J'utilise, pour introduire cette note, le titre du roman de Nicolas Mathieu.
Et je pose une question qui ne se répond pas à hauteur d'hommes ou de femmes, mais d'enfants et d'adolescents. Les personnes qui sont exclues du marché du travail, qui s'en sont elles-mêmes exclues et/ou que les aléas de la vie ont enfoncé, bénéficient d'un filet de sécurité sociale. On l'appelait l'État providence, terme inadéquat. On la qualifie aujourd'hui de sécurité sociale. Cette dernière fut-elle trop généreuse pour certains, pas assez pour d'autres, mal ciblée ? Évidemment. Mais aujourd'hui, on élargit les mailles de ce filet social puisque des dizaines de milliers de chômeurs de longue durée vont basculer dans des statuts différents.
C'est là le cœur de la question. Selon le Ministre-Président wallon, un tiers de ces chômeurs vont retrouver du travail, un tiers va aller au CPAS et un tiers va disparaître du radar. Je ne sais pas ce que veut dire « disparaître du radar ». Mais c'est à tout le moins la preuve que le gouvernement assume le déclassement de 2/3 de ces chômeurs. Et ce sera évidemment beaucoup plus. On ne verra jamais un tiers de ces chômeurs retrouver du travail, et ce pour de multiples raisons, à commencer par le fait que les employeurs ne les choisiront pas par priorité.
Et alors on arrive au VRAI problème : leurs enfants. Le véritable drame se joue pourtant ailleurs, et il est autrement plus insidieux : il touche leurs enfants, sachant que selon Statbel, le taux de risque de pauvreté ou d'exclusion sociale pour les enfants (0-17 ans) en Wallonie EST déjà de 23 %. Ces derniers vont inévitablement subir de plein fouet le déclassement d'un ou de leurs deux parents. Les répercussions sont multiples et profondes, touchant des sphères aussi fondamentales que l’alimentation, la culture, etc et évidemment l'environnement social. Au-delà des privations matérielles, c'est une dégradation psychologique qui s'opère : la perte de repères, le sentiment de honte, la stigmatisation. À l'école, cet espace censé être égalisateur, les inégalités se manifestent brutalement. Les élèves issus de milieux favorisés, ou simplement stables, peuvent inconsciemment ou explicitement marginaliser ceux dont les parents sont "du mauvais côté" de la fracture sociale. Ce rejet creuse un fossé parfois irrémédiable. Conséquence directe : des difficultés scolaires, des échecs répétés, parfois même la nécessité de changer d'établissement, brisant ainsi les liens sociaux et ajoutant à l'instabilité.
C'est ainsi que le déclassement social ne se contente pas de "ruisseler" : il se transmet, génération après génération, menaçant de reproduire les mêmes schémas de précarité et d'exclusion. La question de l'avenir de ces enfants est, de loin, la plus alarmante et la plus urgente à considérer.