Depuis des mois, j’entends, dans divers milieux et classes sociales, un sentiment d’irritation face à la manière dont la Belgique est organisée. Pourtant, malgré de grandes différences entre les strates sociales, nous disposons d’un des revenus par habitant les plus élevés du monde, d’un système médical et éducatif admiré, et d’une productivité remarquable. Alors, ce malaise, qui se transforme en exaspération chez certains (beaucoup ne voyant pas d’avenir pour leurs enfants en Belgique, ce qui témoigne d’une défiance sociétale), est-il un caprice de riches ? Je ne le crois pas. Le basculement politique récent est d’ailleurs l’illustration qu’une nouvelle manière de penser et d’agir est attendue, comme si une césure avec une génération de responsables politiques devenait inévitable. Ces changements, au fond, surviennent tous les 25 ans : c’est le cycle naturel de la vie politique.
La Belgique a un système politique complexe, qui génère des dynamiques centrifuges et qui, surtout, peine à résoudre lucidement ses problèmes pour définir un véritable projet de société. Car il n’y a pas de projet de société : simplement une adaptation sous contrainte aux circonstances.
Nous avons perdu notre rayonnement, et même notre majesté, en nous enfermant dans des débats accessoires, bons tout au plus pour alimenter des conversations frivoles. Nous refusons de regarder en face les inégalités sociales, les problèmes de logement, les réalités énergétiques, le manque d’investissement dans tant de domaines qu’il serait impossible de les énumérer tous, les déficits budgétaires, les difficultés logistiques, et, au fond, l’idée même de nous réinventer.
Nous avons même oublié l’esprit de notre Constitution, qui repose sur le parlementarisme, pour sombrer dans une particratie opaque. Nous avons aussi trahi le message que les pères fondateurs de notre pays nous ont légué : l’union fait la force.
Mais que pourrait contenir ce projet de société ? Je dirais qu’il devrait être centré sur une réhabilitation de la coopération. Je devrais plutôt parler de l’envie de créer un avenir commun dans la justice sociale.
Ensuite, une exigence de gouvernance. Toutes les décisions politiques devraient être exposées publiquement, dans la complexité de leurs choix et, surtout, de leurs conséquences. . Chaque décision politique importante devrait donc être accompagnée d’une consultation publique, permettant de responsabiliser les décideurs. Il ne s’agit pas d’évaluer la politique sur TikTok, mais sur des faits, des compétences, et des confrontations argumentées.
Bien sûr, ce que j’écris peut paraître utopique. Et pourtant, c’est l’absence de mesures et de perspectives à long terme qui conduit à des choix sous-optimaux ert qui ramène la Belgique plus bas. Ce type de démarche permettrait, et même exigerait, d’associer toutes les forces vives — bras et cerveaux — de ceux qui veulent participer à la chose publique à la construction d’un avenir meilleur.