Plainte contre la STIB pour discrimination lors du recrutement, le point sur la question

La Société des transports intercommunaux de Bruxelles (STIB) est confrontée à une plainte pour discrimination d’une juriste suite au rejet de sa candidature en vue d’un recrutement.


La STIB est confrontée à une plainte pour discrimination d’une juriste suite au rejet de sa candidature en vue d’un recrutement. La candidate qui postulait pour les postes de "legal officer" et de "business analyst" affirme que c’est sa volonté de garder le voile qui est la cause de ce rejet. Elle est soutenue par UNIA.


La STIB, elle, affirme qu’elle ne "disposait pas des compétences recherchées" et que la décision n’a rien à voir avec le port du voile ou de signes convictionnels.

L’occasion de rappeler que même avant l’engagement d’un travailleur, un employeur est tenu par des règles strictes. D’une part, la convention collective de travail (CCT) nationale N°38 prévoit des droits et des obligations strictes dont la plus relevant en l’espèce est que dans le cadre du recrutement d’un travailleur sa vie privée soit respectée ce qui exclut toutes les questions qui ne seraient pas directement liées à l’évaluation et aux nécessités du poste et surtout l’obligation pour l’employeur de justifier le rejet d’une candidature.

D’autre part, la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discriminations interdit toute discrimination fondée sur l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la langue, l’état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale.



"Elle ne convenait pas"

On rappellera que rejeter une candidature en raison du port de signes convictionnels est une distinction directe a priori discriminatoire à moins de la justifier par des exigences professionnelles essentielles et déterminantes.


Sans connaître des détails de l’affaire, ce qui va se peser en premier lieu devant le tribunal est de savoir si la STIB peut prouver que sa décision est fondée uniquement sur une évaluation objective de la candidature dont il ressort qu’elle ne "convenait pas".


On imagine que la STIB aura dans le contexte juridique strict évoqué plus haut conservé des preuves. D’autant que la STIB a montré de longue date sa volonté de privilégier l’intégration et le respect de tous.

Ce qui étonne ici est que la STIB ait pu être au courant du fait que la candidate portait le voile (elle se sera présentée avec lors de l’interview) et surtout qu’elle avait l’intention de le porter pendant le travail. En effet, la question du port et/ou de la volonté du port du voile est une question a priori interdite sous la CCT n°38. À moins qu’une politique de neutralité dans l’entreprise existe, de demander généralement si le travailleur serait prêt à se conformer à une telle interdiction. Et encore, certains diront uniquement si la fonction implique un contact avec le public.



Pourquoi une discrimination "intersectorielle"?

Par ailleurs, l’invocation d’une discrimination "intersectionelle" pose question. Il s’agit du cas particulier où une personne n’est pas discriminée sur base d’un critère ou d’un autre mais de la conjonction des deux. Où en l’espèce, la candidate ne serait pas discriminée parce qu’elle est une femme ni parce qu’elle porte le foulard mais parce qu’elle est une femme qui porte le foulard.

La loi de 2007 ne couvre pas ce cas de figure et il faudrait a priori jouer sur une discrimination indirecte c’est-à-dire qu’un critère en apparence neutre en réalité impacte uniquement ou plus fortement une catégorie déterminée de personnes en raison de l’un des critères interdit. Le concept est vague et suscite de nombreux débats de puis 30 ans.


Surtout, en invoquant une discrimination intersectionelle, UNIA et la candidate reconnaissent indirectement qu’il n’y aurait pas en l’espèce ni de discrimination basée sur le genre ni de discrimination basée sur la conviction religieuse mais une discrimination basée sur l’intersection des deux. Ceci étonne.


Pourquoi se baser sur un concept vague et non pris en compte dans la loi alors qu’il semble a priori plus facile de jouer sur une discrimination basée sur le port de signes convictionnels.


En l’état de la jurisprudence, même si cela me semble critiquable, une politique de neutralité, si elle existait à la STIB, ce qui n’est pas le cas à ma connaissance, ne pourrait de toute manière pas justifier d’interdire le voile pour des fonctions non liées au public/clients.

Ces deux questions combinées – on dira "intersectionelles" — interpellent sachant qu’Unia est à la pointe en la matière et défend de longue date la prise en compte de la discrimination intersectionnelle. Un adepte de théories du complot y verrait un "test case" en vue de développer la jurisprudence.

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