Colruyt est-il anormalement soumis à l'impôt des sociétés?

Le président du PTB a annoncé ce week end vouloir introduire une "vraie taxe des millionaires". Il a stigmatisé les multinationales qui paieraient trop peu d'impôts, en citant le groupe Colruyt qui ne verserait qu'un impôt des sociétés de 0,27% (sur un bénéfice de 1,8 milliard €).

Il faut revenir à plus de mesure et de nuance à propos de ces multinationales ainsi stigmatisées. Le président du PTB a, à tort, pris pour référence les comptes de la holding faîtière du groupe Colruyt. Or, il est tout à fait logique que l'impôt des sociétés dû par une holding soit fort faible, grâce à l'exonération des plus-values sur actions et des dividendes reçus (le fameux régime "RDT", qui transpose en droit belge une directive européenne, la directive mère-filiales). Il aurait dû consulter les comptes consolidés du groupe Colruyt, qui affichent un montant d'impôts des sociétés (au niveau consolidé) d'environ 24,8% (!). On peut s'étonner, sinon s'offusquer, de telles déclarations d'un président de parti... Il est à craindre que ce genre de déclarations vont être amenées à se multiplier, à l'approche des élections...

Fondation hollandaise et bureau de certification (STAK)

La famille Colruyt a fait l'objet d'un dossier dans le journal le Soir, à propos (notamment) de l'utilisation d'une fondation hollandaise faisant office de bureau de certification (Stichting Administratiekantoor ou STAK dans le jargon). Il m'a semblé important d'attirer l'attention du journaliste sur le point suivant : « Il faut toutefois souligner que l’utilisation d’une telle fondation hollandaise n’est pas spécialement avantageuse fiscalement, puisque les détenteurs des certificats belges sont en principe taxés sur les dividendes ou les bonis de rachat d’actions propres recueillis par la fondation », développe Denis-Emmanuel Philippe.

Autrement dit, par le jeu de la fiction de transparence fiscale prévue par la loi sur la certification de 1998, les revenus (dividendes, bonis de liquidation, ...) recueillis par la fondation hollandaise (propriétaire juridique des actions) sont en principe taxables par transparence chez les détenteurs des certificats (propriétaires économiques). Il n'y a donc pas d'évitement de l'impôt (pas de patrimoine flottant, dont les revenus ne seraient taxés nulle part!).

A noter par ailleurs que l'utilisation de pareille STAK est devenue plus complexe à la faveur de la réforme de la taxe Caïman (loi programme du 22 décembre 2023 taxe caîman). On relèvera en particulier que la STAK est une "construction juridique" (avec, à la clé, une obligation déclarative assez poussée, une extension des délais d'investigation et d'imposition à 10 ans, ...).

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