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La chronique. Plus-values sur actions et évaluation des parts de PME.

Votre ordre préféré pense à vous. Chaque semaine, vous aurez désormais droit en exclusivité à une petite chronique centrée sur l’actualité et le contentieux fiscal. Une manière agréable et didactique de démarrer la semaine, de s’informer et d’informer vos clients si vous le souhaitez.

Elle n’est pas belle, la vie …


Plus-values sur actions et évaluation des parts de PME : Bienvenue en absurdie

C’est maintenant une quasi-certitude : dès le moment où un actionnaire réalisera une plus-value sur les parts qu'il détient en PME à compter du 1 janvier 2026, il sera taxé au taux de 10%.

Cette nouvelle mesure qui vise plus généralement les plus-values réalisées sur l'ensemble des actifs financiers définis de la manière la plus large qui soit pose la question de l'évaluation des parts de PME.

Selon le projet de loi, il faudra, pour déterminer l'assiette de la plus-value qui sera soumise à une taxation de 10% (sauf les exonérations prévues), procéder à l’évaluation des actifs concernés au 31 décembre 2025, sauf si l'actif et notamment les parts ont été acquises à un prix plus élevé que leur valeur au 31 décembre 2025.

Seule l’augmentation de la valeur de ces actions par rapport à cette valeur de référence formera l’assiette de la plus-value

S’il s’agit d’un actif financier coté, son évaluation objective ne pose aucun problème.

Mais la quasi-totalité des PME qui forment l’essentiel de notre tissu économique ne le sont pas.

Le projet du législateur prévoit par défaut une évaluation de ces parts au 31 décembre 2025 sur base des fonds propres de la société concernée auxquels il faut ajouter 4 fois l’EBITDA, ce qui n'est pas sans poser de nombreuses questions.

En effet, il sera possible de s'écarter de cette évaluation par défaut en faisant procéder à une évaluation par un réviseur ou un expert-comptable externe lorsque la valeur économique de la société divergera notablement de cette notion retenue par défaut.

Il n'est toutefois pas douteux que dès le moment où on s'en écartera, il faudra s'attendre à de sérieuses discussions, voire à de nombreux litiges avec l'administration fiscale.

Or la définition même de cette évaluation ne reflétera que très rarement la valeur économique réelle des parts concernées.

Ainsi, il n'est absolument pas prévu d'intégrer dans l'évaluation une correction du bilan pour tenir compte des plus-values latentes, de l'importance ou de la faiblesse de la rémunération du management, de sorte que les cas où une juste estimation économique de la valeur des parts s’écartera notablement de l'avis de la valeur retenue par défaut par le législateur seront légion.

Prenons un exemple simple : imaginons une start-up en pleine phase de développement. Elle aura de manière générale des fonds propres inexistants, voire négatifs et un EBITDA inexistant ou à tout le moins très faible.


Sur le papier, selon le législateur, elle ne vaut rien, et pourtant ce type de start-up est souvent racheté à des prix extrêmement importants en raison de leur potentiel de développement futur.

Par ailleurs une société donc le management perçoit des rémunérations importantes qui en plombent l’EBITDA verra sa valeur d'évaluation fortement diminuée alors que traditionnellement, lorsque ce type de parts fait l’objet d’une cession, on corrige la valorisation en tenant compte d'une rémunération normale pour les dirigeants.

On peut donc souhaiter qu’à l'occasion des prochaines discussions préalables à l'adoption du texte définitif, ce problème soit clairement mis sur le tapis, l'ensemble de la profession considérant effectivement que la méthode retenue est totalement contestable et que le législateur ne l'a adoptée que de manière irréfléchie ou sans en mesurer les conséquences pratiques.

Il paraît de bon compte de déterminer une valeur de principe qui serait basée sur une juste évaluation économique des parts elle-même fondée sur le rapport d'un expert-comptable ou d'un réviseur externe.

Notons sur ce point que l’ITAA a a expressément averti ses membres que pour des raisons d'indépendance, l'expert-comptable d'une société ne peut procéder lui-même à cette évaluation.

On peut s'étonner de cette attitude, qui revient à mettre systématiquement en cause l'indépendance de l'expert-comptable de la société, ce qui n'est pas acceptable sur le plan des principes et revient à priver celui qui, qui somme toute, connaît le mieux la société de la possibilité de procéder à son évaluation. Mais rien ne l’empêche d’y participer en assistant un confrère …

Par ailleurs, je ne peux que conseiller à l'ensemble des actionnaires et sociétés concernées (il y en a près de 600.000 en Belgique) de faire procéder de manière objective et in tempore non suspecto à l'évaluation de leurs parts à une date rapprochée par rapport au 31 décembre 2025

Elle sera toujours nettement plus défendable qu'une évaluation qui serait pratiquée plusieurs années après, à la va-vite, au moment où ces parts feraient l'objet d'une cession entre actionnaires ou à des tiers.

Enfin, puisqu'il faut effectivement réaliser ce travail, autant qu'il serve à quelque chose.

Il peut en effet être extrêmement opportun pour une société et ses actionnaires de se prémunir d'un certain nombre d'accidents de la vie et notamment du décès inopiné d'un actionnaire important cumulant souvent cette qualité d'actionnaire avec celle de dirigeants de la société

Lorsque ce type de situation arrive, les problèmes sont en effet multiples : d'une part le ou les actionnaires restants se retrouvent associés avec les héritiers de l'actionnaire et dirigeant défunt, ce qui en général n'est ni confortable ni souhaitable, et, d'autre part cela conduit à des conflits et à des litiges portant d’abord sur le principe même de la cession des parts et ensuite sur leur évaluation.

Or, il est tout à fait possible de prendre les devants en insérant par exemple dans les statuts des clauses dans lesquelles le décès inopiné dans l'associé est assimilé à sa démission, la société rachetant dans cette hypothèse les parts de l’actionnaire décédé.

Lorsqu’on couple ces dispositions avec une valeur objective de la part déterminée chaque année par assemblée générale et s’imposant à tous en cas de décès, on peut aboutir à ce que le principe même de la cession ne soit pas discutable et le prix non plus.

Cela simplifie notablement ce type de situation, déjà pénible sur le plan humain.

On peut même parfaire le dossier en faisant souscrire par la société un contrat d'assurance sur la tête du ou des actionnaires et dirigeants de référence de sorte que la société perçoive un capital lui fournissant la trésorerie permettant de racheter les parts aux héritiers de l'actionnaire décédé.

On a ainsi résolu de manière simple et préventive des problèmes qui, si personne n'y a pensé préalablement, ne peuvent que générer des conflits sans fin qui ne sont bénéfiques que pour les avocats qui les gèrent.

A bon entendeur …

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