Contrairement aux précédentes révolutions industrielles (celles de la machine à vapeur, du pétrole, de l'électricité et du nucléaire), celle de l'intelligence artificielle est instantanée et mondialisée. De surcroît, elle n'est pas mise en œuvre dans un contexte concurrentiel, mais oligopolistique, d'où sa domination capitaliste.
Et quel est, à mes yeux, l'un des dangers, outre ses dérives économiques et politiques ? L'effondrement inévitable des connaissances et des apprentissages, tels que nous les avons bâtis. Car nous ne sommes qu'au début de cette révolution. Tout doit encore arriver, à commencer par des systèmes inductifs, d'une puissance inconnue et un jour amplifiée, de manière presque infinie par les ordinateurs quantiques.
Ce jour-là, tout sera bouleversé. Tout sera bouleversé, car nos cerveaux sembleront de faibles dispositifs par rapport aux capacités infinies de l'intelligence artificielle. La valeur de nombreux diplômes sera réduite à néant, à commencer par ceux qui relèvent des sciences exactes et ensuite par ceux des sciences humaines. Nous deviendrons alors des appendices des machines.
C'est l'intelligence artificielle qui fera de nous des attributs chétifs.
Nos histoires individuelles et collectives seront réécrites, nos présents délégués, et nos futurs déterministes.
L'ancrage du temps disparaîtra et, pour des raisons obscures et intuitives, je pense que nous pourrions devenir des êtres amnésiques et, bien sûr, manipulés.
La première victime pourrait en être la divinité. Ou plutôt, l'intelligence artificielle deviendra une fluente divinité. Et même si cette divinité ne peut pas se substituer à la spiritualité et à l'intériorité (pour autant que nous en soyons encore maîtres), nos choix seront conditionnés par la machine.