B2B ou B2C : jusqu'où un renouvellement tacite oblige les deux parties (consommateur et/ou entreprise)?

Vous venez de constater que votre contrat d’abonnement à la salle de sport permet à l’entreprise de renouveler le contrat alors que vous souhaitiez y mettre fin ? En tant que professionnel, vous insérer ce type de clause dans vos contrats et souhaitez savoir si une telle reconduction tacite est légale ?

Dans ces deux cas, le présent article, qui s’appuie sur l’excellent ouvrage intitulé « Les clauses abusives B2B après la loi du 4 avril 2019 »[1] et, notamment, sur la contribution de Kenny Troch[2], est destiné à vous prodiguer de précieux premiers conseils.

1. – La distinction entre renouvellement et prolongation de contrat

Avant toute chose, il est important de distinguer, d’une part, le renouvellement tacite d’un contrat, et, d’autre part, sa simple prolongation car – comme son nom l’indique – le premier mécanisme engendre, en réalité, la conclusion d’un nouveau contrat identique ou similaire au premier.

Cette distinction entraîne plusieurs conséquences pratiques ; il convient, notamment, d’apprécier la validité du nouveau contrat sur la base de la loi en vigueur au moment du renouvellement.

2. – La clause de renouvellement dans un contrat de consommation (relation « B2C »)

A la lecture de nos articles antérieurs (Le droit de rétractation dans les contrats à distance & hors établissement & Un professionnel qui appose sa marque sur un produit défectueux engage sa responsabilité en tant que producteur de ce produit ), vous avez constaté que le Code de droit économique (Codeco) contient des dispositions protectrices des consommateurs.

– Ainsi, ses articles VI.82 et suivants instaurent un régime permettant de déclarer les clauses abusives nulles à leur égard. En lien avec notre problématique, l’article VI.83, 20° dispose que sont abusives :

« les clauses et conditions ou les combinaisons de clauses et conditions qui ont pour objet de proroger automatiquement un contrat à durée déterminée en l’absence d’une notification contraire du consommateur, alors qu’une date excessivement éloignée de la fin du contrat a été fixée comme date limite pour exprimer cette volonté de non-prorogation de la part du consommateur »

Afin d’éviter la nullité de la clause, il est donc important qu’en présence d’un consommateur, une entreprise fixe contractuellement une date limite relativement proche du terme pour que ce dernier puisse s’opposer à la prorogation ou au renouvellement et qu’elle l’avertisse de cette possibilité.

– Concernant les conditions de fond de la rédaction d’une clause de renouvellement tacite, il y a lieu de vérifier le respect de l’article VI.91 du Codeco.

En cas de contrat de service/vente à durée déterminée « ayant à la fois pour objet des biens et des services », conclu entre une entreprise et un consommateur, les clauses de renouvellement tacite doivent figurer en caractère gras et dans un cadre distinct du texte, au recto de la première page.

Elles doivent également mentionner la date ultime à laquelle le consommateur peut s’opposer à la reconduction tacite et les modalités pour communiquer cette opposition.

Enfin, le professionnel doit informer le consommateur des conséquences de la reconduction tacite, notamment qu’après celle-ci, il peut encore résilier le contrat à tout moment, sans indemnité, au terme d’un délai de préavis déterminé contractuellement, qui ne peut être supérieur à deux mois.

Aucune sanction spécifique n’est néanmoins prévue en cas de non-respect de cet article VI.91. Selon K. Troch [3], on peut toutefois considérer, en vertu du droit commun, que l’entreprise peut être tenue au paiement de dommages et intérêts pour réparer le dommage résultant de ce que le consommateur

  • n’était pas au courant de la présence d’une clause de renouvellement tacite, ou ;
  • ignorait, en raison du non-respect de l’obligation d’information, qu’il pouvait résilier le contrat unilatéralement et sans frais après son renouvellement.

3. – La clause de renouvellement entre entreprises (relation « B2B »)

Entre entreprises, une clause de renouvellement est, en principe, valide, sauf si elle est rédigée en manière telle « qu’une des parties contractantes ne peut jamais se défaire du contrat » ; ce sera le cas, par exemple, si une partie est autorisée à proroger ou renouveler le contrat de façon unilatérale et pour un nombre indéterminé de fois. Ce type de clause – qui va à l’encontre du principe selon lequel « personne ne peut se lier pour l’éternité » – est bien entendu contraire à l’ordre public.

La loi du 4 avril 2019 est venue intégrer dans le Codeco, pour les relations entre entreprises, une liste de clauses abusives (liste « noire ») et une liste de clauses « présumées abusives » sauf preuve contraire (liste « grise »). Parmi les clauses « grises », l’article VI.91/5, 2° du Code de droit économique mentionne celle ayantpour objet de « proroger ou renouveler tacitement un contrat à durée déterminée sans spécification d’un délai raisonnable de résiliation ».

La majorité des auteurs s’accordent à considérer que cet article impose de stipuler un délai raisonnable permettant au cocontractant de s’opposer à une prorogation ou à un renouvellement tacite du contrat. Ils recommandent dès lors de clarifier le texte, en y remplaçant le terme « résiliation » par le terme « opposition », plus pertinent dans ce cas précis.[4]

Cela étant, même lorsqu’un délai raisonnable est prévu, ces clauses peuvent également, dans certaines circonstances, tomber sous le coup de la définition générale de clauses abusives entre entreprises présente à l’article VI.91/5 du Codeco :

« §1er. Pour l’application du présent titre, toute clause d’un contrat conclu entre entreprises est abusive lorsque, à elle seule ou combinée avec une ou plusieurs autres clauses, elle crée un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties.

§ 2. Le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des produits qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, à l’économie générale du contrat, aux usages commerciaux qui s’appliquent, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. (…).»[5].

4. – Le caractère raisonnable des dates & des délais

Afin d’apprécier la « date excessivement éloignée de la fin du contrat » et le « caractère raisonnable des délais », il convient d’analyser les arrêts et les jugements rendus en la matière. A titre d’illustration, il a été décidé par :

  • la Cour d’appel de Gand, à propos d’une clause de prorogation tacite figurant dans un contrat d’agence immobilière conclu pour six mois, que « le délai de préavis de trois mois n’est pas déraisonnable compte tenu de la nature de ce contrat »[6] ;
  • le juge de paix d’Anvers, à propos d’un contrat d’affiliation à un club de sport conclu pour un an, que n’était pas abusive la clause imposant à l’affilié d’y mettre fin six semaines avant l’échéance : « la protection du consommateur est un aspect mais le professionnel aussi a droit à la protection de ses intérêts » ; or « l’équipement et l’exploitation d’un centre de fitness est (…) une affaire coûteuse (…), de sorte qu’il peut être considéré comme normal que l’exploitant puisse compter sur une certaine fidélité de sa clientèle ».[7]

Conclusion

Contrairement à l’article VI.91 du Codeco (cfr. supra point 2) relatif aux contrats entre une entreprise et un consommateur, aucune disposition légale applicable entre entreprises ne prévoit d’exigences formelles à respecter par les clauses de renouvellement tacite.

Ces clauses B2B sont ainsi valides pour autant qu’elles n’entrent pas en contradiction avec une règle impérative ou d’ordre public et qu’elles stipulent un délai raisonnable permettant au cocontractant de s’opposer à une prorogation ou à un renouvellement tacite du contrat.

Ainsi, rien n’empêche une entreprise, selon la législation en vigueur, de proposer une clause de ce type dans les contrats conclus avec une autre entreprise :

« Le présent contrat est conclu pour une durée de 1 an à compte du XX/XX/2022.

Il se poursuivra ensuite par tacite reconduction par période d’un an, sauf dénonciation par l’une des parties, en respectant un préavis de 3 mois au moins avant la fin de la période en cours, notifiée par lettre recommandée avec AR. »

N’hésitez pas à faire appel à notre équipe pour la rédaction de vos contrats afin de vous protéger au mieux ou en cas de litige.

Me David Blondeel & Me Jonathan Mey


[1] R. Jafferali & E. de Duve (coord.), Les clauses abusives B2 après la loi du 4 avril 2019, Limal, Anthémis, 2020.

[2] K. Troch, « Les clauses de durée » in R. Jafferali & E. de Duve (coord), Les clauses abusives B2 après la loi du 4 avril 2019, Limal, Anthémis, 2020, pp. 324 & s.

[3] Ibidem., p. 345.

[4] Ibidem., p. 341.

[5]Si les clauses sont rédigées de manière claire et compréhensible, l’appréciation de leur caractère abusif ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation entre le prix/la rémunération et les produits/services.

[6] Gand, 1er juin 2011, Ann. prat. marché, 2011, p. 229.

[7] J.P. Anvers, 8 août 1995, D.C.C.R., 1996, p. 47.

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