Droit de consulter les documents administratifs : modalités ?

En Belgique, la Constitution garantit aux citoyens le droit de consulter chaque document administratif pertinent et de s’en faire remettre une copie, sauf dans le cadre d’exceptions prévues par la loi.

La loi du 11 avril 1994 sur la publicité de l’administration consacre ce principe et le modalise.

Diverses exceptions au principe de la communication des documents administratifs sont instituées à l’article 6 de la loi :

  1. La sécurité de la population ;
  2. Les libertés et droits fondamentaux des administrés ;
  3. Les relations internationales fédérales de la Belgique ;
  4. L’ordre public, la sûreté ou la défense nationales ;
  5. La recherche ou la poursuite de faits punissables ;
  6. Un intérêt économique ou financier fédéral, la monnaie ou le crédit public ;
  7. Le caractère par nature confidentiel des informations d’entreprise ou de fabrication communiquées à l’instance ;
  8. Le secret de l’identité de la personne qui a communiqué le document ou l’information à l’instance administrative à titre confidentiel pour dénoncer un fait punissable ou supposé tel ;
  9. La protection des données à caractère personnel, lors des traitements effectués dans le cadre du titre 2 de la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel.

Dans un cas soumis au Conseil d’État, un contribuable avait fait l’objet de pas moins de 27 contrôles fiscaux, pendants devant les juridictions de fond. Du côté du fisc, ces dossiers étaient traités par l’Inspection Spéciale des Impôts (« ISI »).

Le contribuable fut également contrôlé pour les exercices d’imposition 2019 – 2020. Ce dernier a, dès lors, demandé au fonctionnaire compétent les motifs sur lesquels étaient basés ledit contrôle fiscal, qui ne pouvait pas avoir eu lieu par coïncidence au vu des nombreuses procédures en cours.

Le fonctionnaire a indiqué que le contribuable avait été choisi au hasard, sur la base d’un indicateur interne à l’administration, sans plus d’explications.

Le conseil du contribuable a, par conséquent, demandé au supérieur hiérarchique du fonctionnaire de lui communiquer lesdits indicateurs internes à l’administration justifiant les raisons d’un contrôle fiscal, ainsi que les correspondances avec l’ISI. Cette demande était précisément basée sur la loi du 1 avril 1994 relative à la publicité de l’administration.

Un refus fut opposé une nouvelle fois, sur la base de l’intérêt « économique ou financier fédéral » : si l’administration explique au contribuable quels sont les indicateurs poussant à réaliser un contrôle, alors le contribuable adaptera son comportement conformément aux indicateurs en question afin de passer sous le radar et éviter des contrôles fiscaux, il en résulterait une perte de recettes fiscales pour la Belgique. Par ailleurs, l’administration aurait le droit de contrôler tout un chacun, qu’il respecte la loi fiscale ou non.

La cause fut portée devant le Conseil d’État, qui décide que :

  • La publicité de l’administration est la règle, le refus est l’exception ;
  • Les motifs de refus doivent être interprétés restrictivement ;
  • Le refus basé sur intérêt économique financier ou fédéral doit être justifié in concreto, sur la base du dossier du contribuable. L’administration ne peut pas se baser sur des considérations abstraites pour opposer un refus.
  • En l’espèce, l’administration s’est illégalement basée sur des motifs abstraits et généraux afin d’opposer un refus au contribuable.

En conséquence, la décision de refus fut annulée par le Conseil d’État.

Que peut-on en retenir ?

Il arrive que l’administration fiscale réalise plusieurs contrôles dans le chef d’un même contribuable.

Par exemple, l’administration contrôlera l’application du taux de TVA à des travaux immobiliers en prétextant contrôler l’assujetti d’une part, et d’autre part, elle reviendra moins d’un an et demi plus tard afin de contrôler le taux de TVA applicable aux mêmes travaux immobiliers mais dans le but de « contrôler le bâtiment en tant que tel ».

Ces contrôles « aléatoires » sont basés sur des indicateurs, des critères internes à l’administration fiscale.

Sur la base de cette jurisprudence du Conseil d’État, les contribuables ont le droit de requérir de l’administration fiscale la production de tout document lié à leur situation fiscale, y compris les indicateurs internes à l’administration justifiant les raisons du contrôle dans leur chef.

L’administration fiscale ne peut pas s’y opposer, à moins de justifier d’un motif de refus tel qu’évoqué à l’article 6 de la loi sur la publicité de l’administration, et pour autant que ce motif soit concrètement motivé en fonction des circonstances propres au contribuable concerné.

Une motivation abstraite et standardisée ne peut en aucun cas justifier un refus.

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Cabinet d’avocats Aurélie Soldai – Avocats au Barreau du Brabant Wallon – Experts en TVA

Source : Arrêt du Conseil d’État du 23.04.2024 (n° 259.601).

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