​Théorie de la rémunération : que dit exactement l’arrêt de la Cour d’appel de Gand ?

La théorie de la rémunération, applicable depuis 2015, prévoit que les frais engagés par une société ne sont déductibles que s’il peut être démontré qu'en contrepartie des prestations effectives ont été accomplies par son dirigeant.

Un arrêt du 5 septembre 2023 rendu par la cour d’appel de Gand (2022/AR/558) s’avère tout à fait révolutionnaire et constitue un revirement jurisprudentiel majeur.

​Sans entrer dans tous les détails de cet arrêt très bien argumenté, évoquons rapidement les faits de l’affaire : une société médicale constituée par un unique administrateur et actionnaire, avait acquis un immeuble, et sur la partie privée occupée par ce médecin et sa famille, soit 57,50 %, un avantage de toute nature de 48 000€ avait été déclaré.

Selon l’administration fiscale, divers arguments justifient le rejet des charges immobilières que la société avait déduites : aucune documentation concernant la politique de rémunération, conflit d’intérêt entre le dirigeant et sa société, disproportion entre les frais immobiliers et l'ATN, immeuble occupé à la fois par le dirigeant et sa famille.

Le tribunal de première instance de Flandre occidentale suit le fisc (jgt du 28/3/2022).

La Cour d’appel remet les pendules à l’heure par ces attendus que nous résumons :

  • Tous les frais qu’un contribuable expose au cours d’une période imposable pour obtenir ou gagner des revenus sont déductibles au titre de dépenses professionnelles ;
  • L’ art. 52,3° du CIR précise que la rémunération peut à la fois être formée par un salaire et/ou des avantages de toute nature ;
  • Le contribuable a parfaitement déclaré l’avantage en nature fiscal et l’assemblée générale annuelle a approuvé ce mode de rémunération;
  • L’écart entre le coût réel des frais immobiliers et la relativement faible valorisation forfaitaire (ATN) ne découle que de l’application de l’AR/CIR (art. 18 );
  • La société a dégagé un chiffre d’affaires constant de plus de 360 000 € par an;
  • Il n’appartient pas à l’administration d’apprécier dans quelle mesure la rémunération a effectivement conduit à l’acquisition ou au maintien d’un revenu imposable, car cela ajoute une condition à la loi;
  • L’avantage en nature n’a été accordé qu'au seul médecin dirigeant, et la manière dont ce dirigeant met à disposition son logement (à savoir à la disposition de ses enfants et de son épouse) n’est pas un argument pertinent du fisc,qui n’a pas à s’immiscer dans ce choix;
  • Le fisc qui interfère sur une politique de rémunération se rend coupable d’une appréciation d’opportunité interdite.

Cet arrêt est très important car il remet en cause cette sempiternelle exigence du fisc de devoir justifier la déduction de frais en société (surtout immobiliers) par une augmentation d’une rémunération, par des efforts supplémentaires, ou une hausse du chiffre d’affaires.

On ne peut que se réjouir de cette décision récente. A bien conserver.

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