L'économiste français Jean Fourastier (1907-1990) est l'homme qui avait imaginé le terme des « Trente Glorieuses » pour qualifier les trois décennies de croissance stables qui avaient suivi la Seconde Guerre Mondiale avant l'effondrement des années 70. Mais il avait aussi publié en 1959 un court texte « Pourquoi nous travaillons » dans lequel il interrogeait la nécessité du travail comme structure politique et sociale. Dans ce texte, il rappelait que la nature satisfait imparfaitement les besoins humains et qu'il y a un écart entre le résultat du travail de l'homme et ses besoins de consommation, d'où la nécessité de rationner les appétits humains au travers d'un "rationnement par le revenu".
Nous y voilà. Cette réalité, certes défectueuse et inégalitaire, engage la question du partage juste des gains de productivité et de la répartition de la valeur ajoutée entre le travail et le capital. Plus que jamais, l'analyse de Karl Marx (1818-1883) reste d'une brûlante actualité.
Mais appliquons cette logique de rationnement des ressources de la nature au travers des revenus de l'homme. Que constate-t-on ? On observe que les hauts revenus ne sont pas contraints par les limites de la nature, et que les tensions écologiques sont évidemment à relier aux inégalités sociales.
L'écologie est donc un projet autant de politique économique que d'économie politique, puisqu'on peut raisonnablement supposer que les personnes les plus riches ont une empreinte de pollution plus élevée que ceux dont les modes d'habitat, de déplacement, de travail et de loisirs n'offrent aucune alternative.
On comprend bien le cynisme effrayant de certains milliardaires américains qui font du tourisme spatial lorsque l'on culpabilise les personnes moins nanties qui prennent des vols bon marché. Cela relève de la même logique méprisante qui conduit à accabler les personnes qui se ruent sur les ventes du Black Friday. Peut-être qu'elles n'ont pas les moyens de faire autrement.
Si, un jour, un plan de remédiation environnementale devait être établi, il pourrait conduire à un impôt environnemental progressif sur les revenus, comme il fut imaginé sur les revenus du travail après-guerre. À l'époque, il fallait taxer de manière marginalement croissante la capacité à épargner, qu'on appelle la propension marginale à épargner. Il s'agirait ici de taxer la propension marginale à polluer. Cette même taxation devrait être appliquée aux entreprises selon leur empreinte environnementale globale.
L'idée est vague, mais elle mérite, je pense, d'être approfondie.