Taxe sur l’énergie : quelle assise pour les accises ?

Le gouvernement l’a annoncé lundi, la pérennisation de la baisse de 21% à 6% de la TVA sur le gaz et l’électricité sera budgétairement neutre, principalement du fait d’accises nouvelles sur ces énergies, du retour phasé du tarif social à son périmètre initial et des effets dérivés de la baisse des prix de l’énergie.

Que penser de ces mesures ? Dissocions le tarif social, sur lequel nous reviendrons plus loin, de la paire « TVA à 6%/accises ». A propos de celle-ci, on a plus parlé des accises introduites que de la pérennisation du taux de 6%, alors que, budgétairement parlant, les premières ne compensent qu’en petite partie, largement moins de 50%, le coût de ces 6%. Ceci illustre le dicton anglais selon lequel il est plus difficile de reprendre un os au chien que de ne pas le lui donner. On avait beau avoir déclarée la baisse de TVA provisoire, elle fut considérée comme impossible à arrêter ! Ce que la nouvelle paire « TVA à 6%/accises » montre, c’est bel et bien une baisse de la fiscalité énergétique par rapport à ce qui aurait dû prévaloir le 1er avril. Et donc, au fond du fond, il faut être très sévère.

Avoir, avec la baisse de la TVA, consacré des moyens rares à contrecarrer partiellement et de manière temporaire la hausse des prix de l’énergie fut une mauvaise idée. Rendre ce dispositif permanent l’est encore davantage. Rappelons quatre éléments. Premièrement, rien ne justifie de moins taxer une consommation très polluante, ce qu’est celle du gaz et dans une large mesure aussi celle d’électricité. Deuxièmement, il faut un prix de l’énergie élevé pour que nous changions nos comportements. Il est choquant que ceux et celles qui se disent écologistes n’osent ni dire que l’énergie fossile doit être chère, ni publiquement souhaiter qu’elle le soit encore davantage après-demain. Alors que la seule conscience de notre responsabilité environnementale aurait dû y conduire, il a fallu une forte augmentation du prix pour que nous réduisions significativement notre consommation. Troisièmement, baisser la TVA est une mesure non ciblée socialement et qui profite le plus à ceux qui consomment le plus et donc à ceux qui polluent le plus. Et quatrièmement, répétons que comme le gaz et l’électricité sont dans l’indice santé, abaisser la TVA est d’abord une mesure de ralentissement de l’indexation, et non une mesure pro-consommateur.

Ceci étant dit, il est vrai que les accises sont un instrument plus agile que la TVA. Quels sont les avantages des accises ? Le premier est d’éviter l’amplification de la volatilité des prix internationaux de l’énergie. La TVA est proportionnelle à la valeur, là où les accises (sauf quand elles sont ad valorem) sont fixes, liées à la quantité. Le deuxième est que les accises permettent de la modulation fine. Pour la TVA, c’est 6 ou 21% (le cas du taux de 12% étant très particulier). Les accises peuvent être légèrement modifiées, dans un sens ou dans un autre, et très rapidement. On peut donc obtenir un effet de lissage des variations des prix de l’énergie, et avoir les fameux effets cliquet (en cas de hausse des prix) et cliquet inversé (en cas de baisse des prix). Le gouvernement a déjà intelligemment annoncé des seuils en la matière. Le troisième est que les accises autorisent une progressivité. Elles peuvent être plus faibles sur un volume donné de consommation, de base, et plus élevée ensuite. Le gouvernement a d’ailleurs ici aussi judicieusement retenu cette option. Certes, on ne différencie pas en fonction de la taille du ménage ou de l’usage ou non de l’électricité pour se chauffer, mais c’est mieux que des accises uniques, indépendantes de la consommation.

Il y a une autre caractéristique qui distingue les accises de la TVA : elles sont aussi à payer par les entreprises, là où ces dernières récupèrent la TVA. C’est une bonne chose : si le but des accises est d’encourager à moins polluer, pourquoi en exonérer les entreprises ? Certes, objectera-t-on, il y a la fameuse contrainte de la compétitivité, mais n’y a-t-il pas plus d’avenir pour l’économie belge si on collecte des taxes sur les entreprises polluantes pour financer un abaissement des cotisations sociales ?

Dès lors, ce qui aurait été le bon choix, c’est compenser intégralement, et non partiellement, le coût de la baisse de la TVA par des accises nouvelles, au travers d’un alourdissement de ces accises hormis pour la quantité de base. A la place, une partie du financement de la TVA à 6% vient d’une coupe dans ce dispositif, imparfait mais, lui, à forte tonalité sociale, qu’est la réduction de l’accès au tarif social. En faisant cela, le gouvernement choisit de conserver une mesure non ciblée au détriment d’une mesure ciblée. Que c’est triste, et d’autant plus qu’à l’effet anti-redistributif en termes de revenus s’ajoute un effet environnemental à rebours. En effet, classes moyennes et supérieures polluent nettement plus que la catégorie des personnes qui vont perdre l’accès au tarif social.

Bien sûr, le tarif social est imparfait. Par son caractère « tout ou rien » là où une dégressivité lente serait souhaitée, Il génère un piège à l’emploi … mais la réduction du public cible fait tout sauf s’attaquer à ce problème sérieux. Par ailleurs, par le caractère illimité en termes de volume de consommation individuelle concernée, le tarif social n’incite pas à réduire la pollution, et il peut être source de tricherie. Pensons à ces indépendants à faibles revenus déclarés à l’IPP (rappelons que les dividendes et les loyers perçus ne sont malheureusement pas ajoutés aux revenus déclarés à l’IPP) qui, ce faisant, ont actuellement droit au tarif social et qui utilisent le compteur de leur logement pour chauffer et éclairer leurs surfaces professionnelles.

Ici, ce qui aurait été le bon choix, c’est la suppression graduelle du tarif social, et une augmentation des basses allocations sociales couplée à une hausse des bas salaires poche, sans alourdissement du coût pour les employeurs.


Cette chronique est parue également dans l'Echo.

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