​Le calvinisme a probablement muté en capitalisme désenchanté : Calvin, reviens, ils n’ont rien compris !

L’économie européenne traverse une profonde mutation. Longtemps dominante, elle est aujourd’hui diluée dans une mondialisation qu’elle n’a pas déclenchée. Parfois, cette internationalisation semble se déployer à son détriment.

En moins de quatre décennies, nos économies européennes se sont donc engouffrées dans un nouvel ordre capitaliste. Celui-ci est juridico-marchand. Il tente d’individualiser les aléas de la vie et de limiter la protection collective. Cette mutation consomme l’abandon du modèle rhénan, c’est-à-dire d’une social-démocratie fondée sur une croissance prévisible et un partage des richesses. Le choc de modèles est violent : les communautés européennes recherchent les certitudes, tandis que le modèle anglo-saxon aliène les individus à l’aléa de l’économie.

Quoiqu’il en soit, il faut cerner la bifurcation de ces deux modèles. Cependant, où chercher ? C’est alors qu’immanquablement, presque inéluctablement et dans le sillage des thèses du sociologue allemand Max Weber (1864-1920), le chercheur est confronté à la profonde fracture qui a opposé les catholiques et les protestants au XVIe siècle. En effet, un facteur transcende l’évolution de nos communautés : c’est l’attitude religieuse par rapport au matérialisme financier. Le schisme religieux du XVIe siècle aurait catalysé des prédispositions socio-économiques qui auraient conduit à l’émergence du capitalisme moderne.

Jacques Attali réfute les thèses de Max Weber, en avançant que la véritable différence entre les peuples est à trouver dans ceux qui les communautés agricoles et maritimes. Mais, là aussi, on pourrait avancer que le calvinisme (en référence au réformé Jean Calvin [1509-1564]) a justement épousé (avec exceptions) des pays d’ouverture maritime : Pays-Bas, Royaume-Uni (et plutôt Écosse) et États-Unis.

L’esprit de Calvin flotte-t-il encore dans nos économies ? Non. Calvin a soustrait le travail et l’argent au domaine de la pure nécessité pour lui donner une acception religieuse, mais il n’aurait aucunement approuvé les excès récents du capitalisme. Fidèle à l’idéal de pauvreté de saint Paul, le théologien préconisait la sobriété et le renoncement aux gloires terrestres afin de se plier à la volonté divine et de se faire champion de la vérité évangélique. Il exécrait l’avidité et la passion du gain.

C’est pour cette raison probable que le calvinisme a probablement muté en capitalisme désenchanté, alors que Calvin rappelait pourtant que la rémunération du travail passe avant celle du capital : « C’est une chose fort étrange, et inique, cependant que chacun gagne sa vie avec grand’peine, cependant que les laboureurs se lassent à faire les journées, les artisans à grande sueur servent aux autres, les marchands non seulement travaillent, mais s’exposent à beaucoup d’incommodités et dangers, que messieurs les usuriers assis sur leur banc sans rien faire reçoivent tribut du labeur de tous les autres. ».

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