Droit de rétractation : ne pas informer le consommateur expose le professionnel à de très lourdes conséquences

Le consommateur est exonéré de toute obligation de paiement s’il se rétracte d’un contrat de service, conclu hors établissement, même si ce contrat a déjà été exécuté. Tant pis pour le professionnel qui aura de la sorte « offert » l’objet du contrat au consommateur : il doit assumer les coûts qu’il a encourus en raison de l’exécution du contrat pendant le délai de rétractation.

Le cadre juridique

L’article 6 de la directive 2011/83, intitulé « Obligations d’information concernant les contrats à distance et les contrats hors établissement », dispose, à son paragraphe 1 :

« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type, le professionnel lui fournit, sous une forme claire et compréhensible, les informations suivantes : […]

h) lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit conformément à l’article 11, paragraphe 1, ainsi que le modèle de formulaire de rétractation figurant à l’annexe I, point B ; […]

En substance, le système fonctionne donc comme suit :

  • Le consommateur dispose d’un droit de rétraction (en principe 14 jours) pour les contrats conclus à distance et les contrats conclus hors établissement (sauf les exceptions prévues) ;
  • Le professionnel doit informer le consommateur de ce droit et de ses modalités d’exercice, avant que ce dernier ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type ;
  • Hypothèse 1 : le concommateur a été averti de son droit de rétraction. Un consommateur qui exerce son droit de rétractation après avoir demandé au professionnel concerné d’exécuter un contrat hors établissement, pendant le délai de rétractation de 14 jours, doit payer à ce professionnel un montant prorata (une proportion entre ce qui a déjà été fourni par rapport à l’ensemble prévu) ;
  • Hypothèse 2 : le professionnel n’a pas informé le consommateur de son droit de rétraction. Ce consommateur n’est redevable d’aucun coût pour les services qui lui sont fournis, en tout ou en partie, pendant le délai de rétractation (qui est de surcroit prolongé d’un an).

Les faits

Un consommateur avait conclu avec une entreprise un contrat de service portant sur la rénovation de l’installation électrique de sa maison.

L’entreprise avait manqué de l’informer du droit de rétractation dont il dispose, en principe, pendant 14 jours en raison du fait que le contrat a été conclu en dehors de l’établissement commercial de l’entreprise.

Après avoir exécuté le contrat, l’entreprise a présenté au consommateur la facture afférente.

Ce dernier ne l’a pas réglée, mais s’est rétracté du contrat. Il fait valoir qu’en raison du manquement de l’entreprise à l’informer de son droit de rétractation et du fait que les travaux avaient été effectués avant la fin du délai de rétractation (qui se rallonge, en cas d’un tel manquement, d’un an), l’entreprise ne disposait d’aucun droit au paiement du prix.

Le consommateur s’en sort donc bien : son installation est rénovée … gratuitement.

Le juge allemand s’interroge : la sévérité de la sanction n’est-elle pas contraire au principe général du droit de l’Union interdisant l’enrichissement sans cause ?

L’arrêt rendu

Par son arrêt de ce jour, la Cour répond qu’un consommateur est exonéré de toute obligation de payer les prestations fournies en exécution d’un contrat de service hors établissement, lorsque le professionnel concerné ne l’a pas informé de son droit de rétractation et que ce consommateur a exercé son droit de rétractation après l’exécution de ce contrat.

Le droit de rétractation vise à protéger le consommateur dans le contexte particulier de la conclusion d’un contrat hors établissement. En effet, dans ce contexte, le consommateur peut davantage être soumis à une pression psychologique ou être confronté à un élément de surprise. Dès lors, l’information relative au droit de rétractation revêt une importance fondamentale pour le consommateur qui lui permet de prendre, de manière éclairée, la décision de conclure ou non le contrat.

Concernant la question de la plus-value ainsi acquise par le consommateur et de l’interdiction de l’enrichissement sans cause, la Cour rappelle que la directive a pour objectif d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs. Or, cet objectif serait compromis si on permettait qu’un consommateur, à la suite de sa rétractation d’un contrat de service conclu hors établissement, puisse encourir des coûts qui ne sont pas expressément prévus par la directive.

>>> Arrêt disponible en annexe.


Source : Ulys, Droits et technologies, actualités, mai 2023

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