Avec la réforme de la fiscalité et des pensions, mars sera le mois du dernier grand chantier de la Vivaldi. Mes 12 années d’expérience en tant que chef de cabinet ministériel m’ont toutefois appris que durant la période qui précède les élections, la fièvre électorale fait souvent en sorte que l’intérêt du parti prime sur l’intérêt collectif. Les chances que la montagne accouche d’une souris sont donc bien réelles. La Belgique ne survivra pourtant pas sans réformes.
Le grand problème de notre pays est son déficit budgétaire, le plus lourd d’Europe, qui se traduit par une dette publique abyssale. Pour réduire une dette, il n’existe que trois méthodes. Un: la laisser absorber partiellement par l’inflation, ce qui se produit effectivement dans une certaine mesure. Deux: la rembourser. Trois: la donner en héritage aux générations suivantes.
Aujourd’hui, nous faisons porter la dette par nos enfants et petits-enfants, ce qui les appauvrit. Nous n’avons pas profité des années de vaches grasses pour réduire l’endettement, qui n’a au contraire cessé de se creuser. Certes, comme les taux d’intérêt étaient nuls, la dette était gratuite. Mais la gratuité ne dure jamais longtemps. Après avoir été porté de zéro à 2,5%, le taux directeur de la Banque centrale européenne devrait atteindre 3,25% en cours d’année. Emprunter devient donc plus onéreux, y compris pour les Etats.
L’inflation reste en effet élevée et devrait tourner autour de 6,2% en Belgique en 2023, alors que la croissance économique flirte avec le zéro pointé (elle est estimée à 0,2%). Techniquement, nous entrons non pas en récession mais en stagflation, soit une stagnation de la croissance, doublée d’une inflation.
L’économie peut être stimulée par les investissements publics, ce deficit spending prôné par Keynes. Une solution qui n’est plus praticable dans le plat pays où, nous l’avons dit, le déficit est le plus élevé d’Europe. Sans compter que le poids des interventions publiques y est déjà bien trop important: 55,6%, d’après les calculs de la Commission. Un chiffre colossal qui surpasse de 10% la moyenne européenne.
Plusieurs études montrent que dans des pays comme le nôtre, le niveau optimal d’intervention de l’Etat se situe entre 35% et 42%. Il est donc largement franchi, et le réduire serait le meilleur choix économique que nous puissions faire, indépendamment de toute idéologie.
D’un montant de 520 milliards d’euros actuellement, la dette publique augmente de 507 euros par seconde. Elle s’élève désormais à 106% du produit intérieur brut (PIB), contre 49% chez nos voisins du nord, par exemple. Son pourcentage par rapport au PIB ne cesse par ailleurs de croître. Pour autant que les pensions et le marché du travail fassent l’objet de réformes structurelles, elle atteindra 80% en 2050, concluent les simulations de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Ce qui demeure très éloigné des 60% promis par la Belgique pour pouvoir adhérer au système de l’euro il y a 20 ans, mais serait à tout le moins dans la moyenne européenne.
Sans réformes, la dette vaudra 180% du PIB en 2050. Vous lisez bien. Le pays serait donc virtuellement en faillite, et proche du dépôt de bilan. On le voit: sa fin pourrait être moins communautaire qu’économique, ce qui impliquerait un appauvrissement collectif. Même à un an des élections, n’est-ce pas là une motivation suffisante pour décider de mettre de côté l’intérêt des partis au profit du bien commun?