Par la Loi du 4 mai 2023 portant sur l’insertion du livre XIX « Dettes du consommateur dans le Code de droit économique, le législateur entend réformer une Loi vieille de 20 ans[1]. La volonté du législateur est de limiter et encadrer les frais générés pour les retards de paiement[2].
La Loi du 4 mai 2023 qui porte sur l’insertion du libre XIX « Dettes du consommateur » dans le Code de droit économique est entré en vigueur au 1er septembre 2023. En d’autres termes ces nouvelles dispositions s’appliquent à tous les nouveaux contrats conclus après le 1er septembre 2023.
Pour les contrats antérieurs au 1er septembre 2023, la Loi prévoit une période transitoire. En effets, ces nouvelles règles s’appliqueront à partir du 1er décembre 2023 si le retard de paiement se réalise après le 1er septembre. [3]
Dorénavant, dans contrat entre une entreprise et un consommateur, la clause indemnitaire prévue lorsque le consommateur n’a pas payé sa dette à l’échéance ne pourra être appliquer « qu’après l’envoi d’une mise en demeure qui prend la forme d’un premier rappel et après l’écoulement d’un délai d’au moins quatorze jour calendrier, qui prends cours le troisième jour ouvrable qui suit celui où le rappel est envoyé au consommateur »[4].
Par exemple, l’échéance d’une facture est le lundi 11 septembre 2023. Une mise en demeure est envoyée le 18 septembre 2023. Le délai minimum de 14 jours calendrier commence, le troisième jour ouvrable qui suit l’envoi de la mise en demeure soit le jeudi 21 septembre 2023. Ce faisant, ce n’est que le jeudi 5 octobre 2023 que le créancier pourra appliquer sa clause indemnitaire.
Il est à préciser que « lorsque que le rappel est envoyé par voie électronique, le délai de quatorze jours calendrier prend cours le jour calendrier qui suit celui où le rappel est envoyé au consommateur »[5]. En d’autres termes, le consommateur perd 3 jours lorsque la mise en demeure est transmise par voie électronique.
L’envoi de ce premier rappel est gratuit, aucun frais lié à une échéance impayée ne peut être facturé au consommateur[6].
Toutefois, la Loi prévoit une dérogation pour ce qui est des contrats qui portent sur la livraison régulière de biens ou de services. En effet, pour ce type de contrat, « aucun frais ne peut être facturé au consommateur pour les rappels liés à trois échéances impayées par année calendrier »[7]. De plus, « les coûts pour des rappels supplémentaires ne peuvent être supérieurs à 7,50 euros augmentés des frais postaux en vigueur au moment de l'envoi »[8].
Le rappel doit également être envoyés sur un support durable. Un support durable est « tout instrument permettant à une personne physique ou morale de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement d'une manière lui permettant de s'y reporter aisément à l'avenir pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l'identique des informations stockées. Peut constituer un support durable, lorsque ces fonctions sont préservées, le papier ou, dans l'environnement numérique, un courrier électronique reçu par le destinataire ou un document électronique enregistré sur un dispositif de stockage ou attaché à un courrier électronique reçu par le destinataire »[9]. Un « support durable » peut être prendre différentes formes : papier, clés USB, CD-Rom, DVD, cartes à mémoire ou disques durs d'ordinateur ainsi que courriels[10].
Le premier rappel doit contenir les mentions suivantes :
La Loi plafonne également les montants prévus pour les clauses indemnitaires. En effet, le créancier, ne peut réclamer aucun autre paiement que ceux mentionnés ci-dessous en cas de non-paiement total ou partiel de la dette à l'expiration du délai visé à l'article XIX.2 :
Si la clause indemnitaire ne reprend pas les montants prévus ci-dessus, la clause est réputée non écrite[13]. Il est important de souligner que la clause doit dans tous les cas respecter l’article VI. 83, 24° qui prévoit qu’une clause est abusive si elle fixe « des montants de dommages et intérêts réclamés en cas d'inexécution ou de retard dans l'exécution des obligations du consommateur qui dépassent manifestement l'étendue du préjudice susceptible d'être subi par l'entreprise ».
Si le consommateur n'a pas payé sa dette à l'expiration du délai de quatorze jours calendrier et qu'une clause indemnitaire prévoyant un intérêt de retard est d'application, l'entreprise qui est une PME, peut alors décider de faire courir l'intérêt de retard à dater du jour calendrier qui suit celui où le rappel est envoyé au consommateur[14]. Une PME est une entreprise qui ne dépasse pas plus d'un des critères suivants :
Le législateur a prévu qu’il revenait à l’entreprise de prouver le respect des obligations précitées[16]. De plus, tout clause qui dispense du respect des formalités préalables prévue est interdite et nulle[17].
L’article XIX. 3 prévoit que « l’entreprise doit fournir sans délai, à la demande du consommateur, sur un support durable, toutes les pièces justificatives de la dette et toutes les informations sur la manière d'introduire une contestation de la dette ».
Dans le cadre d’une activité de recouvrement amiable, l’article XIX. 7 impose au recouvreur de dettes de vérifier le respect de l’article XIX. 4 en ce qui concerne les montant réclamés au consommateur. De plus, l’article XIX. 7 prévoit qu’ « aucune mise en demeure ne peut être adressée au consommateur si le recouvreur de dettes constate que l'article XIX.4 n'est pas respecté ». La mise en demeure adressée au consommateur sur un support durable, rédigée de manière claire et compréhensible, contient au minimum les mentions suivantes :
L’article XIX. 8 dispose qu’ « au cas où aucun rappel n'a été effectué conformément à l'article XIX.2, les montants visés à l'article XIX.4 ne peuvent être réclamés au consommateur qu'après un délai d'au moins quatorze jours calendrier qui prend cours le troisième jour ouvrable qui suit celui où le rappel est envoyé au consommateur.
Lorsque le rappel est envoyé par voie électronique, le délai de quatorze jours calendrier prend cours le jour calendrier qui suit celui où le rappel est envoyé au consommateur ».
L’article XIX. 9, prévoit les cas où il ne peut être procédé à aucune autre mesure ou acte de recouvrement amiable. Ils sont au nombre de 4 :
La Loi précise également que : « lorsque plusieurs causes de suspension des mesures et des actes de recouvrement amiable telles que prévues aux paragraphes 1er à 4 interviennent, la suspension ne peut au total excéder un délai maximal de quarante-cinq jours calendrier qui prend cours à la fin du délai prévu au paragraphe 1er »[22].
La Loi interdit également « au recouvreur de dettes de réclamer au consommateur une quelconque indemnité, rétribution ou quelques frais que ce soit pour son intervention »[23].
Le juge a la possibilité d’ordonner que « tout paiement obtenu en contravention aux dispositions des articles XIX.2, XIX.4 à XIX.8 et XIX.10 est considéré comme valablement fait par le consommateur à l'égard du créancier et qu'il doit être remboursé au consommateur par celui qui en a reçu le paiement »[24]. S’il appert que la dette concerne un montant totalement ou partiellement indu, (frais administratif du recouvreur par exemple), « le juge peut ordonner, sans préjudice des sanctions de droit commun, que celui qui a reçu le paiement est tenu de le rembourser au consommateur, majoré des intérêts de retard à partir du jour du paiement »[25].
Enfin, l’article XIX. 15 prévoit qu’ « en cas de non-respect par l'entreprise des obligations qui découlent des articles XIX.2, XIX.4 et XIX.5 et sans préjudice des sanctions de droit commun, le consommateur est dispensé de plein droit du paiement de la clause indemnitaire ».
Le Code de droit économique prévoit également qu’une infraction aux dispositions des articles :
Est sanctionné par une sanction de niveau 2, c’est-à-dire « d'une amende pénale allant d'un montant minimum de 26 euros à un montant maximum de 10 000 euros ou de 4 % du chiffre d'affaires annuel total du dernier exercice clôturé précédant l'imposition de l'amende au sujet duquel des données permettant d'établir le chiffre d'affaires annuel sont disponibles, si cela représente un montant plus élevé »[27].
Le Code de droit économique prévoit également qu’une infraction aux dispositions des articles :
Est sanctionné par une sanction de niveau 4 c’est-à-dire « amende pénale allant d'un montant minimum de 26 euros à un montant maximum de 50 000 euros ou de 6 % du chiffre d'affaires annuel total du dernier exercice clôturé précédant l'imposition de l'amende au sujet duquel des données permettant d'établir le chiffre d'affaires annuel sont disponibles, si cela représente un montant plus élevé »[29].
Le législateur a franchi un cap dans la protection des consommateurs avec l’introduction de la loi du 4 mai 2023. Désormais, les entreprises créancières devront être extrêmement attentives dans le recouvrement de leurs créances. A défaut, les conséquences pourraient être considérables.
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[1] Loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. M.B. 7 août 2002.
[2] X. « Retards de paiements: du nouveau dans les frais de rappel » disponible sur https://www.lesoir.be/474064/article/2022-10-28/retards-de-paiements-du-nouveau-dans-les-frais-de-rappel consulté le 10.09.2023.
[3] Article 15 de la Loi du 4 mai 2023 qui porte sur l’insertion du libre XIX « Dettes du consommateur » dans le Code de droit économique
[4] Article XIX.2 § 1, al. 1 du Code de droit économique.
[5] Article XIX.2 § 1, al. 2 du Code de droit économique.
[6] Article XIX.2 § 2, du Code de droit économique.
[7] Article XIX.2 § 2, al. 2 du Code de droit économique.
[8] Article XIX.2 § 2, al. 2 du Code de droit économique.
[9] Article I. 1 15° du Code de droit économique.
[10] Considérant 23 de la Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil.
[11] Article XIX.2 § 3 du Code de droit économique.
[12] Article XIX.4 du Code de droit économique.
[13] Article XIX.4 al 3 du Code de droit économique.
[14] Article XIX.2 § 4 al. 1 du Code de droit économique.
[15] Article 1 :24, §1er du Code des sociétés et des associations.
[16] Article XIX.2 § 5 du Code de droit économique.
[17] Article XIX.2 § 6 du Code de droit économique.
[18] Article XIX. 7 §2 du Code de droit économique.
[19] Article XIX.9, § 2 du Code de droit économique.
[20] Article XIX.9, § 3 du Code de droit économique.
[21] Article XIX.9, § 4 du Code de droit économique.
[22] Article XIX.9, § 5 du Code de droit économique.
[23] Article XIX. 13 du Code de droit économique.
[24] Article XIX. 14 al. 1 du Code de droit économique.
[25] Article XIX. 14 al. 2 du Code de droit économique.
[26] Article XV. 125/2/1 du Code de droit économique.
[27] Article XV. 70 §1er, 2° du Code de droit économique.
[28] Article XV. 125/2/2 du Code de droit économique.
[29] Article XV. 70 §1er, 4° du Code de droit économique.