envisagée, comme exposé au Tableau 4.1.

Tableau 4.1. Une typologie élargie des biais explicites et implicites

Explicites

Implicites

Exacerbent les biais sexistes

Dispositions du code des impôts ou des procédures administratives formelles qui mentionnent explicitement le sexe, et qui aggravent les biais sexistes prévalant dans la société.

Ex. : des taux d’imposition plus faibles pour les hommes mariés ; des crédits d’impôt disponibles pour les hommes ; l’inaccessibilité des informations fiscales pour les femmes.

Réponse de l’action publique : supprimer.

Des cadres fiscaux neutres du point de vue du sexe, mais qui interagissent avec les différentes réalités économiques et sociales des femmes et des hommes d’une manière qui aggrave les biais sexistes présents dans la société.

Ex. : un taux d’imposition plus élevé pour le second apporteur de revenu ; une fiscalité informelle ou des redevances sur des services davantage utilisés par les femmes ; de faibles taux d’imposition sur les revenus du capital ou le patrimoine.

Réponse de l’action publique : revoir.

Amoindrissent les biais sexistes

Dispositions du code des impôts ou des procédures administratives formelles qui mentionnent explicitement le sexe, mais qui réduisent les biais sexistes prévalant dans la société.

Ex. : une réduction de l’impôt foncier ou des droits de succession pour les femmes ; des crédits d’impôt pour les mères qui travaillent.

Réponse de l’action publique : supprimer.

Des cadres fiscaux neutres du point de vue du sexe, qui interagissent avec les différentes réalités économiques et sociales des femmes et des hommes d’une manière qui amoindrit les biais sexistes prévalant dans la société.

Ex. : améliorer la progressivité du système fiscal ; réduire les facteurs qui dissuadent les personnes à faibles revenus de travailler ; élargir la base d’imposition pour inclure les revenus du capital.

Réponse de l’action publique : promouvoir.

Source : OECD.

Dix-neuf pays ont déclaré utiliser la budgétisation sexospécifique, quatre d’entre eux indiquant qu’elle était mise en place dans un cadre comprenant des considérations particulières pour son application à la politique fiscale. Trois pays envisagent la mise en place d’un cadre de budgétisation sexospécifique dans un avenir proche. Dans les pays qui utilisent actuellement la budgétisation sexospécifique, la base la plus courante du dispositif est une mobilisation politique de haut niveau, suivie par une disposition spécifique dans la loi de finances ou une autre loi et enfin, pour trois pays, par une obligation constitutionnelle.

Peu de pays analysent systématiquement les conséquences de l’administration et de la discipline fiscales sur la situation respective des femmes et des hommes. Une écrasante majorité de pays n’ont ni conçu ni entrepris d’analyse des effets sexospécifiques de l’administration et de la discipline fiscales, ni modifié ou adapté les processus de l’administration de l’impôt.

Une majorité de pays (24 sur 43) ont accès à certaines données ventilées par sexe pour l’analyse des politiques. Les données en question sont concentrées dans deux domaines : les revenus et le marché du travail. Ainsi, des microdonnées détaillées sur les revenus des femmes et des hommes sont disponibles dans la majorité (24) des 43 pays interrogés, et des données sur les taux d’activité respectifs des femmes et des hommes sont accessibles dans 16 pays. Les données détaillées ventilées par sexe sur la consommation (sept pays) et sur la fortune et le patrimoine (dix pays) sont moins souvent disponibles.

Enfin, à la question des axes de travail prioritaires pour l’avenir, les pays fournissent des réponses variées. La priorité la plus couramment citée est l’examen des dispositions relatives aux crédits d’impôt ou aux abattements fiscaux sous l’angle de leurs implications pour l’égalité des sexes. En deuxième position vient la conception de partis pris fiscaux explicites destinés à réduire les inégalités entre les sexes (Graphique 3.10). Les participants ont également exprimé un fort désir de voir les travaux futurs se concentrer sur d’autres questions relatives à la fiscalité du travail : l’incidence de l’impôt sur le second apporteur de revenu, la progressivité des systèmes d’IR et l’incidence des crédits d’impôt et des abattements fiscaux sur l’égalité des sexes figurant parmi les quatre principales options pour les travaux futurs. Une troisième priorité pour les travaux futurs est mise en avant par certains pays : l’exploration des biais sexistes dans l’imposition du capital et des revenus du capital (par exemple, les impôts sur le patrimoine et la succession).

Les réponses à l’enquête mettent en évidence des degrés variables de priorité et d’évaluation des résultats sexospécifiques dans la conception des politiques fiscales parmi les pays étudiés. Les principaux domaines dans lesquels beaucoup de pays constatent des biais sexistes implicites sont les différences de nature et de niveau des revenus, les choix de consommation et l’incidence des rôles sociaux sur les résultats du système fiscal. Une analyse plus approfondie pourrait être menée pour améliorer la prise de conscience de l’existence de biais sexistes, en particulier implicites, dans les systèmes fiscaux nationaux, en vue de mieux évaluer leur incidence et de les réduire si nécessaire. Si nombre de pays affirment que la dimension sexospécifique est prise en considération dans leur processus de politique fiscale, rares sont ceux qui en ont fait une exigence formelle et qui fournissent des orientations à cet égard. Une étape utile pour les États souhaitant aller plus loin dans la suppression des conséquences des biais implicites de leur système fiscal pourrait être de formuler des orientations sur la façon d’intégrer les considérations d’égalité des sexes dans la conception des politiques fiscales, ainsi qu’à des fins d’administration de l’impôt. Autre facteur important à examiner : l’incidence des changements dans la structure et la composition de l’impôt et leur répercussion estimée sur les résultats en matière d’égalité des sexes. Lorsqu’elles sont disponibles, les données ventilées par sexe sont utiles pour comprendre les biais éventuels et les schémas sexospécifiques. L’enquête a également mis en évidence la nécessité d’améliorer la collecte de données sur la situation respective des femmes et des hommes en matière d’actifs immobiliers et mobiliers, afin de faciliter l’analyse approfondie de ces questions, ce qui est l’une des priorités pour la suite.

Note

← 1. Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Costa Rica, Croatie, Espagne, Estonie, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Indonésie, Irlande, Islande, Israël, Italie, Kenya, Lettonie, Luxembourg, Mexique, Monténégro, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pays-Bas, Pérou, Portugal, République slovaque, Roumanie, Royaume-Uni, Saint-Marin, Slovénie, Suède, Suisse, Tunisie, Ukraine et Uruguay.

Source :

OECD (2022), OECD Publishing, Paris,Politique fiscale et égalité femmes-hommes: Un bilan des approches nationales, https://doi.org/10.1787/c2ca4314-fr.

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