Si la Belgique a tendance à punir la société filiale (l'intérêt fictif constitue une base imposable minimale), le Luxembourg se montre plus généreux (possibilité de déduire une charge d'intérêts "fictive").... même si la jurisprudence récente incite à la plus grande prudence (décision du trib. administratif du 23 septembre 2022, n°44902).
Une société belge qui reçoit un prêt sans intérêt de sa société mère (belge ou étrangère) est pénalisée sur le plan fiscal, en application de la mesure anti-abus contenue à l'article 206/3, § 1er du CIR (anciennement visée à l'article 207, al. 7 du CIR), telle qu'interprétée par la jurisprudence. Suivant un arrêt du 10 mars 2016 de la Cour de cassation, les « avantages anormaux ou bénévoles » reçus par une société belge d'une société liée forment une « base imposable minimale ».
Concrètement, l'intérêt fictif calculé au taux du marché, par exemple 50.000 EUR (à supposer que le taux du marché soit de 5%), sera soumis à l'impôt des sociétés, peu importe que ces intérêts ne soient pas réflétés dans la comptabilité et/ou que la situation comptable de la société soit déficitaire.
Au Luxembourg, la situation se présente sous un tout autre jour: la société luxembourgeoise est en principe en droit d'imputer des intérêts fictifs (intérêts notionnels) sur le fondement des articles 56 et 56bis de la LIR. Il faut toutefois veiller à "bétonner" la qualification de "dette" de l'IFL ("Interest Free Loan"). Ainsi, dans une décision du tribunal administratif du 23 septembre 2022, la déduction des intérêts notionnels a été rejetée, dès lors qu'"au vu des conditions du contrat IFL, ce dernier s'analyse en réalité, au niveau fiscal, en un apport caché de capitaux (...), au motif que "la voie normale de financement, dictée par des considérations économiques sérieuses, aurait été l'augmentation de capital".
On relèvera au passage que la présence d'une obligation de remboursement a été jugée insuffisante par le magistrat pour conforter la qualification de "dette" de l'IFL (eu égard, notamment, à la présence d'une clause de "limited recourse").
L'imputation d'une charge d'intérêts ne pourrait-elle pas être postulée sur un autre fondement, reposant sur la théorie de l'apport caché (article 18 LIR)? Suivant certains éminents auteurs, un prêt sans intérêt (apport en jouissance) est susceptible de constituer un apport caché. Toutefois, cette thèse a en pratique relativement peu de chances de prospérer, au regard de la jurisprudence de la Cour administrative luxembourgeoise (arrêt du 5 juillet 2016, n°36888C). En outre, l'apport caché ne peut conduire à une déduction d'une charge d'intérêts fictive que si l'IFL est un "véritable" prêt (ne déguisant pas un apport).