Belgique - Droits de succession et d’enregistrement dans les trois régions. Comparaison des taux - Aperçu.

Vers un traitement différent des patrimoines selon qu'on achète un premier logement ou qu'on décède en Région flamande, bruxelloise ou wallonne.

Dans mon précédent post, je vous faisais part de certains aspects de la réforme envisagée par le Gouvernement wallon en matière de droits de succession et d’enregistrement sur l’acquisition d’un premier logement.

J’attirais l’attention sur le caractère ambitieux et encourageant de cette réforme tout en soulignant que du côté Bruxellois rien n’était encore en place et qu’il ne fallait pas s’attendre, à brève échéance, à des mesures semblables, sauf volonté politique d’endiguer la concurrence fiscale entre les Régions. Et même dans ces conditions, il ne fallait pas espérer, a priori, de grosses surprises. En effet, d’une part, la Région bruxelloise se cherche toujours pour former un gouvernement. Et, d’autre part, sa situation budgétaire est telle qu’on a un peu de mal à voir comment elle pourrait prendre des mesures aussi ambitieuses que la Région flamande et wallonne, au grand dam des bruxellois qui risquent d’être désormais tondus beaucoup plus court que leurs voisins proches !

Aussi, la question qui se pose désormais est de savoir, si à politique fiscale inchangée du côté bruxellois, on va assister dans les prochaines années à un exode de certains bruxellois plus fortunés …

MIEUX QU'UN LONG DISCOURS ...

Pour bien comprendre les enjeux, je vous propose de voir ci-dessous comment se profile aujourd’hui les taux en matière de droits de succession dans les trois régions ainsi que le coût des droits d’enregistrement sur l’acquisition du premier logement servant d’habitation pour les « primo acquérant ». Quelques tableaux chiffrés comparatifs valent mieux qu’un long discours.

Les tableaux qui suivent sont indicatifs car au-delà des taux communiqués, on gardera en tête, régionalisation oblige, que la manière dont sont calculés les droits de succession, peut différer d’une Région à l’autre. Cela étant, même en tenant compte de cette différence, et pour autant que les réformes proposées soient adoptées, la Région bruxelloise reste à la traîne …

Du côté de la Région wallonne, les principaux axes de la réforme annoncée en septembre dernier dans la déclaration de politique régionale du Gouvernement wallon, ont désormais fait l’objet d’un accord ce 14 novembre et seront prochainement coulés dans un décret qui sera discuté au Parlement wallon début décembre. La réforme des droits de successions devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2028 si tout va bien …

Du côté de la Région flamande, le Gouvernement flamand a également annoncé une réforme de ses droits de succession qui devraient entrer en vigueur à partir de 2026 [1]! Si a priori, cette réforme est de bon augure pour nos voisins flamands, on constatera toutefois qu’elle se veut un peu moins volontariste et ambitieuse que la réforme entreprise en Région wallonne, dès lors qu’elle vise essentiellement les patrimoines de petite, voire de taille moyenne, alors qu’en Région wallonne, la mesure est envisagée plus largement, comme en attestent les tableaux comparatifs repris ci-après.

[1] En réalité, les modifications à l’impôt des droits de successions devraient intervenir par étapes successives, en fonction des possibilités budgétaires disponibles : l’objectif étant que ces mesures soient pleinement opérationnelles d’ici 2029 !

Comme on le constate, les taux applicables en Région wallonne aux différentes tranches ont été divisés par deux dès 100.00 € pour plafonner à 15% au-delà de 500.000 € ! Ils sont quasiment moitié moins élevés qu’en Région flamande dès la tranche de 250.000 € alors qu’en région bruxelloise les taux sont deux fois plus élevés que ceux de la Région wallonne dès 175.000 € ! De quoi faire réfléchir …

Cela étant comme précisé plus haut, il faut encore tenir compte des règles régionales qui diffèrent d’une Région à l’autre pour le calcul des droits de succession. En effet, à titre d’exemple, en Région flamande, les taux sont calculés, en tenant compte, d’un côté, de la part nette en biens immeubles, et d’un autre côté, de la part nette en bien meubles[1]. Le calcul des droits s’effectue sur deux masses distinctes ce qui de facto, pour faire simple, peut/pourrait diviser par deux les droits dus.

Pour autant que certaines conditions soient réunies, il peut y avoir également un abattement sur la première tranche de 50.000 ou 75.000 €. Dans les trois Régions, on trouve également certaines exonérations tantôt totales, tantôt partielles sur certains legs. Il existe également certains régimes spécifiques comme le régime de la transmission d’entreprise qui permet, moyennant le respect de certaines conditions, de limiter les droits de succession à 3 ou 7% en Région flamande[2] ou Bruxelloise, voire même à 0% en Région wallonne !!!

[1] On notera également du côté de la Région flamande, une nouvelle exonération de 50 000 euros introduite pour les enfants. Le taux de 3 % s'appliquera désormais jusqu'à un montant de 150 000 euros. Pour la partie comprise entre 150.000 et 250.000 euros, le taux de 9 % est appliqué. Le taux de 27 % reste inchangé et s'applique aux montants supérieurs à 250.000 euros

[2] Dans le cadre de la réforme des droits de succession, le Gouvernement flamand a annoncé des contrôles plus stricts sur le régime des donations / transmissions d’entreprises familiales qui comprennent de l’immobilier ne présentant pas d’utilité économique pour l’entreprise ou qui pour des entreprises exploitées sous forme de société comprennent des immeubles de logement ou de seconde résidence.

En Région flamande, s’agissant des frères et sœurs, il n’y a pas de partage entre la partie mobilière et la partie immobilière acquise dans une succession. Les tarifs sont appliqués séparément sur chaque part nette reçue entre chaque frère ou sœur. La Région wallonne semble donc plus performante pour ce type de succession ainsi que les deux autres types de succession qui vont suivre.

Vers une prolongation généralisée de la période de 5 ans pour les donations non enregistrées.

Au-delà de ces nouveaux taux, on notera que la proposition de notre ancien ministre régional wallon Jean-Luc Crucke décidant de prolonger la période suspecte des donations non enregistrées de 3 à 5 ans, a également fait des émules du côté de nos voisins flamands puisqu’ils ont également l’intention de s’aligner sur cette mesure !

En principe cette mesure devrait entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2025 et s’appliquer aux dons effectués après cette date. Nos voisins flamands qui nous lisent, feront donc bien attention de se renseigner sur cette mesure et voir s’il n’est encore temps de mettre en place une telle donation avant cette date : les donations effectuées avant le 1er janvier 2025 n’étant, en principe, pas couvertes par la réforme annoncée

Vers une réduction des droits d’enregistrement pour l’acquisition du premier et unique logement : la Région bruxelloise à la traîne

Un autre point intéressant à retenir à propos des réformes annoncées concernent la réduction des droits d’enregistrement lors de l’achat du premier logement. Dans notre précédent post, nous attirions l’attention sur le fait que Gouvernement wallon avait l’intention de réduire les droits d’enregistrement sur l’acquisition du premier logement de 12,5% à 3% : cette mesure étant appelée à s’appliquer pour tous les actes authentiques signés dès le 1er janvier 2025. Comme précisé ci-dessus, cette mesure ayant été validée au sein du Gouvernement wallon ce 14 novembre, cette dernière devrait être intégrée dans un décret qui sera soumis au vote du Parlement wallon début décembre.

Que peut-on déjà dire de cette mesure à ce stade ? Bien que les textes ne soient pas encore définitifs, il semble que dans l’état actuel de ceux-ci, la mesure vise l’acquisition de tout bien immeuble (maison ou appartement) qui est destiné à devenir le domicile principal du primo acquérant. La mesure pourrait également s’appliquer à l’acquisition de terrain à bâtir ainsi qu’à des habitations ou constructions sur plan (immeubles neufs)! Le régime pourrait également s’appliquer quelque soit le montant du prix d’acquisition de l’immeuble. En d’autres termes, il n’y aurait pas de plafonds au prix d’achat ce qui constitue une grosse différence avec le régime applicable en Région bruxelloise.

Pour bénéficier du régime du taux à 3%, l’acheteur ne devrait posséder aucun autre bien destiné au logement, en ce compris à l’étranger. Si l’acheteur en détient déjà un, il pourrait bénéficier du taux réduit mais devrait alors revendre ce bien dans les 3 années suivant l’acquisition. L’acquéreur devrait également conserver sa résidence principale dans le bien acquis pendant une durée d’au moins 3 ans.

Le régime serait applicable pour les acquisitions en pleine propriété. Exit donc les montages de split sale ou achat en nu-propriété et usufruit (les parents achetant l’usufruit et les enfants la nu-propriété). Il semble par contre que la personne qui détient déjà une nu-propriété ou un usufruit sur un bien immeuble puisse bénéficier du taux réduit à 3%.

En contre partie de cette mesure, divers régimes qui coexistaient dans le cadre de l’acquisition d’un immeuble sont appelés à disparaître, il s’agit de (i) l’abattement primo-acquérant, (ii) du chèque habitat et (iii) du taux réduit pour habitation modeste.

Comme précisé, dans l’état actuel les textes du projet de décret ne sont pas définitifs. Cela étant dit, les conditions qui se profilent sont fort semblables à celles déjà applicables en Région flamande pour l’obtention d’un taux réduit pour un premier logement ! A ce propos, on notera que suite au projet de réforme du Gouvernement wallon, la Région flamande n’a pas tardé à réagir puisqu’elle a annoncé, de son côté, que dès à partir 1er janvier 2025, les droits d’enregistrement pour l’acquisition d’un premier logement devrait passer de 3% à 2% ! Là également, comme abordé ci-plus haut, l’acquisition devra respecter certaines conditions qui, si elles sont en partie toutes connues si on se base sur le régime à 3%, restent, sans doute, encore à affiner dans les textes qui seront prochainement votés au Parlement flamand.

En attendant plus de précisions, les droits d’enregistrement sur l’acquisition du premier et unique logement devraient se présenter comme suit :

1. L’abattement est soumis à des conditions dont notamment une condition de prix d’acquisition qui ne peut dépasser 600.000 €.

2. À ce stade, le Gouvernement wallon a annoncé que l’acquéreur devra se domicilier en Région wallonne et demeurer dans l’habitation pendant au moins 3 ans. Pour les autres conditions, voir ci-avant.

Ce tableau est instructif dans la mesure où il montre une véritable distorsion de concurrence et de coût sur l’acquisition des premiers logements, ainsi que très vraisemblablement sur les biens/logements de qualité et spacieux. En effet, si nous prenons de nouveau la Région bruxelloise, l’écart est en train de se creuser significativement en termes de coût. Pour les logements supérieurs à 400.000 €, on peut ainsi avoir une différence de montant de droit d’enregistrement qui va du simple au triple selon que le bien est situé en Région flamande ou en Région bruxelloise, et du simple au double selon que le bien est situé en Région wallonne ou en Région bruxelloise, et ce même en tenant compte de l’abattement dans cette dernière région. Si l’acquisition porte sur un bien supérieur à 600.000 €, alors les différences sont encore plus flagrantes.

Et si, en plus, après tout cela, on pend en plus en considération l’accroissement du précompte immobilier qui s’est littéralement envolé dans certaines communes de la Région bruxelloise, « la messe » est dite en termes de budget logement !

Un dernier point pour la route …

L’objet de cette note n’étant absolument pas d’être exhaustif mais bien plus pragmatique et pratique, on s’en voudrait de ne pas attirer l’attention sur un dernier point.

Dans le cadre des réformes fiscales envisagées, le Gouvernement flamand précise qu’il entend se (re)concentrer sur la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Même si à ce stade, nous n’avons aucun détail précis sur les intentions du Gouvernement flamand, nous avons néanmoins noté que ce gouvernement entendait réglementer plus strictement l’utilisation des fondations privées ! Or, tout le monde sait – du moins les conseillers avisés – qu’une fondation privée peut être, dans une certaine mesure, utilisée comme moyen de technique de planification successorale que ce soit pour protéger un enfant handicapé, organiser un « bureau de certification d’actions », ou encore, y placer un patrimoine familiale spécifiques (collections d’œuvres d’art, une demeure historique, ...). Le Gouvernement fédéral ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’il a déjà revu récemment, sans grande nuance, la taxe patrimoniale applicable aux associations sans but lucratif et aux fondations privées. Or on peut lire dans les récentes déclarations du Gouvernement flamand que ce dernier souhaite encadrer davantage ces fondations afin d’éviter qu’elles ne soient utilisées à des fins patrimoniales. La question qui se pose ici, est de savoir comment la Région flamande va s’y prendre car, à notre connaissance, la réglementation applicable aux fondations privées est une compétence fédérale alors que les droits de succession et d’enregistrement sont une compétence régionale. La Région flamande va-t’elle réussir à faire plier le Gouvernement fédéral et faire revoir cette matière au niveau national, ce qui impacterait directement tout le pays ? Il s’agit-là d’une question pour laquelle il n’y a pas encore de réponse mais que tout contribuable concerné devrait suivre de près ...


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