Le jeudi 29 septembre 2022, la Chambre des représentants a approuvé le projet de loi (du 28 septembre 2022, portant dispositions diverses relatives au travail) du gouvernement belge, qui met en œuvre le « deal pour l’emploi ». La loi devrait être publiée sous peu au Moniteur belge pour entrer en vigueur le 1er janvier 2023. Elle introduit un ensemble de mesures dont l’objectif est double : améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des travailleurs salariés et augmenter le taux d’emploi à 80% d’ici 2030.
Voici un bref aperçu des mesures les plus importantes, qui visent à réformer le marché de l’emploi belge, en modernisant le droit du travail et en y introduisant plus de flexibilité. Nous y consacrerons un prochain article, plus exhaustif, dans notre Tetracademy du mois de décembre.
Pour autant que l’employeur décide d’introduire ce régime dans son règlement de travail, tout travailleur salarié aura dorénavant la possibilité d’opter pour une semaine de travail raccourcie de 4 jours, tout en maintenant sa durée hebdomadaire de travail. L’accord devra être concrétisé dans une convention et vaudra pour une durée de 6 mois (renouvelable). L’employeur devra motiver un éventuel refus.
La durée de travail hebdomadaire restant identique, le raccourcissement de la semaine de travail implique nécessairement des journées de travail plus longues. Dans le cadre de ce régime, il sera donc autorisé de travailler jusqu’à maximum 9,5 h par jour (au lieu de 9h aujourd’hui), afin de maintenir la durée hebdomadaire à 38h. Les entreprises qui ont une durée de travail effective de 40h/semaine (avec l’octroi de 12 jours de récupération), pourront augmenter la durée de travail journalière à maximum 10 heures, moyennant la conclusion d’une convention collective de travail d’entreprise.
Afin de permettre une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle et à condition que l’employeur ait introduit ce régime dans le règlement de travail, les travailleurs salariés pourront alterner une semaine de travail de maximum 45H/semaine (sans dépasser 9H/jour) avec une semaine à durée de travail réduite, tout en respectant la moyenne hebdomadaire de 38H. L’accord devra être concrétisé dans une convention et vaudra pour une durée de 6 mois (renouvelable). Tout refus de l’employeur devra être motivé. Le cycle sera en principe limité à deux semaines consécutives, mais pourra être étendu à quatre semaines pendant les vacances ou en raison de circonstances particulières.
Aujourd’hui, il faut afficher l’horaire des travailleurs à temps partiel avec horaire variable 5 jours ouvrables à l’avance. Ce délai passe à 7 jours. Les dérogations introduites par convention collective de travail sectorielle restent possible, étant entendu que le délai minimum est également porté à 3 jours ouvrables au lieu de 1.
Chaque entreprise d’au moins 20 travailleurs salariés devra obligatoirement introduire, soit via convention collective de travail d’entreprise soit dans le règlement de travail, les règles applicables en matière de droit à la déconnexion. Par droit à la déconnexion, on entend le droit de ne pas répondre aux appels ou aux courriels après les heures de travail normales ou le week-end.
Afin de renforcer l’employabilité des travailleurs licenciés, le préavis sera dorénavant divisé en deux parties, lorsqu’il a une durée d’au moins 30 semaines. La première partie correspond à 2/3 du délai de préavis, avec un minimum de 26 semaines, tandis que la seconde partie correspond au solde restant du délai. En cas de prestation du préavis, le travailleur licencié pourra dès le début de celui-ci s’absenter du travail avec maintien de sa rémunération, afin de suivre des formations ou du coaching pour une valeur correspondante aux cotisations de sécurité sociale patronales durant cette période. En cas de licenciement moyennant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis, le travailleur devra se rendre disponible pour suivre de telles formations. Ces mesures s’ajoutent aux droits des travailleurs en matière d’outplacement.
Ces mesures ne s’appliqueront pas lorsque l'employé suit un trajet de transition (cf. infra).
Lorsque l’employeur met fin au contrat de travail moyennant un préavis à prester, il pourra proposer au travailleur, le cas échéant à la demande de ce dernier, de travailler pour un autre employeur-utilisateur durant le préavis, et ce en vue d'un engagement définitif. Le trajet sera organisé par un bureau de travail intérimaire ou les services régionaux de l'emploi. L’accord doit être consigné dans une convention quadripartite (employeur initial, employeur-utilisateur, travailleur et agence).
La durée du trajet de transition sera au maximum égale à la période de préavis (une période minimale doit encore être déterminée par arrêté royal).
Pendant le trajet de transition, l'employeur continuera à payer le salaire, mais pourra l’imputer en tout ou en partie à l'employeur-utilisateur, conformément à l’accord des parties.
Le travailleur et l’employeur utilisateur pourront mettre fin anticipativement au trajet de transition, moyennant le respect d’un préavis calculé sur la base de l’ancienneté acquise depuis le début du trajet. Si le trajet est mené à terme, à défaut d’engager le travailleur via un contrat à durée indéterminée, l'employeur-utilisateur devra lui verser une indemnité de préavis correspondant à la moitié du trajet.
L’obligation pour l’employeur d’offrir des formations à ses travailleurs ne se calcule plus en moyenne, mais est transformé en un droit individuel de formation de minimum 3 jours en 2022, 4 jours en 2023 et 5 jours par an et par ETP à partir de 2024, étant entendu que les secteurs pourront augmenter ou diminuer le nombre de jours, tout en respectant un minimum de deux jours par travailleur.
Les formations pourront être suivies pendant ou en dehors des heures de travail. Dans le second cas, le travailleur a droit au paiement du salaire normal.
Le plan sera concrétisé dans une CCT, conclue pour une période de deux ans, ou par l'octroi de jours de formation sur le compte de formation individuel, introduit par la loi sur le travail faisable et maniable.
Si ces mesures sont certes de nature à introduire plus de flexibilité dans notre législation du travail, notamment en matière de durée du travail, et à permettre une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle, il est peu probable qu’elles permettent de faire grimper le taux d’emploi à 80 % d’ici 2030. L’avenir nous en dira plus.