C’est la question qu’un ami entrepreneur m'a posé récemment. Son entreprise se développe, ses moyens financiers augmentent, il souhaite acheter une maison en bordure de Bruxelles. Le budget qu’il envisage étant disproportionné avec les émoluments (le salaire) qu’il tire de son affaire, il m'a donc demandé si passer par une société immobilière ne serait pas la solution.
Pour tenter de répondre à cette question, il faut d’abord rappeler comment les revenus immobiliers sont taxés en Belgique et comment on peut jouir des loyers perçus, qu’on le fasse en tant que personne physique ou via une société. On peut alors positionner les avantages et inconvénients de chacune de ces options avant d’essayer de répondre à la question.
Tous les revenus qu’une société perçoit en raison de son activité sont en principe taxables à l’impôt des sociétés et la plupart des dépenses sont en principe déductibles. Il en résulte que la société paie 20 ou 25 % d’impôts sur le bénéfice qu’elle réalise. Mais cela ne veut pas encore dire que l’actionnaire peut disposer du montant restant après impôts : pour cela, il doit encore s’acquitter de l’impôt sur le dividende, à savoir le précompte mobilier. À hauteur de 30 % s’il est impatient d’avoir son argent ou de 15 % s’il veut bien patienter 3 à 5 ans. Concrètement, cela signifie que les droits d’enregistrement payés à l’achat du bien sont déductibles de la base taxable mais que les plus-values (lors d’une revente) font partie du bénéfice. Ce sont deux premières différences notables avec la possession de biens immobiliers en personne physique.
Les intérêts d’un emprunt sont aussi déductibles, ce qui n’est le cas en personne physique que si vous possédez plusieurs biens immobiliers. Il arrive souvent qu’au début d’un crédit hypothécaire, les intérêts payés compensent entièrement les loyers perçus et rendent la base taxable à zéro. Qui plus est, les pertes encourues sont généralement reportables et peuvent être déduites des bénéfices des années ultérieures. Ceci va à l’avantage de la possession en société.
Mais la gestion d’une société coûte de l’argent, notamment l’expert-comptable qui vous aidera pour les comptes annuels et la déclaration fiscale. Il faut compter un minimum de 2 000 € par an hors TVA, si vous souhaitez un minimum de service du professionnel.
En personne physique, vous n’êtes déjà pas taxé sur l’immeuble qui est votre lieu d’habitation. Pour vos immeubles additionnels, tout dépend de leur situation locative. Si vous les louez à des personnes qui ne les affectent pas à leur activité professionnelle, la base taxable est le revenu cadastral multiplié par deux facteurs : d’abord une indexation par 1,8630 (pour vos revenus de 2021) puis encore une multiplication par 1,40. Si vous passez par une plateforme de type Airbnb, vous devrez décomposer le loyer perçu entre une part d’immobilier, une part de mobilier ainsi qu’une part de services tels que le petit-déjeuner ou le nettoyage, chacune étant taxée distinctement.
Si votre locataire affecte le bien à son activité professionnelle et déduit le loyer qu’il vous paie, vous serez taxé en contrepartie sur le loyer perçu, réduit forfaitairement de 40 % pour vos frais. Cette situation risque donc de vous coûter plus cher qu’en louant à un privé.
Les revenus “nets” immobiliers sont ajoutés à vos autres revenus pour être taxés au taux global. Dès lors, à partir de 41 360 € de revenus en 2021, il vous en coûtera 50 % d’impôts fédéral et régional, majorés de ceux au profit de votre commune. Si l’administration fiscale estime que vos revenus immobiliers sont le reflet d’une activité et non d’une gestion en bon père de famille, elle pourrait tenter de les taxer comme revenus professionnels, avec cotisations sociales et taux supérieurs à la clé.
Une manière de réduire cette base taxable est d’avoir des intérêts de financements sur d’autres immeubles. Ceci est vrai en société comme en personne physique, d’ailleurs. Dès lors en faisant payer le crédit par les loyers perçus et profitant de la déduction des intérêts du revenu imposable pour payer moins d’impôts, vous pourriez faire grandir votre patrimoine.
Les différences sont encore importantes lors de la cession d’un bien immobilier. En personne physique, la plus-value n’est pas imposable, elle résulte de la gestion d’un “bon père de famille” et que le bien fut possédé plus de cinq ans. C’est donc une bonne opération.
Par contre elle est toujours imposable dans une société et il faut encore payer le précompte mobilier comme décrit plus haut. Que faire alors de l’argent restant après avoir remboursé ses frais et dettes ? La solution est souvent d’acheter un nouvel immeuble et faire grandir son patrimoine. C’est peut-être le principal intérêt de la société, favoriser la croissance et la multiplication de ses actifs, pour autant que la programmation opérationnelle et fiscale soit adaptée.
Il n’y a pas de règle absolue mais la pratique enseigne que le jeu n’en vaut pas la chandelle pour un seul un immeuble, en particulier s’il s’agit de votre habitation. Si par contre votre objectif est de constituer un patrimoine conséquent, que vous y mettrez les moyens nécessaires et qu’élaborer un pôle de richesse immobilière est un projet à long terme, une structure sociétaire pourrait bien répondre à vos attentes et être plus adaptée.
Source : Costmasters, avril 2022