Offensive fiscale sur la déductibilité TVA et ISOC des factures de sous-traitance et des management fees : se préparer et se défendre

Des contrôles fiscaux orientés vers les factures de sous-traitance et de management.

Il semble que l’administration fiscale accorde cette année une attention particulière à la déduction TVA, IPP et ISOC des factures de prestations de sous-traitance et de management fees.

Le contexte économique est simple : une entreprise décroche des contrats et ne dispose pas en interne des ressources humaines nécessaires à leur réalisation matérielle. Elle doit donc nécessairement faire appel à des sous-traitants externes, qui réalisent les prestations et facturent bien évidemment leurs prestations à l’entreprise concernée, laquelle les paye, déduit la TVA et déduit le montant hors TVA des factures concernées au titre de charges professionnelles. Rien de plus normal et de plus légal. Et il en est de même pour les Management Fees, soit les factures adressées par une société de management à une société d’exploitation qu’elle dirige et administre.



Cet article est publié dans le cadre du Tax TV Show du 3 octobre 2023

Le contribuable a la charge de la preuve de ce qu’il veut déduire.

Mais en cas de contrôle fiscal, les choses se corsent souvent. Ainsi, il semble que nombre de contrôleurs considèrent ce type de factures avec méfiance, voire avec une présomption de non- déductibilité. Il en résulte souvent des situations de rejet de déduction de la TVA et de déduction de la facture au titre de charges professionnelles, assorties de l’application d’amendes et accroissements d’impôts importants, voire de l’application d’une cotisation spéciale sur sommes non justifiées (non déductible) de 100 % des montants payés par l’entreprise. Les enjeux financiers sont donc souvent importants. Et rappelons qu’en matière de déduction des charges professionnelles, le contribuable a la charge de la preuve de la réalité et du montant de tout ce qu’il veut déduire …

En matière de TVA, la déduction est la règle.

En matière de TVA, la déductibilité est la règle et son refus l’exception, réservée à des situations où l’administration fiscale est en mesure de démontrer que l’assujetti a participé de manière consciente et raisonnée à un mécanisme de fraude ou d’émission de fausses factures ne correspondant pas à des prestations réelles à l’instigation d’entreprises ne remplissant pas leurs obligations déclaratives en leurs qualités d’assujettis. Et la charge de la preuve de cette participation consciente de l’assujetti concerné repose bien entendu sur l’administration fiscale.

Mais, hors ce cas quelque peu exceptionnel, l’administration fiscale n’est pas en droit – contrairement à ce que certains contrôleurs affirment souvent- de refuser purement et simplement à un assujetti le droit à la déduction de la TVA sur les prestations de sous-traitance qu’il paye sous le fallacieux prétexte que les dits sous-traitants ne respectent pas strictement leurs obligations déclaratives et de paiement de la TVA.

Quid en matière d’IPP et d’ISOC ?

En matière d’impôts directs, le débat est assez similaire, bien que ne reposant pas sur les mêmes bases juridiques. L’article 49 du C.I.R., article contenant les règles de base de la déduction des charges professionnelles, fait peser sur le contribuable la charge de la preuve de la réalité et du montant de toute dépense dont il entend revendiquer la déduction au titre de charges professionnelles. Et notamment de toute facture de sous-traitance ou de management fees.

Vu ce contexte, il est donc prudent de recommander aux contribuables concernés d’adopter une attitude prudente et proactive : établissement d’une convention de management et/ou de sous-traitance détaillée, de factures régulières et détaillées, payées par virement et non en liquide, accompagnées par prudence de relevés précis de prestations.

Ce ne sont pas a priori des exigences légales, mais l’expérience enseigne que s’astreindre à les tenir et à être en mesure de les présenter lors de tout contrôle fiscal est de nature à réduire fortement le risque de litige sur ce point.

Prouver la réalité des prestations par toutes voies de droit …

Mais que faire si le problème apparaît lors d’un contrôle fiscal et que ces mesures de prudence

n’ont pas été appliquées. Est-ce la fin des haricots ? Certainement pas. Le contribuable, à qui l’administration fiscale refuserait la déduction des factures à la TVA, à l’IPP ou à l’ISOC, conserve le droit de démontrer par toutes voies de droit qu’elles correspondent à des prestations réelles et réellement effectuées.

Ainsi, être en mesure de reconstituer le circuit économique des prestations et notamment le fait qu’en bout de course, une société ayant pignon sur rue a payé les factures de l’entreprise ayant fait appel à des sous-traitants démontre de manière indirecte mais certaine que les prestations ont bien été effectuées pour son compte, et donc leur caractère de charges professionnelles déductibles.

Factures payées en liquide : à déconseiller, mais pas un vice rédhibitoire !

A cet égard, nombre de contrôleurs fiscaux semblent s’émouvoir du fait que des factures de sous-traitances aient été réglées en liquide via la caisse de l’entreprise. Si un tel procédé, générateur de litiges, n’est certes pas à recommander, le fait que de telles factures n’aient pas été payées par virement ne démontre nullement qu’elles ne correspondraient pas à des prestations réelles et sincères.

Notons que la seule disposition légale interdisant le paiement de produits ou de services en liquide pour des montants supérieurs à 3.000 EURO est une disposition relevant de la loi réprimant le blanchiment et n’a donc rien à voir avec la problématique de la déduction IPP, ISOC ou TVA.

Un contrôle fiscal à préparer … tous les jours !

Ne vous laissez donc pas faire en cas de débat ou de litige sur ce point, les argumentations péremptoires de pas mal de contrôleurs sont destinées à effrayer les contribuables et sont de nature à voler en éclat si la défense est ferme et efficace.

Mais, répétons-le, avant de se défendre, il faut se préparer et les mesures préventives recommandées ci-dessus le permettent assurément. Car il faut noter que certaines décisions judiciaires ont refusé d’accorder foi à des relevés de prestations reconstitués et produits non lors du contrôle, mais ultérieurement en cours de litige, les juges considérant que leur production tardive leur avait ôté toute valeur probante. Un contrôle fiscal en la matière ne se prépare donc pas à la veille de la visite du contrôleur, mais tous les jours, ou en tout cas tous les mois.

Soyez en mesure d’établir la réalité du circuit économique.

En la matière, tout est toutefois question d’espèce et, à titre personnel, je ne partage pas cette opinion. Mais l’honnêteté intellectuelle commande de préciser que ces décisions existent, et qu’il est donc prudent de tenir au jour le jour des relevés de prestations précis à l’appui des factures de sous-traitance et de management fees.

On pourra ainsi dès le début du contrôle établir la réalité du circuit économique et des prestations. Ce qui diminuera substantiellement le risque de litige en cas de contrôle.

Somme toute, les seules guerres que l’on soit toujours certain de gagner sont celles qu’on aura évité de faire. A bon entendeur …

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