A l’occasion d’un rangement de grenier familial, je retrouve un assignat de 125 livres. Il a été créé le 28 septembre 1793, huit mois après le guillotinage de Louis XVI. J’ai toujours un étrange sentiment de toucher un billet qui a traversé les siècles, sans que je ne puisse jamais retrouver ses pérégrinations, car la monnaie anonymise l’histoire sinueuse des hommes.
Que furent les assignats ?
Au moment de la Révolution française, la France est au bord de la faillite. En 1789, Talleyrand propose une nationalisation des biens de l’Église, dont le montant est évalué à deux à trois milliards de livres de l’époque. L’Assemblée nationale décide alors de mettre les biens du clergé à la disposition de la Nation.
Le problème est que la vente des biens ecclésiastiques prend du temps et empêche des recettes budgétaires rapides. Les autorités françaises décident alors de créer une « Caisse de l’Extraordinaire » destinée à émettre du papier-monnaie qui représente la valeur des biens cléricaux (ou nationaux).
Initialement, en décembre 1789, cette Caisse émet 400 millions de billets. Ces premiers assignats étaient conçus comme des bons d'achat pour les biens nationaux.
Puis, à partir d'avril 1790, de nouvelles émissions d'assignats, non porteuses d'intérêt et en coupures plus petites, furent transformées en véritable monnaie fiduciaire pour faire face aux dépenses de l'État.
Ces derniers sont gagés sur la vente prévue de biens nationaux. Toute personne qui désire acheter des biens cléricaux doit le faire avec des assignats. Il faut donc que les particuliers les achètent préalablement, essentiellement avec de l’or.
Mais les assignats sont facilement falsifiables, et l’Angleterre en profite pour inonder la France de billets contrefaits. Progressivement, les pièces métalliques ne circulent plus, car elles sont thésaurisées, tandis que les assignats circulent de plus en plus vite. Rapidement, le système s’emballe. En 1796, le montant des assignats atteint 45 milliards de livres, devenus sans valeur dans un contexte d’hyperinflation et de pénurie. C’est la ruine.
En réaction, les particuliers accentuent la thésaurisation des pièces d’or et d’argent. La dépression économique s’installe alors que toutes les mesures sont tentées pour éteindre la déliquescence de la monnaie : cours forcé de l’assignat, interdiction de l’exportation des métaux précieux, fermeture de la Bourse, fin de la publication des cours de change, blocage des prix et salaires, etc.
Après sa prise de pouvoir, Napoléon crée la Banque de France en 1800, lui confie un monopole d’émission monétaire et crée le franc germinal (ou franc-or), à la stabilité incontestée jusqu’en 1928.
Ceci rappelle les prophétiques paroles du contrôleur des finances du Royaume de France entre 1769 et 1774, l’abbé Terray, qui disait que « la banqueroute est nécessaire, une fois tous les siècles, afin de mettre l’État au pair ».