Les statistiques fiscales belges, notamment celles liées à l’impôt des personnes physiques (IPP), constituent une source précieuse pour les chercheurs et décideurs politiques. Cependant, l’analyse traditionnelle basée sur les déclarations fiscales individuelles présente des limites importantes, notamment lorsqu’il s’agit d’évaluer l’impact des politiques sociales et fiscales.
Philippe Defeyt vient de rédiger une note sur une nouvelle méthode d’analyse : la répartition des revenus totaux nets imposables par ménages, qui permet de mieux comprendre les disparités économiques et d’affiner les politiques publiques, à l’image du chèque habitat en Wallonie.
Lors de la mise en place du chèque habitat en 2016, la Wallonie a fixé un seuil d’octroi pour les revenus imposables inférieurs à 81.000 € (indexé à 100.926 € en 2023). Ce seuil permettait de couvrir environ 95% des contribuables.
Toutefois, cette décision s’appuyait sur une répartition par déclarations fiscales, ce qui mêle :
Par conséquent, ces données, bien qu’utilisées pour arbitrer entre coût budgétaire et couverture sociale, ne reflètent pas la réalité des ménages. Un revenu imposable de 75.000 €, par exemple, peut correspondre à un individu disposant d’un revenu élevé ou à deux revenus modestes combinés au sein d’un ménage.
Cela a des implications importantes pour des dispositifs comme le chèque habitat, mais aussi pour les politiques d’allocations familiales ou d’aides sociales.
Cette analyse repose sur les revenus totaux nets imposables des ménages, définis comme les personnes domiciliées à la même adresse, quelle que soit leur relation.
Quelques principes méthodologiques clés :
Résultats pour 2022 (exercice 2023)
Décile | Limite supérieure (€) | Part du revenu total (%) |
---|---|---|
1 | 17.977 | 2,34 % |
5 | 39.585 | 7,14 % |
10 | >93.854 | 28,44 % |
Revenus moyens par région
Région | Revenu moyen (€) | % de la moyenne belge |
---|---|---|
50.483 | 100 % | |
Flandre | 53.587 | 106 % |
42.441 | 84 % |
1. Allocations familiales : Une répartition par ménages permet d’ajuster les suppléments sociaux en tenant compte des revenus des ménages avec enfants.
2. Aides énergétiques : Les politiques visant les ménages propriétaires pourraient cibler efficacement ceux des déciles inférieurs.
3. Soutien aux seniors : Adapter les dispositifs pour les ménages comprenant au moins une personne de 65 ans.
Supposons que le gouvernement fédéral souhaite limiter un avantage fiscal aux ménages ayant un revenu net imposable inférieur à 40.000 €. Selon l’approche traditionnelle, environ 70% des contribuables seraient éligibles, contre seulement 50% des ménages dans l’approche par ménages. Cela démontre l’importance de choisir l’unité d’analyse adaptée pour garantir l’équité et l’efficacité des politiques publiques.
L’analyse des revenus par ménages offre une vision plus réaliste des inégalités économiques en Belgique. En adoptant cette approche, les décideurs disposent d’un outil plus précis pour concevoir des politiques sociales et fiscales adaptées, comme le chèque habitat ou les allocations familiales.
Il est temps de privilégier une méthode qui reflète mieux la diversité des situations économiques des ménages, pour une politique plus juste et équitable.