La Directive ATAD 3 : un projet qui met (notamment) les holdings patrimoniales en danger

La Commission Européenne a déposé une proposition de Directive qui doit faire réfléchir les actionnaires de sociétés avec une trop faible substance : la proposition de Directive ATAD 3 (Anti-Tax Avoidance 3), soumise actuellement à l’examen des Etats Membres, devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2024 (proposition de Directive 2021/0434).

Cette Directive en projet vise à mettre fin, au sein de l’Union Européenne, à l’utilisation abusive d’entités écrans à des fins fiscales inappropriées lorsque ces entités ont une activité ou des actifs transfrontaliers.

La sanction prévue par la Directive est assez radicale : il s’agit d’abord, dans les Etats Membres où elles sont constituées, de priver les entités avec peu de substance du bénéfice des conventions préventives de double imposition et des directives européennes ; il s’agira ensuite, dans les Etats Membres où les actionnaires sont résidents, de taxer ceux-ci en transparence comme s’ils avaient perçu directement les revenus des entités visées.

Quelles sont les entités concernées ?

Sont concernées les sociétés et structures qui peuvent être considérées comme résidentes d'un État membre à des fins fiscales mais qui, en réalité, n'ont pas ou peu d'activité économique. De même, certains particuliers peuvent utiliser des sociétés sans substance (qualifiées de sociétés « coquilles vides ») pour soustraire des actifs – notamment immobiliers – à l'impôt, soit dans leur pays de résidence, soit dans le pays où se situe le bien.

Sont potentiellement visés : les holdings familiaux de type Soparfi luxembourgeoises, les holdings intermédiaires, les sociétés détenant des crypto-actifs (mais non les prestataires de services dédiés aux crypto-actifs), les sociétés interposées par des fonds de private equity ou des fonds immobiliers.

Trois critères déterminants pour être « à risque » :

Pour déterminer si l’on est en présence d’une société à risque, la proposition de Directive introduit tout d’abord trois « critères déterminants » qui sont les suivants :

  • Critère relatif à l’origine des revenus : plus de 75% des revenus de l’entité sont des « revenus passifs » ;
  • Critère relatif à l’activité transfrontalière : plus de 60% des revenus proviennent d’activités transfrontalières ou plus de 60% du patrimoine est situé en dehors de l’Etat Membre l’entité ;
  • Critère relatif à l’administration de l’entité qui est externalisée : soit la gestion est confiée à un tiers (prestataire de services aux sociétés), soit l’entité compte moins de 5 salariés à temps plein consacré aux activités générant les revenus.

Si une entité rencontre cumulativement ces trois critères déterminants, elle sera considérée comme « à risque ».

Un test de substance pour les « entités à risque » :

La proposition de directive introduit une obligation de déclaration pour l’entité « à risque » qui devra chaque année communiquer des informations supplémentaires aux autorités fiscales au moyen de sa déclaration fiscale.

Ces informations constituent un test de substance annuel qui portera sur les éléments suivants :

  • Disposition de locaux à usage exclusif ;
  • Disposition d’un compte bancaire actif dans l’Union Européenne ;
  • Existence soit d’au moins un dirigeant qualifié qui prend régulièrement des décisions relatives aux activités générant des revenus et qui est résident (ou frontalier) de l’Etat de la société sans être salarié ou dirigeant de sociétés non liées ; soit existence de salariés qualifiés en équivalent temps plein qui sont résidents du même État membre que l'entité ou résident à proximité de l’entité.

Une société « à risque » qui pourra répondre positivement au test de substance ci-avant sera présumée posséder une substance suffisante pour l’année fiscale visée par la déclaration. Dans le cas contraire, l’entité à risque sera présumée être une société écran.

L’entité présumée « société écran » pourra renverser la présomption de non-substance en fournissant des éléments complémentaires d’appréciation portant notamment sur les motifs économiques (et non fiscaux) de son existence, la preuve (par des documents concrets) du caractère local des prises de décisions, profil et qualification des salariés : autant d’éléments qui démontrent que les activités qui ont généré les bénéfices de l’entité ont effectivement et concrètement été contrôlées par elle au départ du siège et que l’entité en a supporté les risques.

Clause de sauvegarde : exemption possible

Pour les entités qui n’auraient pas passé le test de substance, la proposition de Directive prévoit la possibilité pour les Etat Membres d’allouer aux entités qui le demandent une exemption (valable pour une durée maximum de 5 ans) si l’entité peut démontrer qu’elle ne permet aucune réduction de la charge fiscale des bénéficiaires effectifs de l’entité ou de celle du groupe auquel elle est intégrée.

Qu’en penser ?

Si la Directive a vocation à entrer en vigueur au 1er janvier 2024, il convient d’y prêter attention dès aujourd’hui car le texte prévoit que la première période de référence pour vérifier certaines conditions de substance prendra cours le 1er janvier 2022.

Des solutions existent, notamment le renforcement de la substance de la société visée, la restructuration du groupe auquel l’entité appartient ou encore le transfert de siège de la société concernée.

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