La pandémie de coronavirus et les mesures de confinement ont de lourdes répercussions sur l’économie mondiale. L’économie belge traverse également une profonde récession en ce premier semestre de l’année 2020. Notre scénario table sur une forte reprise en 2021, laquelle ne compense toutefois que partiellement le repli de 2020. L’emploi intérieur baisserait de 111 000 personnes sur l’ensemble des deux années 2020 et 2021.
Le choc économique actuel est inédit depuis la seconde guerre mondiale et complique considérablement l’exercice d’élaboration de perspectives économiques. Les chiffres du présent Budget économique sont largement tributaires de plusieurs hypothèses cruciales quant à l’ampleur et à la durée de la crise et sont sujets à bien plus d’incertitudes que d’habitude. Dans ce scénario, nous partons notamment de l’hypothèse que le redémarrage de l’activité en Belgique et à l’étranger n’est pas compromis par de nouvelles mesures de confinement qui seraient dictées par une résurgence de la pandémie. Cette éventualité demeure toutefois un risque important à la baisse.
Conformément à la loi du 21 décembre 1994, l’Institut des comptes nationaux a communiqué les chiffres du Budget économique au ministre de l’Économie. Les présentes perspectives macroéconomiques ne prennent en compte que les mesures dont les modalités d’application sont connues avec suffisamment de précision.
L’économie mondiale est en proie à une récession historique suite à la pandémie de coronavirus et aux mesures prises pour la combattre. Outre l’origine non économique de la récession, les pertes d’activité économique enregistrées dans toutes les parties du monde rendent cette crise exceptionnelle, dès lors que pratiquement tous les secteurs des économies avancées et des pays émergents sont affectés. De plus, la récession est le résultat tant d’un choc d’offre négatif que d’un choc de demande négatif. Le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement et la mise en oeuvre des projets d’investissement sont perturbés par le fait que de nombreuses entreprises ont réduit leurs activités en raison des mesures sanitaires. En outre, l’assouplissement des restrictions relatives à l’offre d’un certain nombre de services aux consommateurs n’intervient que de manière progressive. Du côté de la demande, les économies ont vu leurs exportations chuter, tandis que l’effondrement de la confiance des ménages et des entreprises ainsi que les pertes de revenus de ces agents ont pesé sur la consommation des particuliers et sur les investissements.
Les incertitudes entourant, d’une part, l’évolution de la pandémie et, d’autre part, l’efficacité des mesures prises par les pouvoirs publics (afin de combattre le virus ainsi que pour soutenir les ménages et les entreprises) compliquent considérablement l’exercice d’élaboration de perspectives économiques. Le scénario présenté ici suppose une profonde récession dans les pays de la zone euro au cours du premier semestre 2020, l’activité économique étant encore bien plus affectée au deuxième trimestre qu’au premier. Le déconfinement et les importantes mesures de soutien décidées par les autorités et les banques centrales devraient favoriser une forte reprise de l’activité économique au second semestre de cette année ainsi qu’en 2021. Ceci suppose de facto qu’un redéploiement de mesures de confinement pourra être évité grâce à la détection rapide des nouveaux foyers de contamination. Néanmoins, la contraction de l’activité économique de la zone euro, estimée à 11 % en 2020, ne serait que partiellement compensée en 2021 (8,5 %).
À la mi-mars, des pans entiers de l’économie belge ont été ralentis voire mis à l’arrêt afin de parvenir à contrôler la propagation du virus. En conséquence, le PIB a fortement baissé au premier trimestre (-3,6 %). Tout comme dans la plupart des autres pays de la zone euro, les mesures de confinement ont principalement pesé sur l’activité économique au deuxième trimestre et le redémarrage de l’économie s’opère très progressivement. En conséquence, l’économie belge accuse un recul encore bien plus marqué au deuxième trimestre (-20 %). La croissance repartirait ensuite à la hausse, grâce à la levée des restrictions en Belgique et à l’étranger et grâce aux mesures prises par les pouvoirs publics pour atténuer les dommages économiques endurés par les ménages et les entreprises. Dans ce scénario, le mouvement de rattrapage s’opère principalement au troisième trimestre (16,6 %). Par la suite, la croissance trimestrielle resterait dynamique et se normaliserait progressivement jusqu’à la mi-2022. À cet horizon, la perte d’activité économique du secteur privé belge serait de 4 % par rapport à un scénario exempt de pandémie.
Sur base annuelle, l’économie belge devrait enregistrer en 2020 sa plus forte contraction depuis la seconde guerre mondiale (-10,6 %) ; elle renouerait ensuite avec une croissance de 8,2 % en 2021. Un tel profil se dessine, à des degrés divers, pour toutes les composantes des dépenses, à l’exception de la consommation publique. Cette dernière augmente de 3,1 % en volume en 2020, principalement en raison de la forte hausse des achats nets de biens et services (notamment suite à l’achat de matériel pour lutter contre la pandémie).
Parallèlement à la récession et à la reprise qui s’ensuivrait chez les partenaires commerciaux, les exportations belges devraient chuter de 12 % en 2020, avant de rebondir de 10,7 % en 2021. Cette évolution des exportations, conjuguée à celle de la demande intérieure, déboucherait sur une baisse du volume des importations de 10,1 % en 2020, suivie d’une hausse de 10 % en 2021.
Parmi les composantes des dépenses, ce sont les investissements des entreprises qui sont sujets aux plus grandes fluctuations. En 2020, ils chuteraient de 21,2 %. La forte contraction de l’activité économique, qui s’accompagne d’une baisse sensible du taux d'utilisation des capacités de production industrielle, ainsi que les perspectives de demande encore particulièrement incertaines n’incitent pas les entreprises à investir actuellement. La rentabilité est également sous pression en 2020, en raison de l’importante contraction de l'excédent brut d'exploitation. Les aides financières de l’État (primes de nuisance, primes compensatoires) ne compensent que partiellement la perte de chiffre d’affaires. En 2021, les investissements des entreprises devraient rebondir (19 %), dans le sillage de l’amélioration des débouchés et de la rentabilité. Les investissements publics, pour leur part, sont temporairement réduits durant la première moitié de 2020 mais retrouveraient rapidement leur niveau habituel. Par conséquent, leur diminution en 2020 se limiterait à 5,3 % tandis qu’un effet de niveau donnerait lieu à une accélération de la croissance à 16,3 % en 2021.
Malgré l’ampleur du choc économique, le revenu disponible réel des particuliers résiste relativement bien en 2020 (-2,2 %) ; il devrait gagner 2,9 % en 2021. Les mesures prises par les pouvoirs publics pour atténuer les pertes de revenu et d’emploi (extension du système de chômage temporaire avec relèvement de l’allocation pour les salariés ; droit passerelle et primes pour les indépendants) ont permis de limiter la perte de pouvoir d’achat de 2020. En outre, l’inflation, en baisse, est inférieure à l’indexation des salaires et des allocations sociales cette année. Néanmoins, la consommation des particuliers devrait baisser de 8,9 % en 2020, et ce en raison de la forte détérioration de la confiance des consommateurs (engendrée par les craintes accrues de chômage) et du renoncement forcé à certaines dépenses (engendré par la fermeture temporaire des commerces) qui ne seront pas toutes reportées ultérieurement. À mesure que l’offre sera de moins en moins contrainte, la consommation des particuliers devrait renouer avec un niveau plus habituel, ce qui devrait se traduire par une croissance de 7,5 % en 2021, largement supérieure à la progression du revenu disponible réel. Par conséquent, le taux d’épargne des ménages devrait bondir à 18,8 % cette année, avant de retomber à 15,1 % l’année prochaine, ce qui resterait toutefois encore supérieur au niveau de 2019 (13 %). Enfin, les investissements en logements se contractent également de manière importante en 2020 (-14,6 %) ; ce recul serait partiellement comblé en 2021 (12,9 %).
À court terme, le choc sur l’activité est en grande partie absorbé tant par la baisse de la productivité horaire que par celle de la durée du travail. Pour ajuster la durée du travail, il est massivement fait appel au chômage temporaire qui joue son rôle d’amortisseur du choc. Face à la crise actuelle, les conditions d’accès au chômage temporaire ont momentanément été assouplies (en particulier pour les employés) et la couverture de la perte de revenus subie a été élargie.
Malgré cela, depuis l’annonce des mesures de confinement, de nombreux emplois ont été – et sont encore – perdus (-37 000 personnes durant le deuxième trimestre), principalement parmi les salariés qui sont passés au travers des mailles du filet de sécurité (contrats de courte durée, emploi intérimaire). Durant le deuxième semestre, la perte d’emplois devrait substantiellement s’accroître (-106 000 personnes). En effet, la productivité se redresse à mesure que les entreprises sont moins enclines à maintenir des heures de travail excédentaires et que le soutien public au volume de travail atteint ses limites. En outre, l’impact négatif sur l’emploi indépendant s’accroît à mesure que les politiques de soutien fédérales et régionales se réduisent. En moyenne annuelle, la baisse de l’emploi est relativement limitée cette année (-34 000 personnes), et ce grâce à un important effet positif apporté par le point de départ fin 2019.
L’emploi se contracte encore quelque peu au cours des deux premiers trimestres de l’année prochaine (-14 000 personnes) mais il se redresse progressivement durant la deuxième moitié de l’année (+38 000 personnes). Néanmoins, la perte d’emplois par rapport à un scénario exempt de pandémie reste considérable. En moyenne annuelle, la baisse de l’emploi en 2021 (-77 000 personnes) serait nettement supérieure à celle enregistrée cette année, et ce en raison d’un point de départ particulièrement défavorable.
Ainsi, malgré le recours à des mesures de protection de grande envergure, l’emploi n’échappe pas aux conséquences du choc économique. Cette évolution défavorable se traduit en une forte hausse du chômage entre mars 2020 et la mi-2021 (+165 000 personnes), suivie d’une baisse de 21 000 personnes durant la deuxième moitié de 2021. En moyenne annuelle, la hausse du chômage est plus prononcée l’année prochaine (+88 000 personnes) que cette année (+61 000 personnes). Le taux de chômage (administratif) passerait ainsi de 8,9 % en 2019 à 11,6 % en 2021, ce qui annulerait le gain engrangé depuis 2015.
La crise du coronavirus se répercute de deux manières dans les prix à la consommation. Premièrement, les prix des produits énergétiques ont fortement baissé, la contraction de l'activité économique ayant entraîné une importante diminution de la demande de produits pétroliers, de gaz naturel et d'électricité. Deuxièmement, durant les premières semaines du confinement, les promotions ont été interdites, ce qui a entraîné une hausse temporaire des prix dans les supermarchés. Le prix du pétrole a atteint un plancher en avril et, depuis lors, repart à la hausse, ce qui alimentera l’inflation.
L’inflation sous-jacente devrait ralentir dans le courant de cette année, dans un contexte de baisse de la demande. À mesure que l’économie redémarre, l’inflation sous-jacente devrait quelque peu repartir à la hausse en 2021.
Au total, l’inflation devrait ralentir de 1,4 % en 2019 à 0,8 % cette année, avant de remonter à 1,3 % en 2021. La croissance de l’indice santé, qui est moins fortement influencée par l’évolution du prix du pétrole, s’établirait à 1 % cette année et à 1,2 % l’an prochain. L’indice pivot actuel (109,34) ne serait pas dépassé en 2020 ni en 2021.
Source : Bureau Fédéral du Plan