Circulaire 2022/C/100 concernant le régime TVA applicable aux régies communales autonomes

L' Administration générale de la Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée a publié ce 13/10/2022 la Circulaire 2022/C/100 concernant le régime TVA applicable aux régies communales autonomes.

La présente circulaire traite du régime TVA applicable aux régies communales autonomes, et plus particulièrement de l’application des exemptions visées par l’article 44, § 2, 3°, 4°, a), 6°, 7° et 9°, du Code de la TVA. Cette circulaire remplace la décision TVA n° E.T.129.288 du 19.01.2016.


Table des matières

1. Identification de la problématique

2. Qualification d'une RCA en tant qu’assujetti au sens de l'article 4 du Code de la TVA

3. Organisme sans but lucratif

3.1. Notion d’« organisme sans but lucratif »

3.2. La RCA en tant qu’organisme avec ou sans but lucratif : détermination d’un but de lucre dans le chef de la RCA

3.3. Subside lié au prix ou subside de fonctionnement : délimitation de la frontière

4. Entrée en vigueur

1. Identification de la problématique

Certaines communes constituent une régie communale autonome (ci-après « RCA ») à qui elles confient la gestion d’activité(s) déterminée(s), telle(s) que par exemple l’exploitation d’infrastructures sportives.

La qualité d’assujetti de la RCA ne présente aucune difficulté particulière (voir point 2. infra).

En revanche, l’application des exemptions conditionnées par l’absence de recherche systématique du profit par l’assujetti, semble, dans la pratique, encore soulever régulièrement des difficultés à l’égard des RCA.

Il ne fait aucun doute que les opérations effectuées par une RCA en tant qu’exploitant d’une infrastructure sportive, éducative, culturelle ou de divertissement se trouvent dans le champ d’application matériel de l’article 44, § 2, 3°, 4°, a), 6°, 7° ou 9°, du Code de la TVA.

Cependant, des discussions ont été suscitées par la question de savoir si une RCA poursuit ou non un but lucratif et en conséquence, si elle se trouve dans le champ d’application personnel des exemptions susmentionnées. Plus précisément, et compte tenu du lien particulier qui unit une RCA et sa commune, s’est notamment posée la question de savoir si la simple mention d'un but lucratif dans les statuts (accompagnée ou non de la possibilité de distribution de bénéfices) est en soi suffisante.

L’existence ou non d’un but de lucre dans le chef de la RCA est déterminante.

Lorsque la RCA poursuit un but de lucre, les dispositions susvisées prévoyant une exemption ne trouvent pas à s’appliquer (RCA hors du champ d’application personnel) et ce, bien que les opérations réalisées par la RCA se trouvent dans le champ d’application matériel de ces dispositions. Il s’en suit que les opérations réalisées par la RCA sont effectivement taxables et que la TVA supportée en amont de ces opérations est alors déductible.

A contrario, lorsque la RCA ne poursuit pas de but de lucre, les opérations qu’elle réalise et qui se trouvent dans le champ d’application matériel de l’article 44, § 2, 3°, 4°, a), 6°, 7° ou 9°, du Code de la TVA sont exemptées. La TVA supportée en amont de ces opérations ne peut alors pas être déduite.

La problématique que constitue la question de savoir si une RCA est à considérer ou non comme un organisme qui poursuit un but lucratif et, par conséquent si celle-ci est ou non un assujetti exempté sans droit à déduction, a été réexaminée par l’administration. Ce qui suit apporte des précisions quant à la mesure dans laquelle une RCA peut être considérée comme poursuivant un but de lucre (voir point 3. infra).

La question de l'impact des subventions attribuées par la commune à la RCA se pose également (voir point 3.3., infra).

2. Qualification d'une RCA en tant qu’assujetti au sens de l'article 4 du Code de la TVA

Les régies communales autonomes ne sont pas visées par le régime TVA applicable aux autorités publiques (conformément à l'article 6 du Code de la TVA) et sont par conséquent des assujettis ordinaires avec droit à déduction de la taxe en amont selon les règles normales (Décision n° E.T.101.890 du 27.03.2002).

3. Organisme sans but lucratif

3.1. Notion d’« organisme sans but lucratif »

La notion d’« organisme sans but lucratif » a été précisée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-174/00, Kennemer Golf & Country Club (CJCE 21.03.2002, C-174/00, Kennemer Golf & Country Club). Pour apprécier si un organisme peut être qualifié d’organisme sans but lucratif, l'ensemble des activités de cet organisme doit être pris en considération. Il ne suffit pas que les opérations visées par l'exemption soient effectuées sans but lucratif alors que d'autres opérations sont accomplies dans un but commercial. L'organisme, considéré dans son ensemble, n'a aucun but lucratif s'il n'a pas comme objectif de faire du profit en vue de le distribuer à ses membres. L’existence d’un tel objectif doit être déterminée en fonction de l’objet statutaire de l’organisme et des circonstances concrètes et effectives de son activité.

Lorsque, sur la base des critères précités, un organisme est qualifié d'organisme sans but lucratif, il est sans importance qu'il réalise ou non ou qu’il vise ou non systématiquement des excédents. Est également qualifié d’organisme sans but lucratif, l'organisme qui cherche systématiquement à générer des excédents, pour autant que ceux-ci ne soient pas distribués aux membres à titre de bénéfices (voir aussi à cet égard les conclusions de l'avocat général F.G. JACOBS du 13.12.2001, C-74/00, Kennemer Golf & Country Club).

La condition, imposée aux organismes concernés, de n’utiliser les recettes provenant des opérations exemptées que pour en couvrir les frais, signifie qu'ils peuvent bel et bien réaliser ou même viser des excédents, pour autant que ces excédents ne soient pas distribués aux membres à titre de bénéfices et que les organismes utilisent ces excédents pour les besoins de leurs prestations de services exemptées. Une interprétation contraire reviendrait à interdire aux organismes de clôturer leur exercice comptable avec un solde positif et à les empêcher de constituer des réserves qu'ils peuvent utiliser pour le maintien ou l'amélioration des prestations de services exemptées qu'ils fournissent.

L'administration s'est ralliée aux principes précités en ce qui concerne la portée de la notion d’« organisme sans but lucratif » (Décision n° E.T.104.780 du 27.11.2003).

3.2. La RCA en tant qu’organisme avec ou sans but lucratif : détermination d’un but de lucre dans le chef de la RCA

Compte tenu du contexte spécifique dans lequel une RCA développe ses activités et de la notion de but lucratif (voir supra, points 3.1.), il est nécessaire de déterminer dans quelles circonstances la RCA peut être considérée comme un organisme à but lucratif.

A cet égard, il ressort certes d’une réponse de l'ancien ministre de la Modernisation des Finances et de la Lutte contre la fraude fiscale, adjoint au ministre des Finances, que l'assujettissement avec droit à déduction de la taxe en amont selon les règles normales ne peut être contesté pour des RCA qui exploitent un établissement visé par l'article 44, § 2, 3°, du Code de la TVA (mutatis mutandis article 44, § 2, 4°, a), 6°, 7° ou 9°, du Code de la TVA), dont il ressort des statuts qu'ils poursuivent un but lucratif et qu'ils ont pour objectif de distribuer des bénéfices (Question orale n° 519 PEETERS du 11.12.2007, Compte rendu analytique Chambre, Com 045, 1).

Cependant, le ministre des Finances a ultérieurement précisé que les RCA qui développent des activités dont l'exemption est subordonnée à l'absence de but lucratif, se trouvent hors du champ d'application de l'exemption concernée lorsque leurs statuts prévoient que les bénéfices éventuels seront distribués aux communes fondatrices et que cela se produit effectivement (QP n° 842 WARZEE-CAVERENNE du 02.04.2014, Questions et Réponses, Chambre, 2013-2014, n° 53/161, 95).

En outre, la qualification d'une régie communale autonome en tant qu'assujetti avec droit à déduction au sens de l'article 4 du Code de la TVA n'empêche pas que l'administration puisse ultérieurement vérifier si les dispositions statutaires ne sont pas purement théoriques et dès lors puisse décider que l'exemption précitée est quand même applicable (voir à cet égard : Question orale n° 804 PAS du 16.12.2014, Compte rendu analytique Chambre, Com 039, 48).

Dès lors que la poursuite d’un but de lucre ne peut être déduite de la seule mention en ce sens dans les statuts, encore faut-il définir la manière dont peut être identifiée l’existence effective d’un tel but (et donc d’un bénéfice distribuable) dans le chef de la RCA.

L’exemption sera d’application lorsque des déficits se produisent systématiquement dans le chef de la régie communale autonome parce que les prix réclamés aux visiteurs de l’établissement ne suffisent pas à couvrir les frais d'exploitation de la régie communale autonome et que, par conséquent, il est de facto impossible de distribuer des bénéfices. Pour ce faire, c'est le résultat opérationnel de l'activité globale de la régie communale autonome (et donc non pas activité par activité) qui doit être pris en compte (QP n° 481 DISPA du 16.07.2015, Questions et Réponses, Chambre, 2015-2016, n° 52).

Pour déterminer s’il existe un bénéfice distribuable, il n’est donc pas suffisant de comparer uniquement, d’une part, le facturier d'entrée et, d’autre part, le facturier de sortie/le journal de recettes.

Il faut plutôt prendre en compte le résultat d'exploitation (y compris les amortissements, la constitution des provisions, ...) en excluant les charges et les produits exceptionnels, la raison étant que le bénéfice/la perte doit être structurel(le) et indépendant(e) dévènements fortuits affectant les recettes ou les dépenses. A titre d’exemple, constituent des produits exceptionnels, les revenus de transactions immobilières et financières.

Par conséquent, le bénéfice/la perte de la RCA doit être structurel(le) et indépendant(e) des circonstances exceptionnelles en termes de revenus ou de dépenses.

De plus, comme indiqué ci-après, les subsides de fonctionnement alloués par une autorité communale à une RCA, bien qu’ils constituent un produit d’exploitation, sont également à exclure et ne doivent pas être pris en compte dans le cadre de la détermination de l’existence d’un bénéfice. Les subventions de fonctionnement et d'investissement qui sont mises à la disposition de la régie communale autonome par une entité autre qu'une autorité communale, sont par contre qualifiées de recettes d'une activité donnée et peuvent donc être prises en considération pour l'appréciation du but lucratif (QP n° 1955 VAN BIESEN du 06.12.2017, Questions et Réponses, Chambre, 2017-2018, n° 54/150).

En outre, si du personnel est mis gratuitement à disposition par la commune à la RCA, la valeur y afférente n'est pas prise en compte pour la détermination du résultat comptable. La comptabilisation fictive de frais de personnel inexistants exigerait de contrôler également si d'autres frais et investissements sont repris avec la valeur « correcte » dans le compte de résultats (QP n° 1745 DIERICK du 12.07.2017, Questions et Réponses, Chambre, 2017-2018, n° 54/132).

Exemple

Une RCA exploitant une infrastructure sportive est susceptible de recevoir notamment :

1. La contribution au prix de la prestation payée par le bénéficiaire de la prestation.

Par exemple, dans le cas de l’exploitation d’une piscine communale, il s’agit du prix que l’usager est amené à payer pour avoir accès à la piscine.

Le prix mis à charge du bénéficiaire (par ex., l’usager de la piscine) est généralement inférieur au coût de revient et ce, de manière à rendre l’infrastructure accessible à tous. Le solde est subsidié (voir ci-après).

2. Les subsides directement liés au prix octroyés par la commune (ci-après, les subsides liés au prix).

Il est question d’un lien direct avec le prix lorsque la subvention est spécifiquement payée à l’organe subventionné pour la livraison d’un bien déterminé ou l’exécution d’une prestation de services déterminée. Ce lien entre la subvention et le prix doit clairement ressortir d’un examen des circonstances réelles qui sont à la base du paiement de la contrepartie. Par contre, il n’est pas nécessaire que le prix du bien ou du service, ou une partie de celui-ci soit déterminé. Il suffit qu’il soit déterminable (CJUE, 22.11.2001, C-184/00, Office des produits wallons, points 11-13).

3. Les subsides de fonctionnement octroyés par la commune et qui ont vocation à couvrir des frais d’exploitation de la RCA, sans être liés à des investissements en actifs immobilisés.

4. Les subsides en capital, c’est-à-dire les subsides octroyés par le pouvoir public pour financer l’acquisition ou la construction d’immobilisations.

S’agissant des subsides liés au prix octroyés par la commune à la RCA, ils font, au même titre que le prix acquitté par les bénéficiaires des prestations réalisées par la RCA, partie intégrante du chiffre d’affaires, et doivent être pris en considération afin de déterminer si les dispositions statutaires relatives à la poursuite d’un but lucratif sont théoriques ou non.

Les subsides liés au prix octroyés par la commune à la RCA doivent être compris dans la base d’imposition à la TVA d’une activité déterminée (dès lors qu’ils sont directement liés au prix, ils sont considérés comme constituant une contrepartie de la livraison d’un bien ou de la prestation d’un service). En ce sens, l’article 26, § 1er du Code TVA dispose que : « Pour les livraisons de biens et les prestations de services, la taxe est calculée sur tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur du bien ou par le prestataire du service de la part de celui à qui le bien ou le service est fourni, ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations […] ». Le taux d’imposition est de 6% et ce, conformément à l’arrêté royal n° 20 (tableau A, XXVIII).

S’agissant des subventions de fonctionnement, il a été confirmé que le fait qu’un organisme reçoive des subventions de fonctionnement n'a, en tant que tel, pas de conséquence, sur l'application des exemptions visées à l’article 44 du Code de la TVA. Ainsi par exemple, le fait que des subventions sont accordées à l'exploitant d'une installation sportive, qu'il s'agisse d'un organisme sans but de lucre, d'une régie communale ou d'une intercommunale, et qu'à la suite de l'octroi de ces subventions, les recettes de cet exploitant dépassent ses coûts, n'a pas pour conséquence qu'il doit être considéré comme un organisme poursuivant un but de lucre, exclu de l'exemption de l'article 44, § 2, 3°, du Code de la TVA (mutatis mutandis article 44, § 2, 4°, a), 6°, 7° ou 9°, du Code de la TVA). En outre, cet octroi de subventions de fonctionnement peut constituer la preuve que l'organisme ou l'établissement ne dispose pas lui-même de moyens suffisants pour couvrir ses dépenses, en d'autres termes, que ses recettes ne sont pas en soi suffisantes pour couvrir ses frais d'exploitation. L'octroi de subventions de fonctionnement peut donc refléter l'absence de but lucratif. (QP n° 1320 GORIS du 12.06.2006, Questions et Réponses, Chambre 2005-06, n° 128, 25140).

Les subventions de fonctionnement qui sont mises à la disposition de la RCA par la commune, qui constituent comptablement un produit d’exploitation, ne sont pas, compte tenu du lien étroit entre la RCA et la commune, une part des recettes de la RCA prises en considération afin de déterminer si les dispositions statutaires en matière de poursuite de but lucratif sont théoriques ou non.

Il en va de même pour les subsides en capital.

En dépit des définitions des différents subsides reprises ci-dessus, l’appartenance de subventions tantôt à la catégorie des subsides de fonctionnement, tantôt à la catégorie des subsides liés au prix, a pu en pratique poser problème faute de critères précisément identifiés permettant de tracer la limite entre les deux catégories. Il y a donc lieu d’établir de tels critères (voir infra, point 3.3.).

3.3. Subside lié au prix ou subside de fonctionnement : délimitation de la frontière

Ainsi que cela ressort de ce qui précède, l’application ou non aux opérations d’exploitations réalisées par la RCA des exemptions visées à l’article 44, § 2, 3°, 4°, a), 6°, 7° ou 9°, du Code de la TVA et corollairement, le droit de la RCA de déduire ou non la TVA acquittée en amont, dépend notamment du fait que la RCA poursuive ou non un but lucratif.

Etant donné que l’identification des recettes est indispensable pour déterminer si la RCA poursuit ou non un but lucratif et étant donné que les subsides liés au prix constituent des recettes tandis que ce n’est pas le cas des subsides de fonctionnement ou en capital, il est primordial que la délimitation entre les premiers et les seconds subsides soit non équivoque.

En toute hypothèse, l'administration part du principe que les subventions versées par une commune à la RCA peuvent être considérées comme des subventions liées au prix, compte tenu du contexte spécifique, si les conditions suivantes sont remplies:

1. Avant le début de ses activités ou avant le début d’un nouvel exercice comptable, la RCA déterminera le prix de chacune des prestations de services qu’elle fournira (le cas échéant, pour chacune de ces prestations, un prix différent sera fixé en fonction de la nature du preneur de ces prestations (résident de la commune ou non, membre d’un club, école, ...)) ;

2. De la même manière, la commune fixera, avant le début des activités de la RCA ou avant le début d’un nouvel exercice comptable de la RCA, le montant du subside lié au prix qu’elle entend attribuer à chaque prestation de services fournie par la RCA (le cas échéant, en distinguant selon la nature du preneur des prestations) ; il est donc requis que le montant des subsides liés au prix soit déterminé avant toute fourniture de prestations par la RCA ;

3. Les montants des subsides liés au prix, individualisés conformément au point 2. ci-avant, ne pourront être revus que deux fois par an (à nouveau, l'attention est attirée sur le fait que les subsides liés au prix seront exclusivement adaptés pour les futures prestations) ; la charge de la preuve de la date d’entrée en vigueur de ces nouveaux montants de subsides et du fait qu’ils ne sont pas utilisés rétroactivement incombera à la RCA ;

4. Les montants des subsides liés au prix, individualisés conformément aux points 2. et 3. ci-avant, sont calculés sur le nombre réel de prestations fournies par la RCA et non sur un nombre estimé en début d’activité ou en début d’exercice comptable ;

5. La TVA sur les subsides liés au prix deviendra exigible en fonction des règles applicables aux recettes auxquelles ils sont liés ; ces règles diffèrent en fonction de la qualité du preneur de ces services (assujetti exempté on non (art. 22 et 22bis, § 1er, du CTVA), particulier (art. 22bis, § 3, du CTVA) ou organisme public visé par l’article 6 du CTVA (art. 22bis, § 4)) ; la taxe due sur ces subsides sera reprise dans la déclaration TVA relative à la période où la TVA est devenue exigible.

4. Entrée en vigueur

La présente circulaire remplace la décision TVA n° E.T.129.288 du 19.01.2016 à partir du 01.01.2023.

Source : Fisonetplus

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