J'ai encore mal dormi ce week-end!
La ministre de l'Education Caroline Désir (PS) vient d'ouvrir un dossier pour ingérence commerciale à l'encontre du LabOdoo. Aaahhh... ce sentiment d'être toujours soutenu en Belgique :(
Le LabOdoo est vraiment cool. On est super fier du projet. Il a un vrai impact sur l'éducation. Du coup, cela me touche qu'il soit catalogué de "vocation publicitaire ou commerciale". Comme si le fait d'être une initiative privée était nécessairement néfaste. Comme si le partenariat public-privé était à éviter.
Pour le contexte, le LabOdoo est un laboratoire pédagogique pour soutenir l'éducation. Concrètement, c'est un semi-remorque avec 9 ateliers pour découvrir toutes les fonctions de l'entreprise par la pratique; un mini magasin (apprendre la gestion de caisse), une gestion de stock (barcode), un processus HR de recrutement, une gestion commerciale (devis -> commande -> facture), un atelier création site web, l'encodage et le contrôle de factures en comptabilité, etc.
Le LabOdoo intervient sur demande des professeurs en économie, en gestion, comptabilité, logistique ou autre pour agrémenter leurs cours théoriques de travaux pratiques. L'expérience dure 90 minutes durant lesquelles un groupe de max 27 étudiants vont faire 4 ateliers pour comprendre le fonctionnement d'une entreprise.
Le service aux professeurs est incroyable; on se déplace dans l'établissement, c'est 100% gratuit, nos coaches assurent la préparation et le suivi du cours avec le professeur en charge. Et le plus important; le retour des élèves est juste génial: je vous laisse juger par nos feedbacks en fin d'article.
Pour en savoir plus, je vous invite à voir ce reportage de Waldorado:
En soit, il est important d'assurer que les interventions externes dans les cours se font selon les cadres définis dans les programmes, en ligne avec la réalisation du projet pédagogique de l'école. C'est totalement justifié. (bien que j'aurais préféré être contacté pour obtenir des informations plutôt que d'apprendre dans la presse qu'une commission était levée)
Ce qui m'a choqué, c'est l'étiquette qu'on nous a collé car l'initiative est privée. Je cite le député Jean-Pierre Kerckhofs (PTB) qui a initié la question parlementaire:
Est-il normal qu’une entreprise privée fasse sa propre publicité dans une enceinte scolaire ? En déléguant une partie de la formation de leurs élèves à des employés d’une entreprise privée qui n’ont de comptes à rendre qu’à leur patron.
Il n'a bien évidemment pas participé à un LabOdoo. S'il l'avait fait, il saurait que l'on n'intervient que sur demande des professeurs, en collaboration avec ceux-ci, pour agrémenter leur cours de travaux pratiques. Il aurait vu des coaches (pour la plupart d'anciens professeurs) qui sont motivés par le projet pédagogique, et non des "commerciaux". (comme si on cherchait à vendre à des étudiants de 17-20 ans)
Insinuer que l'on ferait cela pour la publicité n'a pas de sens. Ce projet est un investissement d'un million d'euro! Pour 4000€, on peut avoir un panneau publicitaire de 20m² sur une nationale avec 13.000 voitures/jour pendant un an. Un million d'euro pour mettre un gros logo Odoo sur un camion qui va dans les écoles. serait l'initiative marketing la plus débile de l'histoire de Odoo.
Le LabOdoo n'a pas vocation à former au logiciel Odoo non plus; mais à illustrer le fonctionnement des différents départements d'une entreprise. Chaque atelier dure 17 minutes. Par exemple, dans l'atelier gestion de caisse, ils apprennent à gérer un magasin: ouverture de la caisse, enregistrement des ventes, clôturer la caisse, comprendre les rapports. Même si on utilise l'application point de vente de Odoo pour supporter l'atelier imaginez tout cela en 17 minutes; c'est clairement pas une formation Odoo.
Au lieu de nous juger parce qu'on est une entreprise privée, il devrait juger le fond ou demander aux professeurs qui ont fait appel au LabOdoo. Comme si les professeurs n'étaient pas en mesure de décider ce qui est bon pour leur cours ou non. Si le LabOdoo est complet tous les jours de l'année sans exception, c'est qu'il y a une raison!
La question parlementaire fait suite à un article du professeur de secondaire Roman Wittebroodt dans la libre Belgique. Je vous mets ici mes passages préférés:
Certains élèves rencontrent pour la première fois le spectre de la démotivation face au travail dépourvu de sens – le fameux “Brown-out”. Car tous nos jeunes ne sont pas dupes. On aura beau leur vendre une image rêveuse d’entreprise à la pointe de la technologie, on ne leur fera pas avaler que le travail est fun [...] l’élève prend conscience d’une chose : l’épanouissement personnel ne figure pas au cahier des charges dans le monde de l’entreprise.
Et en conclusion, il écrit:
Il nous faut en revenir aux codes sources des deux termes qui s’affrontent dans ce problème éthique: l’école et le travail. Étymologiquement, “l’école” (scholè en grec) désigne le loisir, le temps libre, hors des nécessités triviales de la vie. C’est un moment de rupture durant lequel l’apprenant peut se couper du monde, se consacrer à son épanouissement intellectuel et œuvrer à l’acquisition d’un capital culturel. Dans cette optique, la tâche de l’enseignant est de faire primer le relationnel sur le compétitif, le spirituel sur le matériel, le culturel sur le pécunier. À l’inverse, “le travail” (tripalium en latin) désigne la souffrance, la torture. L’aliénation salariale en est la traduction moderne. Le terme qu’on lui substitue n’est pas plus rassurant : “l’emploi”.
Quelle vision passéiste d’un monde de l’enseignement qui devrait rester imperméable au monde l’entreprise; deux mondes qui s'opposent - comme le bien et le mal. Et quelle vision négative du travail, et de l'entreprise dont le principal objectif serait la rentabilité passant par l'exploitation des employés.
Au début, j'en ai ri. (un peu jaune car j'imaginais ce prof éduquer des élèves). Mais j'étais loin de m'imaginer que quelqu'un allait le prendre au sérieux... encore moins le Parlement Wallon.
C'est dingue de devoir expliquer cela, mais les entreprises sont composées d'êtres humains. Comme tous humains, ils font de leur mieux pour être utiles, pour contribuer à un projet qui a du sens, pour apporter de la valeur aux partenaires avec qui ils travaillent. Les patrons ne sont pas des exploitants d'employés, mais des humains comme les autres qui cherchent aussi à faire de leur mieux pour contribuer positivement à leur environnement.
Après chaque intervention du LabOdoo, on demande au professeur et aux élèves de nous évaluer. (btw, Caroline, quand est-ce que les professeurs de l'enseignement seront évalués?)
Sur 121 déplacements en 2022/2023, nous avons récolté 97 feedbacks venant de professeurs (48 NL+ 49 FR):
Nous comptabilisons déjà plus de 137 réservations pour 2023-2024.
Les professeurs sont unanimes: le LabOdoo est un vrai plus pour leur cours. Nous allons mettre l'ensemble des résultats du sondages en commentaire de cet article; un tel retour des professeurs et étudiants fait chaud au cœur.
Pour assurer l'adéquation de l'atelier avec le cours du professeur, nous fournissons un dossier pédagogique.
Voici une liste de témoignages publiés par des tiers (écoles ou professeurs):
Tout ce que j'espère c'est que la commission va nous juger sur la qualité du contenu pédagogique, l'adéquation par rapport aux programmes de cours et le service offert aux professeurs. J'espère aussi que le décret proposé, ne va pas terminer sur un espèce de compromis à la belge; "le partenariat public-privé est autorisé dans le cadre des programmes, mais le privé doit gommer son logo de toutes interventions".
La motivation du LabOdoo n'est pas financière, mais plutôt notre Ego; on veut être fier de ce que l'on fait, avoir un impact positif sur notre environnement avec des actions qui ont du sens. Contribuer à l'éducation est important - on en est fier et on veut le montrer; mais si on devait le faire anonymement cela enlève une motivation de plus au privé.
Pour exemple, je suis intervenu dans plusieurs cours en économie / gestion, à la demande de professeurs, pour partager mon expérience. J'ai souvent accepté car, à l'époque, ma motivation était de recruter des étudiants. (C'est moins le cas du LabOdoo, qui s'adresse a un autre public)
Cela ne veut pas dire que j'ai fait le commercial pendant tout le cours, j'ai toujours essayé d'offrir un contenu pédagogique de bonne qualité, et je n'ai jamais perdu de temps sur un "About us". Est-ce qu'il faut pour autant imposer que tous les intervenants gomment le logo de leur société dans les slides, et n'en parlent pas? Je ne pense pas que je serais intervenu si on m'avait imposé d'être anonyme. (techniquement, je n'aurais même pas pu intervenir car je ne porte que des chaussures au logo Odoo, je n'ai pas d'autres paires :)
Aller à l'extrême, et demander aux intervenants privés de ne pas afficher leur société serait une erreur. Les meilleurs partenariats se font lorsqu'il y a un win-win, qui serait difficile de justifier dans de telles conditions.
Enfin, mes enfants sont confrontés au logo Google tous les jours car leur école utilise Google Classroom (ils sont scolarisés en Inde). C'est très utile pour les professeurs / enfants; faut-il pour autant retourner au journal de classe papier (Clairefontaine) car l'intention de Google est potentiellement marketing? J'ai adoré mes cours d'Autocad, Mathlab à l'université car cela faisait du bien de découvir les outils utilisés par l'industrie.
On compte sur vous, Caroline Désir, pour soutenir les partenariats public-privés! On est à votre disposition pour vous aider à vérifier que le LabOdoo est bon contenu prédagogique, offre un service de qualité aux professeurs, et est en ligne avec les cadres définis dans les programmes scolaires. Et si vous avez des suggestions pour améliorer cela, nous sommes preneurs.
Enfin, j'aimerais rappeller le contexte; nous intervenons dans des cours de gestion, économie et de comptabilité. Odoo est le logiciel de gestion le plus utilisé en Belgique; comment justifier de banir le nom de la marque dans de tels cours, ou de refuser aux professeurs de faire appel à des experts de cette même société pour compléter le cours de cas pratiques?