Jurisprudence : une demande de licenciement manifestement déraisonnable se prescrit dans le délai d’un an!

Tout le monde n’a pas suivi cette saga jurisprudentielle, qui était des plus intéressantes.

Comme vous le savez, le 12 février 2014 est apparue la Convention Collective de Travail n°109 concernant la motivation du licenciement (CCT 109).

Cette CCT permet de condamner les employeurs au paiement d’une indemnité allant de 3 à 17 semaines lorsque le licenciement est considéré comme « manifestement déraisonnable ». Les partenaires sociaux et le législateur ont ainsi décidé de sanctionner les licenciements arbitraires, sur une base légale autre que l’abus de droit et l’article 1382 du Code civil.

S’est donc posé la question de la prescription.

En effet, une infraction à une convention collective de travail est sanctionnée par l’article 189 alinéa 1 du Code pénal social (sanction de niveau 1). L’action civile résultant d’une infraction est prescrite, dans ce cas, après 5 années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise (article 26 du titre préliminaire du Code de procédure civile).

Or l’article 15 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail prévoit un délai de prescription d’1 an après la cessation du contrat de travail.

Certains argumentaient donc que la demande d’indemnisation sur base d’un licenciement manifestement déraisonnable se prescrivait par 5 ans (et non 1 an) en se basant sur la prescription prévue pour les infractions à des conventions collectives de travail.

La Cour de cassation s’est prononcée sur cette question le 20 décembre 2021 et a définitivement tranché ce débat de manière purement légaliste :

« 6. Il résulte des dispositions de la CCT n° 109 que cette dernière ne comporte pas, en tant que telle, d’interdiction du licenciement manifestement déraisonnable et que l'employeur ne se rend coupable de ne pas verser l'indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable prévue par la CCT n° 109 ou de ne pas la verser intégralement qu'après que le juge a considéré, à la demande du travailleur licencié, que le licenciement est manifestement déraisonnable et a, pour ce motif, accordé au travailleur une indemnisation appropriée correspondant au minimum à 3 et au maximum à 17 semaines de rémunération.
7. Par conséquent, le travailleur qui fait valoir qu'il a été licencié de manière manifestement déraisonnable et demande pour ce motif l'octroi d'une indemnisation dans le cadre de l’article 9 § 2, de la CCT n° 109 n'intente pas une action en violation de la CCT n° 109, mais se borne à demander l'application de cette convention collective, de sorte que la demande en question n'est pas fondée sur l'article 189 précité du Code pénal social. » (Cass, 20 décembre 2021, S.20.0019.N, www.jurportal.be)

Par conséquent, c’est bien le délai de prescription d’un an qui s’applique pour toute demande fondée sur la CCT 109 !

Néanmoins, nous pouvons nous questionner sur la validité du raisonnement de la Cour de cassation indiquant qu’il n’y a pas, en tant que tel, une interdiction de licencier de manière manifestement déraisonnable alors qu’il existe une sanction dissuasive assez conséquente pour les employeurs…

La solution de la Cour de cassation semble en tout état de cause la plus pragmatique : toutes les questions relatives à la fin du contrat doivent être soulevées dans le même délai de prescription, sauf infraction pénale spécifique.

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