Depuis le 1er septembre, les banques KBC et CBC ont augmenté leurs tarifs bancaires pour leurs clients actifs dans des secteurs où les risques de blanchiment sont les plus élevés. Sont ainsi cités, entre autres, les jeux d’argent, les diamantaires ou les night shops.
La formule n’est pas neuve et les banques néerlandaises RABOBANK et ABN AMRO avaient déjà annoncé qu’elles procéderaient de la sorte.
L’objectif pour ces banques est de répercuter l’augmentation de leurs propres coûts liés à la prévention du blanchiment de capitaux vers leurs clients plus spécifiquement concernés par cet enjeu. Ces dernières années, pour se conformer à une réglementation plus stricte et rendre les contrôles plus rapides et efficaces, les banques ont en effet dû investir massivement dans la constitution d’équipes spécialisées et de nouvelles technologies.
En pratique, ce sera vraisemblablement sur la base des codes NACE (Nomenclature statistique des Activités économiques dans la Communauté Européenne) qui permettent de déterminer la nature de l’activité économique d’une entreprise que la banque fixera le tarif applicable à tel ou tel client.
La question se pose de savoir si cette augmentation de tarifs qui peut revêtir la nature d’une sanction pour les entreprises concernées sera déductible fiscalement dans leur chef.
L’article 53, 6° du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après « CIR 92 ») prévoit que les amendes pénales ou administratives sont en principe non déductibles comme frais professionnel à l’impôt des personnes physiques ou l’impôt des sociétés.
En l’espèce, si l’augmentation du tarif bancaire s’inscrit dans un cadre pénal (la lutte contre le blanchiment des capitaux), il ne s’agit de toute évidence pas d’une « amende » au sens de l’article 53, 6° du CIR 92. L’objectif exprimé par les banques est clair : il s’agit de répercuter des « coûts » vers les clients qui en sont à l’origine.
Exit donc l’application éventuelle de l’article 53, 6° du CIR 92.
La déductibilité des frais supplémentaires mis à charge de ces clients doit donc être analysée sous l’angle de l’article 49 du CIR 92 qui est la disposition générale relative à la déductibilité des frais professionnels. Cet article dispose que sont déductibles, à titres de frais professionnels, les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d’acquérir ou de conserver des revenus imposables.
Ces frais sont-ils consentis pour acquérir ou conserver des revenus imposables ?
Assurément oui ! L’utilisation d’un compte bancaire est évidemment essentiel dans la vie d’une entreprise. Il est incontestable qu’un tel compte permet d’acquérir ou de conserver des revenus imposables. Les frais liés à un tel compte, fussent-ils augmentés en raison du secteur d’activité à risque de l’entreprise, doivent évidemment pouvoir être déduits sur la base de l’article 49 du CIR 92. Le caractère de « sanction » attaché à cette augmentatif de tarif n’est qu’apparent. Comme l’ont très clairement exposé les banques, l’objectif consiste essentiellement en une répercussion des coûts supplémentaires qu’elles doivent consentir dans le cadre de la prévention du blanchiment des capitaux vers les clients plus spécifiquement concernés par ces coûts. Il ne s’agit donc pas d’une « sanction » mais purement et simplement d’une augmentation de tarifs bancaires liée aux charges plus importantes de la banque.
Une question plus complexe sera éventuellement celle de la déductibilité fiscale de coûts bancaires accrus qui seraient mis à charge des travailleurs de l’entreprise. Même si elles n’ont rien fait savoir à ce stade, on peut imaginer en effet que les banques pourraient appliquer cette même augmentation de tarifs aux comptes détenus par ceux qui tirent l’essentiel de leurs rémunérations d’une entreprise active dans un secteur « à risque ». Sur le plan de la législation anti-blanchiment, cela aurait en effet tout son sens.
Même si ces frais sont appliqués sur un compte qu’il utilise à des fins privées, il nous semble que l’augmentation des frais bancaires serait dans ce cas incontestablement liée à l’exercice de l’activité professionnelle du travailleur actif dans un secteur « à risque ». Ce ne serait en effet qu’en raison de cette activité et des rémunérations qu’elle génère que celui-ci se verrait appliquer des frais accrus. En outre, l’on ne saurait raisonnablement prétendre que l’utilisation d’un compte bancaire pour percevoir des rémunérations ne permet pas d’acquérir ou de conserver des revenus imposables. On ne s’étonnerait d’ailleurs pas que les travailleurs concernés répercutent eux-mêmes cette charge supplémentaire vers l’entreprise considérant qu’il s’agit d’un « frais propre à l’employeur » dès lors qu’elle est liée à l’activité de l’entreprise.