
Dans le cadre effervescent du Congrès des Experts-Comptables et du Salon AVEC, la plateforme oFFFcourse a offert une série de rendez-vous privilégiés avec des personnalités clés de notre écosystème. Pour cet échange dense et direct, nous avons eu l'honneur d'accueillir David Clarinval, Vice-Premier ministre et ministre de l'Économie et de l'Emploi. À l'heure où le gouvernement déploie un ensemble de réformes structurantes, de la fiscalité du capital à la modernisation du marché du travail, en passant par les défis de la souveraineté numérique, l'enjeu était de taille : décrypter les intentions, les arbitrages politiques et les conséquences concrètes de ces mesures pour les entreprises et les professionnels qui les conseillent.
Dès le début de l'échange, David Clarinval, qui se définit lui-même comme un « chef d'entreprise » dans l'âme, a posé un diagnostic clair : la compétitivité des entreprises belges est en danger. Face à la concurrence géopolitique, au dumping social et à la complexité administrative, le ministre a martelé son objectif principal : « Je veux remettre la compétitivité au cœur de l'action. » Pour y parvenir, le gouvernement actionne plusieurs leviers stratégiques.
Le premier axe est la réduction des coûts salariaux, identifiés comme les plus élevés d'Europe. Deux mesures phares ont été annoncées :
Le second axe concerne les coûts énergétiques. Une « norme énergétique » sera mise en place pour diminuer les coûts électriques des entreprises énergivores, avec un budget total porté à près de 600 millions d'euros.
Le ministre de l'Emploi voit la législation du travail comme un outil au service de la compétitivité. Il a détaillé un ensemble de réformes ambitieuses visant à flexibiliser le marché et à lutter contre la pénurie de main-d'œuvre, qui s'élève à 180 000 emplois vacants en Belgique.
La mesure la plus emblématique est sans conteste la réforme du chômage. « La Belgique était le seul pays au monde avec un chômage qui était illimité dans le temps. On a pris cette réforme qui est une révolution », a souligné David Clarinval. Le chômage sera désormais limité à deux ans maximum, une mesure qui vise à rompre avec ce qu'il qualifie de « culture de l'assistanat ». Cette réforme s'accompagne d'autres initiatives fortes comme l'extension des Flexijobs, l'augmentation des heures supplémentaires volontaires et la réinstauration de la période d'essai.
L'un des points les plus sensibles du débat public, la taxation du capital, a été abordé sans détour. Loin d'être une mesure souhaitée par sa famille politique, l'introduction d'une taxe sur les plus-values a été présentée comme une concession majeure, un "déchirement" pour les libéraux. La raison ? Un impératif de formation gouvernementale. « Nous avons subi une forme de chantage. Vooruit, les socialistes flamands, exigeaient cette mesure pour pouvoir entrer dans le gouvernement », a-t-il été précisé.
Le cœur de la négociation a donc porté sur la protection du fruit du travail des entrepreneurs. Un système dérogatoire a été mis en place lors de la cession d'une société :
« Mon message, c'était que l'on a protégé les indépendants qui ont travaillé toute leur vie », a-t-il été martelé. Parallèlement, une exonération de 10 000 € a été instaurée pour les plus-values sur les portefeuilles de placements afin de ne pas impacter le petit épargnant.
Le ministre a fermement rejeté l'amalgame entre société de management et fraude fiscale : « Les sociétés de management ne sont pas des sociétés fraudeuses. [...] C'est parfois un indépendant qui se met en société. C'est tout à fait classique. » Il a révélé avoir repoussé des propositions visant à « casser » ce modèle. Le compromis final inclut la hausse du précompte sur les dividendes (VVPR-bis), qui passe de 15 % à 18 %. « Il n'y a pas de logique économique derrière cela. C'est malheureux à dire, mais c'est comme cela », a-t-il concédé, expliquant que cette augmentation visait à atteindre un rendement fiscal exigé par l'aile gauche du gouvernement.
Interrogé sur le champ d'application, le ministre a confirmé une information cruciale pour les praticiens : « C'est prévu pour les deux », à savoir le régime VVPR-bis et les réserves de liquidation.
Le 1er janvier approche, et avec lui l'obligation de la facturation électronique. Conscient des difficultés que cette transition représente, le ministre a délivré un message sans ambiguïté : « Malheureusement, il n'y a pas de plan B. [...] Il faut y passer. » Il a toutefois tenu à rassurer en annonçant une mesure d'accompagnement importante : « On a demandé à l'administration fiscale d'être pendant trois mois vraiment plutôt dans l'accompagnement que dans la sanction. » Cette période de tolérance vise à permettre aux entreprises de bonne foi de finaliser leur mise en conformité.
Au-delà des réformes nationales, un sujet majeur a émergé : la consolidation du marché des technologies professionnelles par des acteurs non-européens. Pour le ministre, cette situation est le « reflet d'une forme de naïveté européenne ». Pendant des années, la politique de la concurrence a freiné l'émergence de champions continentaux. « On a empêché le développement de champions en Europe. Aujourd'hui, on s'en mord les doigts parce que ces champions ont simplement été rachetés par les étrangers », a-t-il déploré.
Un changement de paradigme s'amorce à Bruxelles, mais ce sera « un travail de longue haleine ». Le ministre a assuré porter cette voix au sein des Conseils européens pour « remettre le soutien aux entreprises comme étant la vraie priorité de cette Europe ».
Au fil de l'entretien, un message est revenu avec insistance : l'expert-comptable est un partenaire incontournable de la réussite de ces réformes.
Cet échange dense et transparent avec le ministre David Clarinval a permis de dépasser la simple annonce des mesures pour en comprendre la genèse politique et la portée stratégique. En replaçant chaque décision dans le cadre d'un équilibre global – entre réformes, dépenses et nouvelles taxes –, il a offert aux professionnels du chiffre une grille de lecture indispensable. La qualité des informations partagées démontre l'importance de ces moments de dialogue pour notre profession. Pour comprendre l'ensemble des dynamiques à l'œuvre, il est essentiel de suivre la totalité des émissions proposées par oFFFcourse, qui offrent un décryptage indispensable des transformations qui façonnent notre avenir.