Volet fiscal du CSA : une loi du 13 mars 2019 poursuivant un objectif de neutralité fiscale.

Chacun sait que le nouveau CSA introduit par la loi du 23 mars 2019 (MB. 4 avril 2019) a apporté de profondes modifications au droit des sociétés. Il s’agit même d’une véritable révolution.


Ces modifications portent

  • sur la théorie du « siège statutaire » en lieu et place du « siège réel »,
  • sur la diminution drastique du nombre de formes juridiques de sociétés (passage de 15 à 7 formes),
  • sur les nouvelles dénominations des sociétés (la SPRL faisait place par exemple la SRL),
  • sur l’ étendue des droits qui sont attachés aux apports,
  • sur la suppression de l’exigence d’un capital minimum dans les SRL contrebalancée par de nouveaux contrôles à opérer en cas de distribution des réserves ( test de l’actif net qui ne peut devenir négatif et test de liquidité),
  • sur l’extension des possibilités de transformations de formes juridiques de sociétés (telle la transformation d’une société en ASBL),
  • sur l’assouplissement des règles en matière d’acquisition d’actions propres, nouvelles définitions (petite société, société liée, contrôle) etc.


Conséquences fiscales du nouveau CSA

De telles règles nouvelles, de tels principes nouveaux, de tels assouplissements majeurs du Code des sociétés ont inévitablement des conséquences fiscales qui ont nécessité de compléter ou d’adapter le Code des impôts sur les revenus. Songeons par exemple aux multiples règles fiscales qui font référence à la notion de capital social ou de capital libéré d’une société.


C’est ainsi que « la loi du 13 mars 2019 (non encore publiée) adaptant certaines dispositions fiscales fédérales au nouveau Code des sociétés et des associations » a été adoptée dans le prolongement de la mise en place de CSA.


L’Exposé de motifs de la loi indique à cet égard que le législateur a souhaité veiller à garantir la neutralité fiscale dans toutes les dispositions fiscales introduites à la suite du nouveau CSA et permettre une parfaite harmonie entre le droit des sociétés et le droit fiscal : « Le projet de loi vise à assurer, en principe, la neutralité sur le plan fiscal de ce nouveau code, ce qui implique qu’aucune modification substantielle n’a été apportée aux dispositions fiscales. Toutefois, les modifications apportées sur le plan du droit des sociétés et des associations ont également obligé à modifier les dispositions fiscales sur le fond, afin d’éviter toute divergence entre ces deux branches du droit et le bon fonctionnement du nouveau droit des sociétés et des associations, tant en matière du droit des sociétés qu’en matière de droit fiscal. »



La nouvelle notion de capital et la fiscalité

Nous vous proposons dans cette lettre d’information d'étudier les incidences fiscales liées aux nouvelles notions de « capital »


Le CSA ne conserve la notion de capital social que pour la société anonyme.


Pour la société à responsabilité limitée (“SRL”) et la société coopérative (“SC”), la notion de capital social – et dès lors l’exigence d’un capital minimum de 18 550 EUR qui s’appliquait aux SPRL) – est supprimée.


Donc, outre la société en nom collectif (“SNC”) et la société en commandite simple (“SCS”, appelée dans le CSA “société en commandite” (“SComm”)) la SRL et la SC deviennent des

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Cette suppression de la notion capital, jugée obsolète pas les auteurs de la loi ne se fait toutefois pas sans garantie en contrepartie : nécessité d’avoir un « patrimoine suffisant », renforcement de ‘l’obligation d’établir un plan financier, tests d’actif net négatif et test de liquidité en cas de distribution de dividendes.


Ces changements majeurs ont nécessité d’introduire dans le CIR une définition nouvelle du « capital », différente selon que l’on se réfère aux sociétés avec capital ou aux sociétés qui n’ont pas de capital au sens du droit des sociétés applicable. La définition essentielle en droit fiscal de capital libéré est aussi adaptée. En outre, il a fallu se préoccuper d’adapter des règles particulières notamment en matière de réductions de capital ou de dividendes VVPRbis.



4 adaptations phares du CIR


1ère adaptation : Définition de la notion de “capital” introduite à l’article 2, § 1er, CIR

La définition de “capital” établit une distinction entre, d’une part, les sociétés à capital et, d’autre part, les autres formes de sociétés.


Pour le premier groupe, on se réfèrera à la notion de capital qui figure dans le droit qui régit la société. Pour le deuxième groupe, en revanche il a été opté de se fonder sur l’apport de l’actionnaire ou de l’associé.


Dans les sociétés avec capital, le CIR parlera désormais de capital d’une société anonyme tel que prévu par le CSA, ou, pour une société ayant une autre forme juridique pour laquelle le droit belge ou étranger qui la régit prévoit une notion analogue (notion basée notamment sur les normes de droit international à effet direct, telles que, par exemple, le règlement européen n° 2157/2001 sur la Société européenne, qui prévoit un capital pour cette forme de société).


Pour les formes de sociétés pour lesquelles le droit belge ou étranger qui régit la société ne connaît pas la notion de capital, on entend par “capital” les capitaux propres de la société par « apports en numéraire ou en nature autres que des apports en industrie ».


On note ici une différence majeure par rapport au CSA qui prévoit que l’apport en industrie forme, dans la SRL et la SC, un apport valable qui peut être rémunéré par l’émission d’actions. Le législateur fiscal n’a pas souhaité intégrer ce type d’apport, considérant que l’apport en industrie reste très difficilement évaluable et que de surcroit il peut y avoir un risque de surévaluations et des abus, également à des fins fiscales. La question se pose néanmoins de savoir comment traiter fiscalement un apport en industrie (accroissement de patrimoine imposable ?).


2ème adaptation : Suppression systématique du mot « statutaire » ou « social » dans toutes les dispositions fiscales du CIR

La loi fiscale du 13 mars 2019 a supprimé dans toutes les dispositions fiscales le mot « statutaire » ou « social » lorsqu’il est lié au mot capital. Il s’agit d’une conséquence logique de la création de la nouvelle définition de capital pour les deux groupes de sociétés.

Il faudra à présent toujours appréhender la notion de capital en vérifiant à chaque fois si l’on a affaire au capital social d’une société avec capital ou aux capitaux propres d’une société sans capital. Un exerce qui nécessitera une certaine attention.


3ème adaptation : Nouvelle notion de capital libéré

La notion de « capital libéré » qui figure à l’article 184 du CIR subit un sérieux lifting.


La loi fiscale du 13 mars 2019 supprime les deux premiers alinéas et les remplace par trois nouveaux alinéas :


1er alinéa : définition de capital libéré

La notion correspond au « capital » (tel que défini ci-avant selon les deux groupes de sociétés) qui est formé par les apports réels en numéraire ou en nature (autres que des apports en industrie), et dans la mesure où il n’y a pas eu de remboursement ou de réduction. Par l’expression “apports réellement”, le législateur entend empêcher que des apports surévalués donnent lieu à la formation de capital réellement libéré.


2ème alinéa : primes d’émission payées lors d’augmentations de capital et sommes souscrites à l’occasion d’émission de parts bénéficiaires

Ces sommes restent assimilées à du capital libéré, comme auparavant. Mais si l’exigence de comptabilisation dans les capitaux propres au passif du bilan est maintenue, la condition d’indisponibilité statutaire des sommes à l’égal du capital social n’est plus requise, ce qui est logique du fait que cette indisponibilité de principe n’est plus prévue le nouveau CSA et du fait que le droit des sociétés étranger (susceptible de trouver à s’appliquer) ne connait pas forcément cette notion d’indisponibilité.


3ème alinéa : notion de capital libéré pour les ASBL, fondations et autres organismes dotés de la personnalité juridique qui sont assujettis à l’impôt des sociétés

Même si elles poursuivent un but désintéressé, ces entités peuvent se voir soumises à l’impôt des sociétés lorsqu’elles se livrent à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif et ne sont pas exonérés de l’impôt des sociétés. Pour mettre un terme à la controverse quant au point de savoir si l’on peut dans ces entités parler de capital libéré, le législateur fiscal a introduit une nouvelle définition fiscale des apports effectués.


Le nouvel alinéa 3 qualifie de capital libéré de tels organismes les « sommes qui ont été apportées à l’organisme et qui peuvent être reprises par l’apporteur lorsque la loi permet une telle reprise. ». Tel est le cas par exemple les biens apportés par le fondateur à une Fondation poursuivant un but désintéressé et qu’il peut reprendre car le CSA le prévoit (article 11 :2 du CSA)


4ème adaptation : Réduction de capital

La loi fiscale prévoit que le remboursement effectué à l'occasion d'une réduction de capital soit opéré en exécution d'une décision régulière de la société « conformément au CSA, ou, si la société n'est pas régie par ce Code, conformément aux dispositions du droit qui la régit »


Dans le cadre de la réforme de l’impôt des sociétés (loi du 25 décembre 2017), tout actionnaire qui choisit de réduire le capital de sa société est désormais censé recevoir aussi un prorata des réserves de la société, en dépit du fait que le remboursement du capital ne porte que sur le capital libéré qui a été apporté. À la suite du nouveau CSA, la loi fiscale a donc aussi été quelque peu modifié pour préciser l’application chronologique des différentes règles techniques d’imputation.


Exemple : l’imputation proportionnelle ne prend pas en compte les réserves indisponibles pour actions propres. Mais comme le CSA ne prévoit plus la limite de 20 % en matière d’acquisition d’actions propres, le texte de loi a choisi de maintenir ce seuil de 20 % ; de sorte que la règle du prorata sera appliquée pour toutes les réserves indisponibles pour actions propres qui dépasseraient cette limite.


5ème adaptation : Dividendes VVPRbis (dividendes au taux réduit de 15% et 20%

Le régime VVPRbis offre la possibilité aux actionnaires d’une petite société de bénéficier d’un taux réduit du précompte mobilier (15 ou 20 %) lorsqu'il est procédé à partir du 1er juillet 2013, suivant diverses conditions, à un apport en nouveau capital en numéraire à une petite société, soit au moment de la constitution soit au moment d’une ne augmentation de capital (art. 269, § 2, CIR).


Le texte de loi prévoyait que les sociétés sans capital minimum étaient exclues du bénéfice du régime VVPRbis et qu’un capital minimum de 18.550 EUR (capital minium des SPRL) était requis pour prétendre aux avantages de ce taux réduit. En raison de la suppression de toute obligation d’avoir un capital minimum pour les sociétés autres que les sociétés anonymes, cette exigence de capital minimum a donc été abrogée, de sorte que les sociétés qui ne possèdent pas de capital minimum peuvent désormais également bénéficier du régime VVPRbis.


Cette mesure entre en vigueur au 1er mai 2019.

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