​Il y a 30 ans…

Il y a presque trente ans, je publiais mon premier texte dans l’Écho.

À l’époque, à l’âge de 33 ans, emporté par une vanité vite étouffée par l’ascèse de la recherche et de l’écriture, j’avais une ambition : devenir chroniqueur de la plus noble institution économique et médiatique du Royaume. Je voulais transmettre, passer le bâton de parole, me révolter contre la pensée convenue, donc inutile, et donc partager une pensée différente dans le fatras de ma propre construction intellectuelle. A cet âge-là, on est grisé par sa propre vanité sans l'humilité de la lecture et de l'écoute de tous les sages qui nous ont précédé.

J’envoyais sans cesse des textes à l’Écho, sans réponse. Puis, un jour, le rédacteur en chef de l’époque, Freddy Melaet, me fit confiance, et me témoigna ce que je considéra plus tard comme un signe du destin. Toute ma carrière, ma passion pour le verbe et la parole, ma construction intellectuelle furent fondées sur cette première publication. Ce rédacteur en chef corrigeait mes envois. Mais il y mit une condition : m’engager, à vie, à publier un texte par mois. Il ne voulait pas de chroniqueur volage et éphémère.

Sa confiance m’a mené à structurer des diplômes. C’est d’ailleurs ce même rédacteur en chef qui m’avait conseillé d’entamer le long et solitaire chemin du doctorat, et lorsque je l’ai obtenu, il m’invita à déjeuner et me dit sobrement, autour d’une bonne bouteille de bourgogne, « je savais que vous y arriveriez ».

Mais c’était grâce à lui !

Et j’ai toujours considéré que la véritable légitimité d’enseigner à l’université découle d’une recherche, d'une défense et d’une publication doctorale.

Mais depuis 30 ans, je me pose la question de la légitimité de l’écriture.

La possède-t-on par des textes qui construisent couche après couche, un faisceau d’idées ? Est-elle dévolue ? Arrachée ? Imposée ? Je n’ai toujours pas de réponse, à part le fait qu’une publication doit être fondée sur une recherche honnête, rigoureuse et contradictoire, être empreinte de doute et s’offrir à la vulnérabilité de la critique, dans une vision voltairienne. Je n’ai d’ailleurs jamais envoyé un texte à l’Écho sans un pincement au ventre. Et puis, il faut construire un style, son style. Et cela prend du temps. Le mien découle d'un mélange de Mauriac et de Céline, deux auteurs contemporains l'un de l'autre qui ne se seraient rencontrés qu'une seule fois.

Et j’ai choisi, dès l’âge de ces 33 ans, de ne pas percevoir de droits d’auteur pour aucune publication. Les maigres revenus que je reçus furent utilisés pour acheter des livres destinés aux recherches… des futures publications.

Mais au-delà de cela, une publication n’existe que par la bienveillance des lecteurs auxquels j’ai toujours exprimé ma plus profonde gratitude.

Un tiers de siècle, c’est à la fois court et long.

Merci à vous.​

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