La Commission des Normes Comptables publie l'avis Provisions. Dans cet avis, la Commission entend clarifier la constitution, l’utilisation et la reprise d'une provision et rappeler certains principes généraux en la matière.
Les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de la société.2 Les comptes annuels doivent être établis avec clarté et indiquer systématiquement, d'une part, à la date de clôture de l'exercice, la nature et le montant des avoirs et droits de la société, de ses dettes, obligations et engagements ainsi que de ses moyens propres et, d'autre part, pour l'exercice clôturé à cette date, la nature et le montant de ses charges et de ses produits.3 Dans cette optique, il doit être tenu compte de tous les risques prévisibles, des pertes éventuelles et des dépréciations qui ont pris naissance au cours de l’exercice auquel les comptes annuels se rapportent ou au cours d’exercices antérieurs.4 Les charges et produits afférents à l'exercice ou à des exercices antérieurs doivent être pris en compte de résultats de l’exercice sans considération de leur date de paiement ou d'encaissement.5,6
Afin de respecter les principes de base précités, il est essentiel de choisir la bonne méthode de comptabilisation d’une provision.
La décision de constituer une provision pour risques et charges constitue une tâche particulièrement délicate pour l’organe de gestion d’une société. Il est souvent difficile d’apprécier les éléments d’incertitude (le caractère probable d’un risque, d'une perte ou d’une charge et le montant probable de cette perte ou charge) qui se trouvent à l’origine de la constitution de la provision, alors que la décision de comptabiliser ou non une provision peut avoir d’importantes répercussions sur l’image fidèle des comptes annuels et la pertinence des informations publiées par la société.
A ce propos, la Commission souligne que les provisions pour risques et charges doivent répondre aux critères de prudence, de sincérité et de bonne foi.7
Par le présent avis, la Commission entend clarifier la constitution, l’utilisation et la reprise d'une provision et rappeler certains principes généraux en la matière. Sauf indication contraire, le présent avis s'applique également aux grandes8 entreprises et grandes9 associations et fondations. L'avis n’examine pas le traitement des provisions à l'occasion de fusions, scissions ou apports.
L’obligation de constituer une provision découle de l’article 33, alinéa 1er, de l’arrêté royal d’exécution du Code des sociétés (ci-après : AR C.Soc.). Cet article prévoit qu’il doit être tenu compte de tous les risques prévisibles, des pertes éventuelles et des dépréciations qui ont pris naissance au cours de l'exercice auquel les comptes annuels se rapportent ou au cours d'exercices antérieurs, même si ces risques, pertes ou dépréciations ne sont connus qu'entre la date de clôture des comptes annuels et la date à laquelle ils sont arrêtés par l'organe de gestion de la société. Dans les cas où, à défaut de critères objectifs d'appréciation, l'estimation des risques prévisibles, des pertes éventuelles et des dépréciations est inévitablement aléatoire, il en est fait mention dans l'annexe si les montants en cause sont importants au regard de l'objectif visé à l'article 24, alinéa 1er.
Les articles 50 à 55 de l’AR C.Soc. définissent les provisions pour risques et charges et en précisent les modalités d’application.
Conformément à l’AR C.Soc.10, il doit être tenu compte de tous les risques prévisibles, des pertes éventuelles et des dépréciations qui ont pris naissance au cours de l'exercice ou au cours d'exercices antérieurs.
Au-delà de la constitution d'une provision pour les charges certaines à la date de clôture du bilan dont le montant ne peut qu’être estimé, l’AR C.Soc. prévoit également la constitution de provisions nécessaires aux charges11 qui sont, à la date de clôture du bilan, probables ou certaines mais indéterminées quant à leur montant.12
L’AR C.Soc. détermine que les provisions pour risques et charges ont pour objet de couvrir des pertes ou charges nettement circonscrites quant à leur nature, mais qui, à la date de clôture de l'exercice, sont probables ou certaines, mais indéterminées quant à leur montant.13
La comptabilisation de provisions pour risques et charges est également dictée par le principe de rapprochement des charges et des produits (matching principle), selon lequel il doit être tenu compte des charges et des produits afférents à l’exercice ou à des exercices antérieurs, sans considération de la date de paiement ou d’encaissement de ces charges et produits, sauf si l’encaissement effectif de ces produits est incertain.14
Tous ces éléments doivent être réunis pour pouvoir procéder à la constitution d'une provision. En d’autres termes :
Une provision peut uniquement être constituée pour des risques ou charges spécifiquement définis. Si ceux-ci ne sont pas nettement circonscrits quant à leur nature, les conditions de constitution d'une provision ne sont pas satisfaites. S’il s’agit de se prémunir contre un risque d’ordre général, l’organe de gestion peut proposer de placer tout ou partie du bénéfice à affecter en réserves disponibles, ou il peut être prévu dans les statuts qu’une réserve indisponible statutaire doit être constituée pour couvrir ce risque.
La constitution et le maintien de provisions générales ou de provisions pour risques généraux ne sont pas autorisés. Les provisions non justifiées par des risques individualisés ayant pris naissance au cours de l'exercice écoulé ou au cours d'exercices antérieurs revêtent le caractère de bénéfices réservés. Ces provisions doivent dès lors être traitées comme telles dans les comptes annuels. Par identité de motifs, il n’est pas autorisé de constituer une provision dont la définition des risques couverts ou des règles d'alimentation et d'utilisation serait à ce point large ou imprécise qu'elle équivaudrait à une absence de définition. Il importe en effet que la définition des règles d'évaluation arrêtées par l'organe de gestion permette de vérifier concrètement l'application des critères retenus.
Les aléas ou risques généraux auxquels l'entreprise est confrontée peuvent être rencontrés par la constitution de réserves générales ou spéciales. Il s'agit alors de dotations qui relèvent, au niveau du compte de résultats, d'actes d'affectation. Les aléas relatifs aux conditions générales dans lesquelles l'exploitation de l'entreprise s'exercera au cours des exercices suivants ne constituent pas un risque susceptible d'être rencontré par la constitution d'une provision pour risques et charges. Il s'agit d'aléas afférents à des exercices ultérieurs et non à des exercices écoulés et largement indéterminés même quant à leur survenance.
Si le risque ou la charge n’est pas probable ou certain à la date de clôture du bilan, les conditions de constitution d'une provision ne sont pas respectées.
Une provision ne peut être constituée pour une simple éventualité. Comme précisé ci-dessus, seules des réserves peuvent être constituées pour couvrir de simples éventualités. Il revient à l’organe de gestion d'évaluer si la charge ou la perte couverte par la provision est probable ou certaine.
L’exemple suivant illustre bien la différence entre une perte possible, probable ou certaine.
Exemple
Une entreprise vend des biens audio-visuels à ses clients. Le risque qu’une vente unique conduise l’entreprise à devoir supporter une charge découlant de l’obligation de garantie est plutôt faible. Sur la base de l’expérience antérieure, ce risque est estimé à 4 pour cent par l’entreprise. Aucune provision ne peut être constituée sur cette seule base.15 Néanmoins, si l’entreprise vend 2.500 articles par an, il est hautement probable que l'obligation de garantie devra être exécutée pour environ 100 articles (4 pour cent de 2.500), et ce sur la base de l’expérience antérieure précitée de l’entreprise. Etant donné qu'il est dès lors probable que des coûts de garantie pour 100 articles devront être supportés au cours des exercices suivants, la société doit acter une provision pour couvrir ce risque.
S'il est décidé, sur la base de l’ensemble des informations disponibles, que la possibilité qu’une charge ou une perte survienne est « plus probable qu’improbable », la condition selon laquelle il doit s'agir d'une charge ou perte probable est remplie. La probabilité que l'événement se produise est alors plus grande que la probabilité qu’il ne se produise pas.16
Il convient de tenir compte de tous les risques prévisibles et de toutes les pertes éventuelles existant à la date de clôture du bilan de l’exercice auquel les comptes annuels se rapportent. A cet égard, il importe peu que le risque ou la probabilité de perte soit né au cours de l’exercice en cours ou d'un exercice antérieur. L’unique condition, sine qua non, est que la cause existe à la date de clôture du bilan de l’exercice concerné.
La Commission estime utile de fournir d’avantage d'éclaircissements à propos des circonstances dans lesquelles le risque ou la probabilité de perte survient au cours de l’exercice ou d'un exercice antérieur mais n’est connu qu’après la date de clôture du bilan, et à propos du cas où le risque ou la probabilité de perte ne survient qu’après la date de clôture du bilan.
Si la cause existe à la date de clôture du bilan, la société est tenue d’en tenir compte, même si elle ne prend effectivement connaissance de cette cause qu’entre la date de clôture et l'établissement des comptes annuels par l’organe de gestion.
Un exemple classique est la provision destinée à couvrir des impôts contestés relatifs à des exercices antérieurs. Après la clôture de l'exercice mais avant l'établissement des comptes annuels par l'organe de gestion, des impositions additionnelles importantes relatives à des revenus d’exercices antérieurs sont enrôlés à charge d’une société. La société conteste ces impositions par l'introduction d'une réclamation. En l’espèce, tous les éléments de l'imposition existaient déjà avant la fin de l'exercice clôturé, même si ce risque n’est connu qu'après la clôture de l’exercice. L’organe de gestion devra provisionner la charge fiscale qui, selon une appréciation prudente, sincère et de bonne foi, grèvera effectivement le patrimoine de la société.17
Un autre exemple : au cours de l’exercice N, des substances toxiques sont accidentellement déversées dans un cours d’eau voisin d’une usine appartenant à une société. Le 31 décembre de l’exercice N, la société n’avait pas encore connaissance de cette pollution. Elle en apprend l’existence au cours du mois de mars de l’année N+1, avant l'établissement des comptes annuels de la société portant sur l’exercice N par l’organe de gestion. Dans ce cas, l'organe de gestion doit encore acter une provision pour les frais d’assainissement dans les comptes annuels portant sur l’année N (à condition que ces frais puissent faire l'objet d'une estimation raisonnable). En effet, à la date de clôture du bilan, toutes les conditions pour la constitution d'une provision étaient déjà remplies.
En ce qui concerne l'évaluation de la provision, et plus particulièrement l’incidence des événements postérieurs à la date de clôture sur l’évaluation de la provision, il est renvoyé au titre V. Evaluation et constitution de la provision du présent avis.
Si le risque ou la probabilité de pertes ou de charges est né après la date de clôture du bilan, celui-ci n’est en principe pas pris en considération lors de l'établissement des comptes annuels afférents à l’exercice en cours (principe de l'annualité ou de périodicité). Si le défaut de mention d’un événement postérieur à la date de clôture est de nature à influencer l'image fidèle, aucune provision n’est constituée, mais une mention appropriée est reprise dans l’annexe.
Une société doit maintenir la provision pour risques et charges actée à la date de clôture du bilan, même si entre cette date et l’établissement des comptes annuels, il apparaît clairement que les pertes ou charges ne surviendront finalement pas. En effet, l'évaluation doit être réalisée sur la base de la situation à la date de clôture du bilan.
Une réévaluation rétroactive des postes du bilan sur la base des éléments nés après la date de clôture du bilan n’est pas compatible avec le principe de périodicité. A la date de clôture, les conditions pour la comptabilisation d'une provision étaient remplies. Par conséquent, l'application des principes de prudence et de l’image fidèle des comptes annuels nécessite que la provision actée soit maintenue. Afin de respecter le principe de l’image fidèle, la disparition du risque ou de la perte doit faire l'objet, le cas échéant, d'une mention appropriée dans les comptes annuels, parmi les événements postérieurs à la date de clôture.18
Exemple
Au cours de l’année N-2, une société a constitué une garantie en faveur d’une autre entreprise. La situation financière de cette dernière s’est dégradée au cours de l’année N-1 et la société a dès lors constitué à la date de clôture du bilan de l’année N-1 une provision correspondant à l’estimation des frais engendrés en cas de recours à cette garantie.
Sur la base d’informations obtenues entre la date de clôture de l’année N et la date d’établissement des comptes annuels par l’organe de gestion, celui-ci est avisé de l’importante amélioration, à la date de clôture de l’année N, de la situation financière de l’entreprise dont les engagements ont été couverts. Cette amélioration découle d’événements survenus avant la date de clôture de l’année N. Par conséquent, l’organe de gestion de la société doit tenir compte de ces événements lors de l’estimation de sa provision à la date de clôture de l’année N. Par contre, si l’amélioration en question résulte d’événements survenus entre la date de clôture de l’année N et la date d’établissement des comptes annuels par l’organe de gestion, l’amélioration ne doit pas être prise en considération lors de l’estimation de la provision.
Les charges pour lesquelles une provision est constituée doivent être imputées à l’exercice au cours duquel la provision est constituée. En d’autres termes, les charges doivent découler d’activités exercées ou d'événements survenus au cours de cet exercice ou d’exercices précédents.
Par conséquent, les charges afférentes aux produits d’un exercice mais dont le montant n’est pas encore connu doivent être imputées à l’exercice au cours duquel les produits correspondants ont été réalisés, en actant une provision pour risques et charges.19
Les provisions pour risques et charges n’ont toutefois pas toujours pour objectif de rapprocher les charges des produits. En effet, les provisions pour risques et charges sont souvent justifiées par la nécessité de tenir compte de charges sans contrepartie pour l’entreprise, au cours de l’exercice au cours duquel est apparue la cause des pertes ou des charges.
Exemple
Lorsque du matériel est endommagé pendant l’exercice N, mais que la réparation n’est effectuée qu’au cours d'un exercice ultérieur, l’entreprise concernée doit constituer une provision pour risques et charges lors de l’exercice N. En effet, la charge résulte d'un événement survenu au cours de l’exercice N.
Les charges et produits afférents à l'exercice ou à des exercices antérieurs (au cas où ces derniers n'auraient pas été pris en résultat lors d'exercices antérieurs) doivent être pris en compte de résultats de l’exercice sans considération de leur date de paiement ou d'encaissement.20 Les produits et charges afférents à des exercices ultérieurs ne peuvent être imputés à l'exercice en cours. Ils devront par conséquent être rattachés aux exercices qu'ils concernent (principe de rapprochement des charges et des produits).
De manière générale, un produit ou une charge est à rattacher à la période durant laquelle la créance ou la dette correspondante est née dans le chef de l'entreprise, mais les charges qui trouvent leur origine au cours d’un exercice sans y être encore nées doivent être imputées à cet exercice par la constitution de provisions, dans la mesure où :
Il n’est pas possible d'acter une provision pour des charges à payer nées au cours de l'exercice ou au cours d'un exercice antérieur qui n'ont pas encore donné naissance à un titre juridique d'endettement, mais dont le montant est déterminé ou susceptible d'être estimé avec précision.21
Lorsque le risque ou la charge est certain et que le montant est déterminé ou susceptible d'être estimé avec précision, il ne s'agit pas d'une provision, mais d'une dette22. Il en va de même pour les charges nettement circonscrites quant à leur nature et à leur montant dont la réalisation et le montant est certain, mais non la date de réalisation.23
Les comptes 456 Pécules de vacances et 450 Dettes fiscales estimées en sont des exemples type. Les charges en question sont déjà comptabilisées en tant que dette, même s’il n’existe pas encore de titre juridique d'endettement à la date de clôture du bilan.24 Concrètement, en ce qui concerne les pécules de vacances à verser, leur date de paiement n’a pas encore été déterminée et, en ce qui concerne les dettes fiscales, les impôts sur le résultat n'ont pas encore été enrôlés.
Les provisions ne peuvent avoir pour objet de corriger la valeur d'éléments de l'actif.25 Elles ne peuvent donc pas être utilisées pour tenir compte des modifications, définitives ou non, de la valeur des éléments de l’actif constatées à la date de clôture du bilan.26 La comptabilisation d'une provision en vue de compenser la non-inscription d’un amortissement ou d'une réduction de valeur n’est dès lors pas autorisée.
Exemple
Le 1er décembre de l'année N, un travailleur cause un accident avec un camion de son employeur. Les dommages causés au camion appartenant à la société ne sont pas assurés.
Si l’entreprise décide de réparer le camion, elle devra, à la date de clôture du bilan, acter une provision d'un montant équivalent aux frais de réparation estimés, à savoir 12.000. A l'issue des travaux de réparation, la valeur d'usage du camion retrouve en principe son niveau antérieur et aucun amortissement exceptionnel supplémentaire ne doit être enregistré. Par contre, si la valeur d'usage s'avère être inférieure à la valeur comptable après la réparation27, un amortissement exceptionnel28 adéquat devra être acté.
Si l’entreprise décide de ne pas réparer le camion, sa valeur d'usage est ramenée à sa « valeur résiduelle ». Si le camion demeure en possession de l’entreprise à la date de clôture du bilan, il convient d’acter un amortissement exceptionnel29 adéquat30.
Les provisions doivent être constituées systématiquement sur la base des méthodes arrêtées par l’organe de gestion conformément à l'article 28, § 1er, de l’AR C.Soc. Elles ne peuvent dépendre du résultat de la société.31
Les règles d'évaluation doivent être suffisamment concrètes pour permettre d'apprécier les méthodes d'évaluation adoptées.32 Il importe que la définition des règles d'évaluation arrêtées par l'organe de gestion permette de vérifier concrètement l'application des critères retenus. L’organe de gestion doit constituer les provisions de telle sorte que, à la date de clôture, elles reflètent la meilleure estimation des coûts considérés comme probables ou, dans le cas d’une obligation, la meilleure estimation du montant nécessaire pour respecter cette obligation. Ainsi, l’estimation doit être réalisée sur base de critères sérieux et ne peut pas être faite en fonction, par exemple, des bénéfices de l’exercice.
Les méthodes gouvernant la constitution des provisions et la répartition de leur constitution dans le temps dépendent étroitement de la nature des risques qu'elles visent à rencontrer ainsi que des éléments qui leur donnent naissance ou qui en déterminent le montant. Dans les cas où une prise en charge échelonnée est justifiée par le principe de rapprochement, mais qu’aucun critère ne justifie une prise en charge sur une base systématique différente, la prise en charge sur une base linéaire paraît la méthode la plus appropriée.
La Commission tient à souligner que la technique des provisions est indispensable au respect des exigences du principe de rapprochement des charges et des produits, afin que les charges futures mais qui ont pris naissance au cours d’un exercice, soient prises en résultat dans l’exercice approprié.
Le montant d’une provision ne peut par définition pas être évalué de manière exacte et ne peut qu’être estimé. La provision à constituer doit reposer sur une évaluation de bonne foi et circonspection, dans le respect des critères de prudence et de sincérité.33
Les estimations doivent être fondées sur une évaluation prudente par l’organe de gestion de l'entreprise, au départ des dernières informations fiables disponibles. Les estimations doivent être calculées sur une base objective, complétées par l'expérience dans des situations similaires et, dans certains cas, par des rapports d'experts indépendants. Toutes les indications complémentaires, le cas échéant liées à des événements postérieurs à la date de clôture du bilan, doivent être prises en considération.34
Ainsi, à la date de clôture du bilan, une provision doit représenter la meilleure estimation des charges qui sont considérées comme probables ou, dans le cas d'une obligation, la meilleure estimation du montant nécessaire pour l'honorer à la date de clôture du bilan.35
Les provisions pour risques et charges ne peuvent être maintenues dans la mesure où elles excèdent en fin d'exercice une appréciation actuelle, selon les critères de prudence, de sincérité et de bonne foi, des charges et risques en considération desquels elles ont été constituées.36 Dans ce contexte, l’organe de gestion est tenu, tout comme pour la constitution d’une provision, de tenir compte, à la date de clôture du bilan, de la meilleure estimation des charges qui sont considérées comme probables ou, dans le cas d'une obligation, la meilleure estimation du montant nécessaire pour l'honorer à la date de clôture du bilan.
La Commission remarque que certaines entreprises reprennent chaque année l’intégralité de la provision pour ensuite reconstituer une provision, dont le montant correspond à la nouvelle estimation à la date de clôture du bilan. Cette méthode n’est pas appropriée aux yeux de la Commission.
Dans le cas où, à défaut de critères d'appréciation objectifs, l'estimation des risques prévisibles, des pertes éventuelles et des dépréciations est inévitablement aléatoire, il en est fait mention dans l'annexe si les risques en cause sont importants au regard de l’image fidèle.37
Le terme « estimation inévitablement aléatoire » signifie que l'importance d'un risque ou d’une perte nettement circonscrit et prévisible n'est pas seulement incertaine, mais aussi totalement « indéterminable » à défaut de critères d'appréciation objectifs. Or, des provisions ne peuvent pas être constituées pour des risques ou pertes prévisibles ou probables dont l'ampleur est totalement indéterminable au risque de compromettre le caractère fidèle des comptes annuels. En une telle hypothèse, l'entreprise est donc dispensée de constituer une provision à charge du compte de résultats. Ceci ne la dispense pas de faire une mention appropriée dans l'annexe. Une telle mention est très importante sous l'angle de la responsabilité des administrateurs, si le risque devait se réaliser ultérieurement.
Dans la pratique, il se peut que la probabilité d'un risque déterminé soit, de l'avis des dirigeants de l'entreprise, certaine à la clôture des comptes, mais que son estimation donne lieu à une série de montants, tous aussi acceptables les uns que les autres. Une telle situation n'a pas, de l'avis de la Commission, pour effet que l'évaluation du risque prévisible ou de la perte serait « inévitablement aléatoire », et que l'entreprise serait dispensée de constituer la moindre provision et pourrait se limiter à une mention dans l'annexe. La Commission estime au contraire que, si les montants sont tous aussi acceptables, une provision doit être constituée au moins à concurrence du plus petit montant estimé. Parallèlement, les montants tout aussi acceptables qui sont plus élevés et la façon dont ceux-ci ont été évalués doivent être mentionnés dans l’annexe. Il convient également d’indiquer dans l’annexe la nature du risque en question.
En matière de litiges en cours, il arrive que la probabilité d'une perte soit extrêmement réduite (p. ex. en cas d’action téméraire et vexatoire). Dans de tels cas, ni la constitution d'une provision, ni même une mention dans l'annexe ne sont requises.38
Il se peut aussi que les données disponibles soient contradictoires ou insuffisantes pour estimer tant la probabilité de la perte que son montant. En une telle hypothèse, une mention appropriée du litige en cours dans l'annexe suffit.
La constitution d'une provision est une opération visant à donner une vue justifiée de la rentabilité et du patrimoine de l’entreprise. La constitution d'une provision reste ainsi totalement étrangère à l'existence ou à l'importance des créances sur ou des dettes envers des tiers. La constitution d'une provision ne permet par conséquent jamais de déduire que l'entreprise reconnaîtrait (même implicitement) à concurrence de la provision comptabilisée le bien-fondé de l'action en justice intentée contre elle. Les provisions doivent être constituées en respectant le principe de prudence. Celui-ci permet d'éviter la distribution de capitaux propres qui, par prudence, doivent être réservés à la prise en charge des coûts pour lesquels une provision est constituée.
Les exemples ci-dessous illustrent les principes de constitution d’une provision, énumérés plus haut. Les applications pratiques suivantes ne sont fournies qu'à titre indicatif. En définitive, c’est l’organe de gestion qui est seul responsable de la constitution d'une provision adéquate.
Obligation inhérente à l’acquisition d'un élément de l'actif pour un montant fixe
Une société a acheté une machine pour la somme de 1.000, avec l'obligation de verser chaque année la somme de 200 à une ASBL, et ce durant trois ans. La valeur actuarielle39 de l’obligation nominale de 3 x 200 = 600 s’élève à 576,77 (200/1,02 = 196,08 ; 200/1,022 = 192,23 ; 200/1,023 = 188,46) dans l’hypothèse d'un taux de marché (article 67, § 2, alinéa 2 de l’AR C.Soc.) à 2 pour cent.
Obligation inhérente à l’acquisition d'un élément de l'actif pour un montant estimé
Application pratique 1
Une société a acheté une machine à un prix partiellement variable, à savoir une somme de 1.000 assortie à l'obligation de verser pendant trois ans au fabricant 2 pour cent de la valeur des actifs produits par cette machine. Cette valeur est estimée à 10.000 par an. L’indemnité variable estimée s'élève donc à 600, à payer annuellement pendant trois ans. En ce qui concerne le traitement comptable de l’acquisition d’une immobilisation à un prix variable en fonction d’un événement futur et incertain ayant un lien direct avec l’avantage que présente l’actif acquis pour la société, la Commission renvoie à son avis CNC 2012/9.
Les écritures se présentent comme suit :
Une mention appropriée de cette obligation est insérée dans l’annexe.
Application pratique 2
Une société a acquis un terrain pour un montant fixe de 1.000, avec l'obligation d’assumer les frais de formation du service d'animation socio-éducative d'une organisation communale, et ce durant trois ans. La valeur actuelle de la totalité de cette obligation est estimée à 600. Le service d'animation n'a pas de lien direct avec l’avantage que le terrain représente pour la société acquérante.
Les écritures se présentent comme suit :
Application pratique 3
Une société a conclu un contrat de location de neuf ans, portant sur un immeuble. Elle y réalise un investissement d'un montant de 900, dont la durée de vie devrait s’élever à dix ans. Après neuf ans, cet investissement a donc perdu une grande partie de sa valeur et le locataire sera contractuellement tenu d’en éliminer les conséquences au terme du contrat de location. La valeur actuelle du coût estimé pour éliminer cet investissement s'élève à 18. Si le contrat est résilié anticipativement par le bailleur, le locataire a (indubitablement) droit à une indemnisation. Si le locataire résilie lui-même le contrat prématurément ou sous-loue l'immeuble, il recevra (probablement) une indemnité en fonction de la plus-value générée par l’investissement.
Dans le respect du principe de rapprochement des charges et des produits, une provision est progressivement constituée.
Les écritures se présentent comme suit :
Une provision pour risques et charges est utilisée ou reprise (en tout ou en partie) lorsque la charge pour laquelle la provision a été constituée acquiert le caractère d'une dette certaine et liquide ou lorsque la provision constituée est supérieure à l’appréciation actuelle.
Une provision pour risques et charges actée doit être reprise dès qu'il est manifeste que les pertes ou charges probables ou certaines ne se réaliseront pas, ou lorsqu’il n’est plus probable que celles-ci se réaliseront. Si l’objet de la provision n’existe plus à la date de clôture du bilan (par exemple en cas de litige), l’intégralité de la provision constituée doit être reprise.
La Commission remarque que certaines entreprises reprennent chaque année l’intégralité de la provision pour ensuite reconstituer une provision, dont le montant correspond à la nouvelle estimation à la date de clôture du bilan. Comme indiqué ci-dessus, cette méthode n’est pas appropriée aux yeux de la Commission.
La constitution de provisions appropriées conformément aux dispositions réglementaires et répondant plus particulièrement aux principes généraux de prudence, de sincérité et de fidélité, relève de la responsabilité de l’organe de gestion.
L'AR C.Soc. comporte une liste exemplative des provisions dont la constitution est obligatoire.41 Des provisions doivent être constituées pour couvrir notamment :
a) les engagements incombant à la société en matière de pensions de retraite et de survie, de chômage avec complément d'entreprise et d'autres pensions ou rentes similaires ;
b) les charges de grosses réparations et de gros entretien ;
c) les risques de pertes ou de charges découlant pour la société de sûretés personnelles ou réelles constituées en garantie de dettes ou d'engagements de tiers, d'engagements relatifs à l'acquisition ou à la cession d'immobilisations, de l'exécution de commandes passées ou reçues, de positions et marchés à terme en devises ou de positions et marchés à terme en marchandises, de garanties techniques attachées aux ventes et prestations déjà effectuées par la société, de litiges en cours ;
d) les charges découlant d'une obligation environnementale.
Il n'appartient pas à la Commission de se prononcer sur les modalités de constitution de provisions, ni sur la méthode de comptabilisation à suivre par l'organe de gestion dans tous les cas d'espèce. Certains cas d'espèce sont néanmoins développés plus en détail dans les lignes qui suivent.
L'AR C.Soc. impose explicitement la constitution de provisions pour couvrir les charges de grosses réparations et de gros entretien.42 La constitution de provisions pour couvrir ces charges doit répondre aux critères fixés par l'article 33 de l’AR C.Soc. Il s'ensuit, notamment, que les provisions pour grosses réparations doivent correspondre à des charges ou dépréciations survenues dans l’exercice en cours ou des exercices antérieurs.
L'objet de la constitution d'une provision pour couvrir les charges de grosses réparations et de gros entretien est d'imputer ces charges - non récurrentes dans chaque exercice - à la période d'utilisation des actifs par l'entreprise. La prise en charge de l'ensemble de ces charges au cours de l'exercice de leur exposition effective ne répondrait pas au principe de rapprochement des charges et des produits. En effet, la situation qui justifie la réparation ou l'entretien s’est manifestée au cours de la (des) période(s) antérieure(s) à la grosse réparation ou au gros entretien.
En ce qui concerne les différents actifs nécessitant des réparations et/ou un gros entretien, la Commission recommande de dresser une sorte d’inventaire précisant, par élément d'actif, les réparations et/ou le gros entretien nécessaire(s), ainsi que la date des dernières réparations et/ou du dernier gros entretien, et une estimation de leur coût. Ce dernier montant sera confronté annuellement à une actualisation des prix.
Dans ce contexte, la Commission souligne qu’il n'est pas possible de constituer une provision pour des travaux d'agrandissement (nouvelle construction), dans la mesure où ces charges ne peuvent pas être rattachées à l’usure, apparue au cours de l’exercice, des actifs utilisés par l’entreprise.
Exemple
Un immeuble est repeint tous les cinq ans. Au 31.12.N, l'entreprise estime le coût de ces travaux de peinture à 25.000. Au 31.12.N+1 et au 31.12.N+2, l'entreprise estime ce coût toujours à 25.000. Au 31.12.N+3, le coût des travaux de peinture est estimé à 26.000. Au 31.12.N+4, l'entreprise estime le coût des travaux de peinture toujours à 26.000. Dans le courant de N+5, l'entreprise fait exécuter les travaux et elle reçoit le décompte des travaux effectués pour un montant de 26.500 (hors TVA 21 %).
Aucune provision ne peut être constituée pour les éventuelles variations de prix du stock existant.45 Les stocks sont, en effet, évalués à leur prix d'acquisition ou au prix du marché à la date du bilan, lorsque ce dernier est inférieur. L'application de réductions de valeur s’impose, afin de tenir compte soit de l'évolution de leur valeur de réalisation ou de marché, soit des aléas inhérents à la nature des actifs en question ou de l'activité exercée.
Lorsqu'une entreprise a acheté ou vendu des actifs à terme, et que, de l'avis de l'organe de gestion, cette opération dégagera probablement une perte, la constitution de provisions appropriées s'impose.46
Pour ce qui concerne les commandes en cours, la Commission observe que si, sur la base des calculs les plus récents, il devait s'avérer qu'à la date d'inventaire, l'exécution de la commande dégagera une perte, l'entreprise devra constituer des provisions pour les risques et charges liés à la poursuite de l'exécution de ces commandes, pour autant que ces risques ne soient pas couverts par des réductions de valeur. Tout d'abord, il y a lieu d'appliquer des réductions de valeur. Si ces réductions de valeur devaient s'avérer insuffisantes compte tenu de la valeur comptable de la commande en cours concernée, la constitution d'une provision complémentaire à la date de clôture s'impose. Le montant de la réduction de valeur ne peut, en effet, jamais être supérieur à l'élément d'actif en question.47
L'incertitude au sujet des conditions générales dans lesquelles l'entreprise exercera son activité dans les années à venir, et plus particulièrement les prix auxquels elle pourra acheter ses matières premières et les vendre après leur manutention, ne représente pas un risque pouvant justifier la constitution d'une provision. Il s'agit, en effet, d'une incertitude non rattachée à l'exercice en cours ou un exercice précédent, mais à des exercices ultérieurs. En outre, ce type d'incertitude est difficile à cerner. La constitution ou le maintien de ce type de provision impliquerait la constitution d'une provision générale, ce qui n'est pas admis. Toute provision non constituée pour des risques individualisés rattachés à l'exercice écoulé ou des exercices antérieurs a le caractère d'un bénéfice réservé ; elle devra dès lors être traitée en conséquence dans les comptes annuels.
Le traitement comptable d'obligations résultant d'un engagement de pension extralégale fera l'objet d'un avis ultérieur.
Le régime de chômage avec complément d’entreprise est un système où les travailleurs d’un certain âge qui sont licenciés ont droit aux allocations de chômage et à une indemnité complémentaire (appelée complément d’entreprise) à charge de leur ex-employeur. Le chômeur avec complément d’entreprise perçoit généralement le montant de son complément d’entreprise chaque mois jusqu’au moment où il atteint l’âge de la pension. Le débiteur du complément d’entreprise est en principe l’ancien employeur mais il est possible que cette obligation soit assumée par un fonds sectoriel. Il est également possible que le montant total du complément d’entreprise soit payé en une seule fois. Le régime de chômage avec complément d’entreprise est organisé par les textes réglementaires suivants :
Les engagements de l'entreprise résultant du régime de chômage avec complément d’entreprise doivent être enregistrés de manière appropriée dans la comptabilité et les comptes annuels de l'entreprise. En effet, l'obligation qu'elle a souscrite de payer ce complément d'entreprise, même en l'absence de prestation de travail, constitue un engagement ferme dans son chef et représente une charge qui a indiscutablement pris naissance au cours de l'exercice. En vertu de l'article 33 de l’AR C.Soc., il doit en être tenu compte dans l'inventaire. Cet engagement doit être rencontré par une provision appropriée, constituée à charge du compte de résultats.
Les engagements financiers qui résultent du régime de chômage avec complément d'entreprise constituent des dettes en principe certaines. Leur montant ne peut toutefois faire l'objet que d'une estimation. Ce montant est en effet tributaire de la survie probable des bénéficiaires, de l'éventualité de voir ceux-ci reprendre une activité professionnelle en renonçant au régime de chômage avec complément d'entreprise, ainsi que des variations de l'indemnité, à la suite notamment de l'éventuelle indexation de ces indemnités. Ce montant devra, conformément aux principes généraux de l'arrêté royal, être estimé avec prudence, sincérité et bonne foi.
La provision susvisée doit être constituée à partir de la naissance de l'obligation pour l'entreprise de verser le complément d'entreprise. De l'avis de la Commission, tant la date de l'introduction d'un régime de chômage avec complément d'entreprise que la date du départ effectif du travailleur sont sans importance dans ce contexte. La convention collective de travail applicable ne produira des effets patrimoniaux que dans la mesure où et à partir de la date à laquelle des travailleurs individuels sont licenciés sur base de ce régime. La date de départ d'un travailleur n'est d'ailleurs significative que pour déterminer le moment à partir duquel l'indemnité sera effectivement versée. Par contre, c'est la date de la naissance de l'obligation pour l'entreprise de verser le complément d'entreprise, c'est-à-dire la date à laquelle l'organe de gestion a pris la décision de licenciement, qui déclenchera la constitution de la provision.
Quant à la possibilité d'une répartition de ces charges sur plusieurs exercices, lorsque ces charges s'inscrivent dans une restructuration de l'entreprise, il est renvoyé à l'avis CNC 2011/24 - Frais de restructuration - Traitement dans les comptes annuels.
Lorsque la décision de cessation des activités ou d'une fraction importante des activités d’une entreprise est définitive, ou si cette décision est imminente, la constitution d'une provision s'impose, en vue de couvrir les charges résultant de la cessation des activités, et en particulier les indemnités à verser aux travailleurs.49
Aussi longtemps que l'organe compétent n'a pas décidé la cessation des activités ou d'une fraction importante des activités ou aussi longtemps qu'une telle décision n'est pas probable, l'entreprise ne peut pas librement choisir de constituer une provision pour les dettes qui pourraient en résulter. La constitution de provisions a pour objet de couvrir des pertes ou charges nettement circonscrites quant à leur nature, qui, à la date de clôture de l'exercice, sont probables ou certaines, mais dont le montant ne peut être qu'estimé. La Commission est d’avis que, au plus tard, au moment que, en application de la Loi Renault, la procédure est commencée, une provision doit être constituée. La constitution de celle-ci n’implique pas que la décision de licenciement collectif soit déjà prise. La seule éventualité de leur survenance ne saurait dès lors justifier la constitution d'une provision. A l'instar des risques généraux, elles ne peuvent être rencontrées que par la création de réserves.
En cas de fermeture de l'entreprise ou d'une branche d'activité ou d'un siège de l'entreprise, une adaptation des règles d'évaluation s'impose, étant donné qu'un des principes généraux régissant l'évaluation dans les comptes annuels n'est plus respecté, à savoir la présomption que l'entreprise poursuivra ses activités dans une perspective de continuité (le principe de going concern).50
La vente de biens ou la prestation de services s'accompagne en général, soit en vertu des règles de droit commun, soit en vertu de dispositions contractuelles particulières, de garanties pour vices cachés, de garanties de conformité, de garanties pièces et main-d’œuvre, etc. Il s'agit en définitive pour le vendeur ou pour le prestataire de services de garantir dans certaines limites et durant une certaine durée que l'objet vendu ou la prestation fournie correspond soit aux dispositions contractuelles, soit à ce que l'acheteur est normalement en droit d'attendre du bien ou du service acquis.
Ces garanties constituent sous l'angle juridique comme sous l'angle financier des engagements indiscutables qui engendrent des charges. Le vendeur ou le prestataire de services sera en effet tenu, en vertu de sa garantie, d'exposer des frais et de fournir des prestations additionnelles ne pouvant pas faire l'objet d'une facturation nouvelle. Leur coût effectif à l'avenir ne peut cependant être estimé qu'au moment de la vente ou de la prestation du service.
Il y aura donc lieu de constituer des provisions pour couvrir les charges inhérentes aux garanties attachées aux ventes et prestations déjà effectuées par l'entreprise. Cette obligation de constituer une provision est directement liée à la naissance de l'engagement de garantie. C'est donc au moment où le bien est vendu ou que la prestation est fournie que la provision doit être constituée. On doit en effet considérer que le coût de la garantie attachée au bien vendu ou au service presté grève son prix de vente. C'est dès lors le compte de résultat de l'exercice qui bénéficie du produit de la vente qui doit supporter simultanément les charges relatives à cette vente et donc les charges afférentes à cette garantie (le principe de rapprochement des charges et des produits).51 Il en résulte qu'il est exclu de reporter les charges qui grèvent cet engagement de garantie à un exercice ultérieur, au moment donc où l'acheteur se prévaut de la garantie.
La Commission observe que ce n'est pas la vente du bien ni la prestation du service qui déclenche l'obligation de constituer une provision. Cette obligation découle de l'engagement de garantie sous-jacent rattaché à cette vente ou ce service. Par conséquent, l'organe de gestion ne peut se limiter à la constitution d'une provision pour un montant forfaitaire correspondant à un pourcentage du chiffre d'affaires, mais devra faire une estimation des charges résultant de cet engagement de garantie. Sur la base de cette estimation, il est possible d’appliquer un « pourcentage d’expérience » au chiffre d’affaires, pour autant que l’estimation ait lieu à intervalles réguliers.
Le coût des prestations couvertes par la garantie est porté, selon sa nature, sous la rubrique correspondante du compte de résultats. L'impact de ces prestations est toutefois neutralisé, en tout cas à la clôture de l'exercice, par le débit du compte 163-165 Provisions pour autres risques et charges et le crédit du compte 6371 Provisions pour autres risques et charges : utilisations et reprises.
Le montant des provisions doit être corrigé à la date d'inventaire, sur base d'une appréciation actuelle des charges et risques en considération desquelles elles ont été constituées.52
En ce qui concerne les contrats de garantie souscrits par l'entreprise en extension de la garantie comprise dans le prix, il est renvoyé à l'avis CNC 148/3 - Imputation des frais découlant d'un contrat de garantie.
Lorsqu'une convention de concession, par laquelle une autorité publique confie temporairement à une entreprise l'autorisation d'utiliser une partie du domaine public de manière exclusive et dans un but bien défini, prévoit l'obligation de restituer les terrains qui font l'objet de cette concession dans leur état initial, l'entreprise devra constituer une provision pour risques et charges probables en vue de couvrir les charges inhérentes à la démolition des bâtiments érigés sur ces terrains afin de satisfaire à son obligation contractuelle.53 Cette obligation s'applique également aux transformations effectuées à un immeuble détenu en location.
Dans l'hypothèse où la convention de concession ou de location prévoit l'obligation de démolition des immeubles au terme de la convention, la Commission recommande de constituer progressivement une provision pour couvrir les charges liées à la démolition de l'immeuble et la remise du terrain dans son pristin état à l'échéance de la convention.54
En principe, cette provision est constituée linéairement sur la durée de la convention ou sur la durée d'utilisation du droit si cette dernière est plus courte.55 S’il existe des circonstances ou éléments justifiant l'application d'une méthode autre que linéaire, l'organe de gestion peut considérer qu'une telle méthode s'avère plus appropriée.
Dans la mesure où cette obligation de remettre le bien dans son pristin état peut avoir un impact significatif sur la situation financière et les résultats de l'entreprise, elle devra également être inscrite sous les droits et engagements hors bilan, pour une valeur correspondant à une estimation de la totalité des charges liées à la remise du bien dans son pristin état.
La Commission tient à observer que la constitution d'une provision s'inspire du principe de prudence. Ceci n’empêche que la provision doit être constituée de bonne foi, refléter la réalité et ne pas être exclusivement basée sur les termes de la convention. Il s'ensuit que si la convention prévoit l'obligation pour l'utilisateur de remettre le bien dans son pristin état à l'expiration du droit d'utilisation, l'utilisateur devra en principe constituer une provision appropriée, en vertu du principe de prudence. Si l'utilisateur est toutefois amené à considérer de bonne foi que, contrairement aux clauses du contrat, il ne sera pas obligé d'enlever les travaux d'amélioration à l'échéance de la convention, il est logique que dans le cas d'espèce, il ne procédera pas à la constitution d'une provision pour leur enlèvement.
Une entreprise a obtenu une autorisation de lotissement assortie de l'obligation de réaliser certains travaux. Dans le cas d'espèce, il s'agit de l'obligation d'aménager un parc. Le parc doit être aménagé après la construction d'immeubles à appartements. A l'achèvement de son aménagement, le parc sera transféré sans frais aux autorités, pour cause d'utilité publique. D’ordinaire, l’entreprise devra verser une caution à la commune en garantie du respect des obligations imposées.
L'autorisation de lotissement en soi représente une certaine valeur. Cette valeur correspond, d'une part, aux frais engagés pour son obtention, et, d'autre part, au potentiel bénéficiaire inhérent à l'autorisation. Aussi longtemps que celle-ci ne sera pas valorisée, ce potentiel bénéficiaire ne pourra pas être repris dans les comptes annuels au titre de bénéfice réalisé.
L'autorisation de lotissement obtenue comporte toutefois, comme précisé ci-avant, une série d'obligations inhérentes à celle-ci. L'enregistrement au bilan des charges liées à l'autorisation de lotissement sans exprimer les produits futurs générés par celle-ci, donnerait une image altérée de la réalité. En effet, cela reviendrait à exprimer (une estimation) des charges au bilan, alors qu’il est tout à fait exclu d’inscrire les produits correspondants sous la rubrique des produits. Cela reviendrait en outre à surestimer les fonds propres de l'entreprise lorsque, à l'occasion de la réalisation partielle du projet faisant l’objet de l'autorisation, celle-ci enregistre l'intégralité des produits de la vente, sans tenir compte de l'obligation qui lui est imposée par l'autorisation de lotissement (l'aménagement futur d'un parc).
L'autorisation de lotissement peut être réalisée, soit par son transfert à un promoteur immobilier, soit par l’exécution d'un projet de construction. Au fur et à mesure de la mise en œuvre du projet de construction, les produits qu’il dégage seront réalisés. Parallèlement, l'obligation d’aménager un parc et de le transférer ensuite aux autorités demeure effective. Dans cette optique, des provisions correspondantes doivent être constituées. Si l’on comptabilise uniquement les produits dégagés du projet lors de la vente de la totalité des lots, cela conduirait à une surestimation des fonds propres en cas de vente de lots. En effet, tous les bénéfices réalisés sur les projets auront été enregistrés, alors que la charge, c'est-à-dire l'aménagement du parc, n’aura pas encore été traduite dans les résultats. Il s'ensuit une surestimation des fonds propres à concurrence du coût estimé pour l'aménagement et le transfert du parc à aménager.
Afin de rapprocher la présentation des fonds propres de l'entreprise au mieux de la réalité, la Commission estime nécessaire de constituer des provisions appropriées pour couvrir les charges estimées résultant de l'obligation d'aménager et de transférer le parc. La Commission estime que la meilleure approche consiste à constituer, au fur et à mesure de l'avancement du projet, une provision à concurrence d'un pourcentage progressif56 des coûts liés à l'aménagement du parc. Le bénéfice découlant de l'autorisation de lotissement sera en effet réalisé, soit par le transfert à un tiers, qui reprend en même temps l'obligation d'aménager le parc, soit par la vente des lots à l'unité. Le prix de vente de ces lots comprend de facto également une somme destinée à couvrir le coût de l'aménagement du parc.
Dans cette optique, la Commission propose, à titre d'exemple, de procéder comme suit :
a. Dans la mesure où les charges découlant de l'autorisation de lotissement sont supérieures aux produits qu’elle devrait dégager (situation exceptionnelle), la perte probable qui en découle pour l'entreprise doit immédiatement et intégralement être exprimée au bilan en tant que perte ou obligation probable.
b. Dans la mesure où les charges découlant de l'autorisation de lotissement (dont l'aménagement du parc) sont inférieures aux produits qu’elle devrait dégager au fur et à mesure de la réalisation du projet faisant l'objet de l'autorisation, la Commission estime que la constitution d'une provision ne se justifie que dans la mesure où, en raison de la réalisation partielle du projet, la valeur de l'autorisation a diminué. Dans ces conditions, la constitution d'une provision correspondante s'impose, en vue de couvrir les charges résultant de l'aménagement du parc. Cette façon de procéder permet d'assurer la correspondance entre les produits générés par le projet à réaliser, et les charges qui en résultent.
Une entreprise décide, dans le cadre d'une campagne de vente récemment lancée, de proposer à son personnel de suivre une formation au cours de l'exercice suivant. Les frais de cette formation ne peuvent pas faire l'objet d'une provision à charge de l'exercice en cours, car ces frais ne résultent pas d'une activité exercée ou d'un événement survenu au cours de cet exercice. En outre, ces frais de formation généreront probablement une augmentation du chiffre d'affaires dans les exercices ultérieurs.
Une nouvelle réglementation emporte des obligations et, partant, la nécessité pour le personnel en place de suivre une formation de perfectionnement, afin de pouvoir répondre à ces nouvelles obligations. L'entreprise devra constituer une provision pour les frais supplémentaires57 que cette formation nécessitera, pour autant que celle-ci ait lieu au cours d’un exercice ultérieur.
Doivent être portées sous le poste 161 Provisions pour charges fiscales, les provisions constituées pour couvrir les charges fiscales pouvant résulter de la rectification de la base imposable ou du calcul de l'impôt.58 Si l’entreprise ne s’oppose pas au paiement de l’imposition qui est ou sera réclamée, celle-ci ne sera toutefois pas enregistrée sous les provisions mais sous les dettes (fiscales).
Il s'agit plus particulièrement de provisions pour couvrir une imposition fiscale prévue relative aux impôts sur les bénéfices réalisés au cours d'exercices précédents.
Ne sont visées dans ce contexte que les seules provisions pour couvrir la charge fiscale proprement dite, à l'exclusion des frais de procédure (par exemple, les honoraires d'avocats) à supporter par l'entreprise en cas de contestation de l'imposition fiscale.
En ce qui concerne le traitement comptable des provisions pour charges fiscales, la Commission renvoie aux nombreux avis qu'elle a publiés en la matière.
La Commission renvoie à cet égard à son avis CNC 2012/19 - Biens acquis contre paiement d'une rente viagère.
La liste non-exhaustive des provisions à constituer a été récemment60 complétée par l'obligation explicite de constituer une provision pour les charges découlant d’une obligation environnementale. Depuis l'introduction de cette obligation, inspirée par la Recommandation de la Commission européenne 2001/453/CE du 30 mai 2001 concernant la prise en considération des aspects environnementaux dans les comptes et rapports annuels des sociétés, un aspect important de la responsabilité sociale des entreprises a été explicitement intégré dans les comptes annuels.
La constitution d'une provision pour obligations environnementales est obligatoire, tant pour les obligations légales ou contractuelles que pour les obligations de fait. Par obligation légale ou contractuelle, il y a lieu d'entendre : l'obligation légale ou contractuelle imposée à l'entreprise d'empêcher, de réduire ou de réparer des dommages causés à l'environnement. Par obligation de fait, il y a lieu d'entendre : l'obligation qui en réalité découle de la conduite de l'entreprise même, lorsqu'elle a pris l'engagement d'empêcher, de réduire ou de réparer des dommages causés à l'environnement, et qu'elle ne peut ignorer cet engagement, en raison du fait que, vu ses déclarations d'intention ou de politique, ou des pratiques en vigueur dans sa branche d'activité, elle a ouvertement déclaré assumer la responsabilité d'empêcher, de réduire ou de réparer des dommages causés à l'environnement.
Le montant de cette obligation environnementale à provisionner, correspondra à la meilleure estimation des dépenses nécessaires pour pouvoir honorer cette obligation à la date de clôture du bilan, quelle que soit la date de cessation de l’activité ou à laquelle l'obligation doit être honorée. Cette provision sera, le cas échéant, et conformément au principe de rapprochement des charges et des produits, progressivement constituée sur la période des activités qui sont à l'origine de cette obligation environnementale.
En l'absence d'une obligation légale, contractuelle ou de fait, ou si l’obligation environnementale contractée est conditionnelle et non probable, il est exclu de constituer une provision. Si ces circonstances peuvent avoir une influence significative, elles doivent être mentionnées à l'annexe.
Tout investissement réalisé pour empêcher, réduire ou éviter des obligations environnementales futures est susceptible d'être activé. Toutefois, si ces dépenses sont faites dans le seul but de réparer des dommages causés par des activités exercées auparavant, et qu'elles ne sont pas rattachées aux activités en cours ou futures, ces dépenses doivent immédiatement être enregistrées sous les charges.
La Commission observe que dès la naissance d'une obligation environnementale, celle-ci peut avoir une influence sur la valorisation d'un élément d'actif de l'entreprise. Cependant, lorsque l'entreprise se voit contrainte d'opérer un assainissement ou qu'elle s'engage librement à cette opération d'assainissement, ceci n’entraînera pas une réduction de valeur de l'élément d'actif en question. En l'occurrence, l'entreprise sera en effet tenue de constituer une provision pour obligations environnementales et, le cas échéant, de prévoir une mention appropriée à l'annexe.61
L’article 7/1, alinéa 3, de l’arrêté royal du 21 octobre 1975 portant création de la Commission des normes comptables dispose ce qui suit :
« Lorsqu'un projet d'avis ou un avis est adopté à la majorité des voix, la position divergente du membre concerné ou des membres concernés, avec mention du nom de celui-ci ou de ceux-ci, est indiquée dans le projet d'avis ou dans l'avis et est également publiée avec le projet d'avis ou l'avis. ».
En l’espèce, monsieur Michel De Wolf, membre de la Commission sur proposition de l’Institut des Réviseurs d’Entreprises, a exposé sa position divergente dans les termes suivants :
"L’avis relatif aux provisions tel qu’adopté constitue certainement une synthèse de qualité des positions dominantes existant en Belgique sur la plupart des questions que soulève la notion de provision. Cependant, il développe aussi une approche minimaliste des conséquences qui devraient être tirées, selon moi, de l’ajout par le législateur de l’alinéa suivant dans l’article 50 de l’arrêté royal du 30 janvier 2001 : « A la date de clôture du bilan, et sans préjudice de l’article 33, § 1er, une provision représente la meilleure estimation des charges qui sont considérées comme probables ou, dans le cas d’une obligation, la meilleure estimation du montant pour l’honorer à la date de clôture du bilan. »
Cet ajout dans l’arrêté vise à transposer dans l’ordre juridique interne belge le dernier alinéa de l’article 12 de la directive 2013/34, qui est rédigé en des termes similaires.
Quant au fond, ce langage largement commun, correspond à l’IAS 37.36 : « Le montant comptabilisé en provision doit être la meilleure estimation de la dépense nécessaire à l’extinction de l’obligation actuelle à la fin de la période de reporting. » Or la directive 2013/34 a voulu assurer une plus grande compatibilité (voire sur certains points une meilleure convergence) avec les normes comptables internationales.
Dans le système des normes comptables internationales, la « meilleure estimation » sera le cas échéant le résultat d’un calcul probabilistique (espérance mathématique des différents résultats probables), ou fixée au montant le plus probable, etc. (voir IAS 37.39 et 37.40). L’avis adopté par la CNC s’écarte parfois de ces approches, en tout cas quand, nonobstant l’insertion des mots « au moins », il accepte une comptabilisation du montant le plus petit parmi tous les montants acceptables (n° 50), ou une comptabilisation progressive, d’année en année, d’une provision qui peut pourtant être estimée quant à son montant total dès la clôture du premier exercice concerné (n° 88, à propos de la remise d’un bien immobilier dans son pristin état). L’avis adopté préfère, en tout cas dans cette dernière hypothèse, reprendre « l’estimation de la totalité des charges » en annexe (ibidem), plutôt qu’au passif – réduisant ainsi, à notre avis, la lisibilité des comptes annuels, et retournant à des pratiques antérieures qui avaient conduit à des difficultés sérieuses dans certains pays et que la directive a selon nous précisément voulu bannir.
Par ailleurs, l’avis adopté introduit, mais ici sans appui textuel dans la directive ou l’arrêté comptable, le concept de « plus probable qu’improbable » de l’IAS 37 (voir spécialement le n° 19 de l’avis), alors que le principe de prudence conduit généralement à considérer qu’en droit comptable interne belge, il faut comptabiliser une provision pour faire face à une charge de probabilité substantielle, même si la probabilité n’atteint pas 50,1%. La référence au principe « plus probable qu’improbable » risque d’inciter un certain nombre d’entreprises en difficultés à s’abriter derrière lui pour ne pas comptabiliser des provisions qui jusqu’ici étaient considérées par la doctrine comme nécessaires.
Pour les raisons ci-avant, je suis, respectueusement, au regret de devoir diverger de l’avis adopté."
Source : CNC