La fin des DLU & les rapatriements de fonds : le point sur la situation!

Ces dernières années, les contribuables détenant des avoirs mobiliers à l’étranger (comptes bancaires, contrats d’assurance, parts de sicav, etc.) expérimentent de plus en plus souvent les affres de la législation préventive du blanchiment à laquelle les institutions financières sont pourtant assujetties depuis 1993. En effet, nul individu concerné n’ignore encore que le rapatriement de fonds depuis l’étranger n’est pas une sinécure, compte tenu de la vigilance accrue dont font preuve les établissements financiers lorsque ce type d’opération est envisagé.

Certes, le cadre légal en matière de prévention du blanchiment n’a cessé de s’étoffer ces dernières années sous l'impulsion européenne. Toutefois, c’est la pression exercée par les autorités publiques, notamment les autorités de contrôle de ces établissements financiers, que sont la FSMA et la Banque Nationale de Belgique (« BNB »), - qui ont intensifié et multiplié depuis quelques années leurs contrôles - qui explique, à notre sens, la rigueur des banques à cet égard.



Cet article est publié dans le cadre du Tax TV Show du 3 octobre 2023


A juste titre ?

1. Les règles imposées aux institutions financières en matière de prévention du blanchiment

Le mécanisme préventif du blanchiment a été créé par la Directive européenne du 10 juin 1991 couramment dénommée « AML 1 » (pour Anti Money Laundering).

Le but ?

Mettre en œuvre un système « coopératif » imposant aux acteurs du secteur financier (dans un premier temps) d’identifier et de signaler aux autorités des opérations pouvant constituer des actes de blanchiment

Pourquoi ?

Le législateur européen était parti de quatre constats :

  • 1er constat : il faut lutter plus efficacement contre le blanchiment des capitaux issus d’activités criminelles.
  • 2ème constat : le marché européen et la libre circulation des capitaux sur lequel il repose implique la nécessité d’une réponse communautaire.
  • 3ème constat : le système pénal classique (répressif) ne permet pas à lui seul de lutter efficacement contre le blanchiment d’argent ; il faut un système « préventif » pour empêcher que les criminels concrétisent le blanchiment de leurs fonds illicites
  • 4ème constat : le secteur financier est bien placé pour réaliser cet examen préventif
  • Sur le plan préventif, quatre nouvelles directives sont depuis lors venues modifier le dispositif et une sixième est en cours de préparation.

Les cinq premières directives (AML 1, 2, 3, 4 et 5) ont été transposées en droit belge. Actuellement, le régime est contenu dans la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces.

Le système préventif se fonde sur une approche basée sur les risques, laquelle nécessite une évaluation à deux niveaux : (i) une évaluation au niveau global de l’institution financière qui doit pouvoir identifier, en fonction de ses activités, les risques auxquels elle est exposée et (ii) une évaluation individuelle de chaque client qui permet de lui attribuer un profil de risque et, sur cette base, de correctement monitorer, avec la « vigilance » adéquate, la relation et les opérations effectuées par ce client.

En effet, selon le profil assigné (faible, moyen ou élevé), différents niveaux de règles de vigilance s’appliquent, lesquelles se déclinent en plusieurs obligations :

  • Identification et vérification de l’identité des clients, mandataires et bénéficiaires effectifs ;
  • Conservation des documents relatifs à l’identification et aux opérations effectuées ;
  • Exercice d’une vigilance constante à l’égard des relations d’affaires avec les clients et des transactions conclues tant avec les clients réguliers qu’occasionnels ;
  • Attention particulière et analyse des opérations atypiques des clients afin de déterminer si elles sont entachées de soupçons de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

Lorsque la banque, dans le cadre de son analyse de risques, détecte des fonds, opérations ou faits suspects, elle est tenue de les dénoncer à la Cellule de Traitement des Informations Financières (« CTIF ») qui, elle, déterminera les opérations qu’il convient, le cas échéant, de dénoncer au Parquet et qui pourront faire l’objet d’une éventuelle enquête pénale.

Le rôle de la CTIF

La CTIF joue le rôle de filtre entre les assujettis qui dénoncent les opérations dont ils sont témoins et le Parquet, qui, le cas échéant, enquêtera et poursuivra les auteurs de ces opérations.

Dans le cadre de ses missions, elle identifie donc, sur la base des informations qui lui sont communiquées via les déclarations de soupçons des assujettis, des schémas criminels en lien avec le blanchiment du produit d’infractions.

Toutes les « infractions » ?

Non. À l’origine, le système préventif est conçu pour lutter contre la criminalité la plus grave, telle que les infractions liées au terrorisme ou au financement du terrorisme, à la criminalité organisée, au trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, au trafic illicite de biens, de marchandises et d'armes, au trafic d'êtres humains, etc.,

et à la fraude fiscale grave, organisée ou non.

La loi n’exige toutefois pas de la banque, lorsqu’elle est animée d’un soupçon, qu’elle identifie l’infraction primaire éventuellement commise par le client. Par conséquent :

- La banque n’est tenue qu’à un examen, certes rigoureux, mais raisonnable de l’origine des fonds ;

- Le client ne doit pas prouver positivement l’origine licite de ses fonds.

Suivant la loi, les obligations imposées à la banque sont donc (i) de collecter suffisamment d’informations pour avoir une idée claire du client, de ses activités et de son état de fortune (son profil), (ii) de vérifier si l’opération est ou non conforme à ce profil et (iii) d’examiner si l’on peut raisonnablement supposer que les fonds ont ou non une origine licite.

En Belgique, si la procédure a été remodelée par la loi de 2017 et que les obligations ont été précisées, celles-ci n’en sont pour autant pas neuves et existent, en substance, depuis la loi de 1993 qui a transposé la Directive AML1.


2. Pourquoi les banques font-elles alors désormais de tels contrôles en cas de rapatriements de fonds depuis l’étranger ?

a. La grande période des DLU, DLUbis et DLUter​​

Pour bien comprendre, il convient de jeter un œil dans le rétroviseur.

Par le passé, de nombreux Belges ont transféré leurs avoirs - souvent licites - vers des places financières étrangères, à une époque où le secret bancaire était encore bien gardé. L’objectif était généralement de soustraire ces fonds à l’impôt belge (précompte mobilier dû sur les revenus générés et/ou droits de succession). Une partie de ces fonds, « blancs » à l’origine, ont été mélangés avec les revenus non déclarés générés et sont ainsi devenus « gris ».

Depuis 2003 ([1]), inspirées par des procédures mises en place en Irlande et en Italie, plusieurs initiatives législatives (DLUs) ont été menées par les gouvernements successifs permettant aux Belges de s’amender, sur une base volontaire.

Le but ?
Inciter les contribuables à rapatrier ces capitaux en Belgique, afin que ces capitaux puissent être réinjectés licitement dans notre économie.

Entre 2004 et juillet 2013, la DLU et la DLUbis ont permis aux contribuables belges d'obtenir une immunité fiscale et pénale (et donc de rapatrier des fonds) moyennant le paiement d’un prélèvement sur les seuls revenus non prescrits, pour un coût donc moins élevé que si l’impôt avait été prélevé chaque année.

Parmi les conditions à remplir, l’une d’entre elles attirait particulièrement l’attention : l’infraction primaire entachant les fonds ne pouvait consister en une fraude fiscale grave et organisée (ou d’autres infractions graves telles que la traite d’êtres humains, la piraterie, le terrorisme, etc.). Suivant les travaux préparatoires de ces DLUs, cette immunité portait tant sur les revenus régularisés que sur les « capitaux sous-jacents ». Elle s’étendait en outre tant à l’auteur de l’infraction qu’à l’institution financière qui recevrait ensuite ces fonds régularisés.

Mais qu’est-ce que la fraude fiscale grave ?

No lo sé… le législateur n’a jamais souhaité définir clairement ce terme…

… Et c’est bien là que se situe une partie du problème.

Entre juillet et décembre 2013, la DLUter a fait son apparition et a permis de régulariser des fonds issus d’une fraude fiscale grave et organisée. Pour ces cas spécifiques, les contribuables devaient alors, outre les revenus non prescrits, régulariser le capital (qui lui était, par définition, prescrit sur le plan fiscal).

A l’époque, les effets voulus et donnés par ces DLUs étaient clairs : l’immunité fiscale et pénale accordée portait sur l’ensemble des fonds. Tant les banques que la doctrine autorisée l’avaient ainsi compris. Les rapatriements de fonds suivant une DLU ne posaient donc pas de difficultés majeures.


Qu’est ce qui a changé ?

b. L’avènement de la DLUquater

Depuis 2016, sous le gouvernement Michel MR/N-VA, le législateur a renforcé les conditions d’obtention du précieux sésame : le prélèvement est calculé tant sur les revenus que sur les capitaux dont on ne peut pas démontrer qu’ils ont subi leur régime fiscal ordinaire, et ce, que la fraude sous-jacente soit grave ou non.

D’aucuns ont alors vu en celle-ci le moyen de revenir sur les DLUs du passé et ainsi réclamer aux contribuables s’étant déjà amendés, sous couvert de la lutte contre le blanchiment, de payer un prélèvement sur le capital. Il faut dire que les procédures précédentes de DLU ne faisaient pas l’unanimité. Certains ont, en effet, toujours considéré qu’elles permettaient aux fraudeurs de s’en tirer à trop bon compte.

Certaines autorités, majoritairement au nord du pays, ont ainsi développé la thèse selon laquelle les DLUs précédentes n’étaient que « partielles » en comparaison à la DLUquater qui, dès lors qu’elle implique un prélèvement sur les capitaux prescrits, serait « complète ».

Or, si les DLUs précédentes n’étaient que partielles, leurs effets le seraient également. Il en résulte, selon cette thèse, que l’immunité pénale et fiscale accordée à l’époque ne porterait que sur les revenus et capitaux sur lesquels le contribuable a effectivement payé un prélèvement.

En 2017, le ministre des Finances a également surfé sur cette vague indiquant par voie de presse que ses contrôleurs « inviteraient » les contribuables titulaires de comptes à l’étranger (révélés par le CRS) à procéder à une régularisation fiscale sous peine de dénonciation au Parquet (faisant fi de la base volontaire qu’elle nécessite et de son caractère a priori permanent à l’époque, soit avant le gouvernement Vivaldi). En février 2021, la Cour des comptes, elle aussi, a abondé dans ce sens, indiquant que les banques belges auraient permis de rapatrier près de 44,6 milliards « d’argent noir » dans le cadre des trois premières DLUs.

Com IR/92

DLU

Loi du 31.12.2003

01.01.2004-31.12.2004

DLUbis

Loi-programme du 27.12.2005

01.01.2006-14.07.2013

DLUter

Loi du 11.07.2013

15.07.2013-31.12.2013

DLUquater

Loi du 21.07.2016

01.08.2016-31.12.2023

- 3 dernières années

- Pas d’accroissement

- Fraude fiscale simple (FS)

- Procédure permanente

- Capitaux prescrits

- Amnistie :

· Fiscale

· Pénale

- Fraude fiscale simple (FS)

- Procédure permanente

- Capitaux prescrits

- Amnistie :

· Fiscale

· Pénale

- Fraude fiscale simple (FS)

- Fraude fiscale grave et organisée (FFG&O)

- Capitaux prescrits (première apparition : si FFG&O)

- Amnistie :

· Fiscale

· Pénale

- Fraude fiscale simple (FS)

- Fraude fiscale grave et organisée (FFG&O)

- Initialement permanente. Vivaldi : fin au 31.12.2023

- Capitaux prescrits : obligatoire

- Amnistie :

· Fiscale

· Pénale

Dernier élément et non des moindres, la Belgique a essuyé des remontrances du GAFI en 2015 en raison de défaillances dans le contrôle de l’application des procédures en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Les autorités de contrôle ont donc renforcé leurs contrôles.


c. Les banques ont toutes serré la vis mais certaines plus que d’autres … La BNB est récemment intervenue

Ce contexte d’incertitudes quant aux effets donnés aux DLUs, renforcé par les scandales des LuxLeaks, Panama Papers, etc., a conduit les banques, prises entre le marteau et l’enclume, à renforcer leur vigilance vis-à-vis de ces rapatriements de fonds. Certaines toutefois, encore plus que d’autres.

Une certaine concurrence s’est alors installée entre les établissements financiers, basée sur le degré d’exigence de ces établissements en matière de justification de l’origine des fonds.

Constatant cette dynamique, la BNB a publié, le 8 juin dernier, une circulaire n° 2021-12 à l’attention de ses assujettis, ayant un triple but :

1. apporter aux établissements financiers un certain nombre d’éclaircissements et de garanties quant au degré de vigilance attendu en cas de rapatriement de fonds depuis l’étranger ;

2. créer des conditions de concurrence équitables entre les banques et ainsi éviter un forum shopping qui serait basé sur le degré de sévérité de ces institutions vis-à-vis de leurs propres obligations de vigilance ;

3. mettre en place un audit des procédures internes et du respect de ces procédures au sein des banques sur la base d’un échantillon de dossiers de rapatriement acceptés dans le passé.

Bien que s’agissant d’une circulaire, qui n’a donc pas force de loi, celle-ci aura une influence importante sur la manière dont les rapatriements seront traités en Belgique. En réalité, elle n’apporte pas beaucoup de nouveautés mais cristallise une pratique déjà bien en place.


> Vous n’avez pas encore rapatrié : à quoi vous attendre ?

Dans cette circulaire, la BNB rappelle tout d’abord, à juste titre, qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur des questions d’ordre fiscal ou pénal. Elle rappelle également que la Belgique est liée par les traités européens qui garantissent la libre circulation des capitaux … dont acte.

Le problème, c’est qu’il était compliqué d’apporter les « éclaircissement et garanties » promises sans se prononcer sur le sort à réserver aux fonds régularisés, et donc, indirectement, se prononcer sur des questions d’ordre fiscal…

Ainsi, la BNB semble confirmer la position selon laquelle les trois premières DLUs n’étaient que partielles, thèse sur laquelle il n’existe pourtant ni jurisprudence, ni consensus.

Elle s’aventure même à qualifier certains comportements de fraude fiscale grave, voire de blanchiment.

À titre d’exemple, elle laisse entendre qu’éluder des droits de succession pourrait constituer une fraude fiscale grave, alors même que cette notion est absente du Code des droits de succession. Elle estime encore, en contradiction totale avec la disposition du Code pénal qui incrimine le blanchiment, que le donataire qui n’aurait pas tout mis en œuvre pour s’assurer que le donateur a bien régularisé sa situation fiscale commettrait un acte de blanchiment en acceptant les fonds.

En revanche, elle autorise les banques à recevoir des fonds dont elles savent qu’ils sont liés à du blanchiment de capitaux. Un tel comportement, en droit pénal, pourrait toutefois rendre les banques complices, voire coauteurs, de cette infraction. En effet, « savoir » est bien différent de « soupçonner ».

Dans une recommandation à peine voilée, elle invite, en outre, les banques à se méfier des rapatriements effectués depuis le Luxembourg (qui fait pourtant partie de l’Union européenne).

Enfin, si elle confirme être bien consciente que plus les fonds sont anciens, plus il sera difficile de documenter l’origine de ceux-ci, la BNB impose aux établissements financiers qu’ils disposent des éléments permettant de « justifier à suffisance la licéité de l’origine des fonds ». Dans les faits, cela revient quasiment à devoir en prouver l’origine licite.

Une telle exigence apparait pourtant difficilement compréhensible dès lors que le Parquet lui-même qui voudrait pouvoir poursuivre le client (et pourquoi pas la banque) pour blanchiment devrait pouvoir exclure toute origine licite… Entre exclure toute origine licite et prouver l’origine licite, il y a un monde.

En pratique, les banques préfèrent le plus souvent se conformer aux directives qui leur sont données par la BNB plutôt que de s’en tenir au prescrit légal. Elles ont donc tendance à exiger la production de preuves tangibles quant à cette origine licite (ou, a contrario, la preuve raisonnable de l’exclusion de toute origine illicite).

Alors de quoi faut-il tenir compte pour pouvoir exclure de façon raisonnable toute origine illicite ? Quels sont les éléments exigés concrètement ?

Il est évident que la réponse à ces questions diffèrera au cas par cas. La BNB donne toutefois quelques pistes. Selon elle, « il apparait sensé de tenir compte, à titre d’exemples :

  1. du montant en jeu ;
  2. des éléments de risque géographique pouvant affecter l’opération ;
  3. de la connaissance que l’établissement financier a du client, de son état de fortune et de l’origine de celle-ci ;
  4. des informations pouvant être recueillies auprès du client et de sources publiques d’information concernant le donateur ou le défunt, son état de fortune et l’origine de celle-ci ;
  5. des liens qui unissent, d’une part, le donateur ou le défunt et, d’autre part, le donataire ou l’héritier/légataire ;
  6. du caractère proportionné du montant faisant l’objet de la donation par rapport à l’état de fortune du donateur,
  7. du fait que les biens hérités ont été dûment mentionnés ou non dans la déclaration de succession,
  8. etc. ».

La circulaire ajoute à ce propos : « il découle de ce qui précède (et la Banque en est consciente) qu’au fil du temps, les caractéristiques susmentionnées reposent davantage sur des indications (concrètes) et sur un contexte, … et que l’institution financière peut en tenir compte dans son appréciation. » Autrement dit, la cohérence entre le profil du client et l'ampleur du patrimoine à rapatrier est primordiale, même s'il est impossible de démontrer positivement l’origine exacte et licite (à comprendre comme « ayant subi son régime fiscal ordinaire »).

La banque s’assurera également, sur la base de documents écrits (extraits de banque, déclarations fiscales, etc.) de ce que (i) son client s’est toujours bien conformé à ses obligations déclaratives (ou, à tout le moins, depuis la régularisation qui serait intervenue), (ii) que les fonds rapatriés correspondent bien aux fonds régularisés, et (iii) que les apports de fonds nouveaux intervenus postérieurement à une DLU peuvent être justifiés.

Bref, la circulaire manque à notre avis son premier objectif d’éclairer les banques et de leur fournir des garanties.

Sur certains points, la circulaire ajoute, à notre sens, plutôt à la confusion.

Cela ne participera donc vraisemblablement pas à apaiser les banques et à les amener à revoir leur niveau d’exigence.

Si vous n’avez pas encore rapatrié et que vous souhaitez le faire, il faudra donc montrer patte blanche. Nous pouvons, bien entendu, vous accompagner dans la constitution d’un dossier de rapatriement raisonnable.


> Vous avez déjà rapatrié ?

Une procédure de « look back » est exigée de la part des banques : celles-ci sont tenues de procéder à un échantillonnage de dossiers passés de rapatriement, lesquels doivent faire l’objet d’un réexamen afin de s’assurer que les procédures internes applicables à l’époque satisfaisaient au prescrit légal et qu’elles ont été correctement appliquées.

Ainsi, même lorsqu’une DLU ou DLUbis est intervenue, la banque devait déjà à l’époque recueillir suffisamment d’éléments pertinents, outre le dossier de régularisation, pour (i) justifier l’origine licite des fonds et donc (ii) écarter toute origine issue d’une fraude fiscale grave (celle-ci n’étant, pour ces deux procédures, pas régularisable à l’époque). En cas de DLUter, il fallait également vérifier si, lors de l’acceptation des fonds, toute fraude fiscale grave avait pu être écartée ou, en cas de fraude fiscale grave, que le capital prescrit avait bien fait l’objet d’un prélèvement.

En réalité, la BNB se réfère improprement à la notion de « fraude fiscale grave » car, à l’époque, c’était bien la notion de « fraude fiscale grave et organisée » qui était reprise dans les différents textes légaux.

A notre sens, lorsqu’une DLU est intervenue, il convient concrètement de vérifier si les conditions de cette DLU, au moment où elle a été introduite, ont été respectées. Selon nous, la production d’un dossier de DLU conforme aux règles applicables à l’époque, couplée au simple fait de pouvoir exclure toute origine provenant d’une infraction criminelle listée dans la loi préventive applicable à l’époque - et donc la fraude fiscale grave et organisée - devrait suffire, sans qu’il n'y ait à prouver de façon positive l’origine licite des fonds ou de ce que ceux-ci ont toujours subi leur régime fiscal ordinaire.

Si, en outre, certains établissements financiers devaient constater des lacunes lors de cet audit, ils devraient déterminer un « plan d’action » pour corriger celles-ci.

Ce fameux look-back étant en cours, vous pourriez donc être à nouveau interrogé par votre banque sur des opérations de rapatriement effectuées il y a plusieurs années, voire même faire l’objet d’une dénonciation à la CTIF.


À la question « est-ce justifié ? » … nous répondons « non »

Les banques ne sont pas à blâmer : elles tentent de se conformer aux attentes de leurs autorités de contrôle et veulent, légitimement, se couvrir contre les risques éventuels de poursuite.

À notre sens, il revient en réalité au législateur d’avoir le courage de définir la notion de fraude fiscale « grave » et « grave et organisée », et de cesser de réécrire l’histoire au sujet des anciennes procédures de DLU. Cela permettrait aux institutions financières et aux justiciables de disposer enfin de la sécurité juridique qui leur avait été promise.

En outre, les institutions financières pourraient de cette manière consacrer leurs ressources à l’identification des opérations qui constituent réellement un risque de blanchiment et qui intéressent la CTIF.

A ce stade, une chose est toutefois certaine : le chantage, lié à l’introduction d’un dossier de DLUquater pour pouvoir continuer à bénéficier de leurs fonds, dont certains clients font aujourd’hui l’objet est absurde. En effet, l’idée semble actuellement circuler qu’une DLUquater serait la solution miracle pour pouvoir procéder au rapatriement de ces fonds. En réalité, cette procédure a toujours le même objectif que celui qui prévalait au début des années 2000 : permettre aux contribuables ayant commis une fraude fiscale de s’amender. Obliger des contribuables à y avoir recours parce qu’ils ne seraient plus en mesure de justifier l’origine licite de leurs fonds (ce que la loi n’exige d’ailleurs pas) est une déformation complète de l’objectif de cette procédure. D’ailleurs, techniquement, pour y avoir recours, le déclarant doit, selon la loi du 21 juillet 2016 ayant introduit la DLUquater, être en mesure de justifier quel est l’impôt qu’il n’a lui-même (et non ses parents dont il aurait hérité ou reçu des donations) pas payé, chose peu aisée pour un contribuable en ordre qui ne sait tout simplement plus le prouver en raison de l’écoulement du temps.

* * *

Maxime Besème, Pauline Maufort et Sabrina Scarnà


[1]Avant la première mesure d’amnistie fiscale votée en 2003, les contribuables pouvaient se rendre auprès de leur contrôleur et faire amende honorable sur la base d’une déclaration spontanée. Le commentaire administratif du Code des impôts sur les revenus 92 prévoyait en effet la possibilité de régulariser les trois dernières années de revenus sans même payer le moindre accroissement.

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