L’accord du gouvernement fédéral De Wever I est ambitieux à bien des égards. Et en particulier dans le domaine des RH : le marché du travail, la fiscalité et les pensions devraient connaître de profondes réformes.
Quelles sont les principales mesures qui auront un impact sur la relation de travail dans le secteur privé ?
Les dispositions sont nombreuses et certaines semblent déjà très concrètes, même si des précisions sont encore attendues. Voici un tour d’horizon complet. Nous y reviendrons en détail dès que les mesures se concrétiseront au cours des mois à venir.
L’accord de gouvernement prévoit une flexibilisation et une modernisation du marché du travail. Le taux d’emploi devra augmenter et les malades de longue durée feront l’objet d’une attention particulière.
Le premier chantier concerne le chômage. Les allocations de chômage sont limitées dans le temps, en principe à deux ans maximum (après cinq années prestées), et jusqu’à maximum un an pour les jeunes diplômés. La limitation dans le temps ne s’applique pas aux plus de 55 ans ayant un passé professionnel d’au moins 30 ans (augmentation progressive à 35 ans d’ici 2030). Dans un premier temps, les allocations de chômage seront plus élevées qu’aujourd’hui, puis elles diminueront plus fortement. Une personne ayant une carrière d’au moins 10 années prestées a le droit, à une reprise, de bénéficier temporairement d’une allocation de chômage, après avoir démissionné.
Pour les nouvelles embauches, l’indemnité de licenciement est limitée à 52 semaines (une année). Dans le régime actuel, nous atteignons ce délai après 17 ans d’ancienneté. Le nombre d’indemnités de protection dans le cadre d’un licenciement est limité, mais nous ne savons pas encore s’il s’agit d’une interdiction de cumul ou d’une diminution du nombre de situations. Le délai de protection pour les candidats non élus lors des élections sociales passe de deux ans à six mois, tandis que rien ne change pour les membres élus.
L’accord contient un passage détaillé sur l’incapacité de travail, l’activation et la réintégration des malades (de longue durée) sur le marché de l’emploi, avec notamment :
Pour les travailleurs, quelques durcissements sont prévus. Une nouvelle sanction plus sévère (réduction de l’allocation de maladie) s’appliquera aux travailleurs qui ne collaborent pas suffisamment à un TRI ou à un trajet de retour au travail. La règle de rechute avec un nouveau droit au salaire garanti ne sera d’application qu’après 8 semaines de reprise du travail. Aujourd’hui, ce délai est beaucoup plus court : un travailleur qui reprend le travail pendant 14 jours calendrier (deux semaines) a droit, en cas de maladie, à une nouvelle période de salaire garanti.
Le certificat médical est lui aussi concerné par les nouvelles mesures. Dans certains cas, les médecins traitants pourront certifier non seulement l’incapacité de travail, mais aussi l’aptitude (ce que le travailleur est encore capable de faire), ce qu’on appelle une « fit note ». Et un point de contact numérique sera mis en place pour les « certificats médicaux suspects ».
Plusieurs mesures prévoient de favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Un « crédit familial », un sac à dos de droits de congé par enfant, doit simplifier les droits de congé actuels pour les personnes qui s’occupent d’un enfant. Le régime s’applique de la même manière aux travailleurs, aux indépendants et aux fonctionnaires. Les grands-parents et les parents adoptifs pourront eux aussi en partie en bénéficier. Le crédit-temps et l’interruption de carrière sont harmonisés pour tous sur le régime du secteur privé.
Un emploi de fin de carrière (à mi-temps ou 4/5) reste possible à partir de 55 ans, avec une carrière d’au moins 30 ans et au moins 156 jours travaillés par an. La condition passe progressivement à 35 années de carrière en 2030. Le RCC (ancienne prépension) disparaît : le nouvel afflux cesse à partir du jour de l’accord de gouvernement. Le sort des travailleurs actuellement en préavis en vue du RCC est encore incertain. Un accès est encore prévu seulement pour le RCC médical (statut handicapé ou problèmes physiques graves) et pour le RCC en cas de restructuration ou de licenciement collectif annoncé avant l’accord de gouvernement.
La flexibilisation se poursuit. Les travailleurs bénéficient d’une plus grande liberté pourdéfinir les heures de travail dans le cadre des règles européennes et en accord avec l’employeur. Un nouveau cadre légal pour le travail flexible, avec annualisation du temps de travail moyen, verra le jour. Dans la mesure du possible, un enregistrement du temps de travail sera prévu.
La durée hebdomadaire minimale du travail à temps partiel (1/3 d’un régime à temps plein) disparaît, le minimum de 3 heures par prestation est maintenu. L’interdiction du travail de nuit disparaît elle aussi. Pour le travail de nuit dans le secteur de la distribution (notamment pour l’e-commerce), un régime permettant la concurrence avec les pays voisins est mis en place.
Un régime structurel de 180 heures supplémentaires fiscalement avantageuses, avec un avantage fiscal pour l’employeur et le travailleur, sera appliqué. Les heures supplémentaires volontaires (sans repos compensatoire) sont étendues à 360 heures dans tous les secteurs, avec 240 heures supplémentaires volontaires « nettes » (pas de sursalaire, pas de charges sociales ou fiscales, le brut équivaut au net). Pour l’horeca, il s’agit respectivement de 450 et 360 heures. Les heures supplémentaires volontaires sont réservées, d’une part, aux travailleurs à temps plein et, d’autre part, aux travailleurs à temps partiel qui travaillent à temps partiel depuis au moins 3 ans à condition qu’il y ait une augmentation du travail.
Le régime avantageux pour le travail étudiant est élargi à 650 heures par an – soit 50 heures de plus que le plafond des années précédentes. Par ailleurs, les revenus qu’un étudiant peut gagner pour rester à la charge de ses parents augmentent.
Le régime des flexi-jobs est assoupli, avec un salaire brut possible plus élevé et un revenu annuel maximal plus élevé (18 000 euros par an). Pour les travailleurs à temps plein, l’interdiction d’exercer un flexi-job auprès d’une « société liée » disparaît. Les flexi-jobs sont étendus à tous les secteurs, avec une attention pour les professions protégées et la possibilité d’opt-out par secteur.
Le gouvernement demande aux partenaires sociaux de créer un contrat d’intérim à durée indéterminée.
La période d’essai fera son retour au plus tard fin 2025, avec un délai de préavis d’une semaine pendant les six premiers mois du contrat de travail.
Les partenaires sociaux doivent poursuivre la mise en place du statut unique ouvriers et employés.
Par exemple, le régime des vacances annuelles et le salaire garanti sont encore différents aujourd’hui pour les ouvriers et les employés.
Le nombre de commissions paritaires devra être réduit d’ici le 1er janvier 2027.
Le gouvernement souhaite également travailler à une simplification administrativedans d’autres domaines.
Les délais de conservation pour les « documents moins importants » sont supprimés (après inventaire).
Au chapitre de la lutte contre la fraude sociale et fiscale et contre le dumping social, deux éléments ont attiré notre attention :
Le gouvernement entend renforcer le pouvoir d’achat et l’entrepreneuriat à l’aide de différentes mesures. L’indexation et la loi sur la norme salariale restent inchangées, mais le gouvernement demande aux partenaires sociaux de formuler un avis sur une réforme fondamentale des deux systèmes d’ici la fin 2026.
Le salaire minimum intersectoriel général augmentera au 1er avril 2026 (comme prévu) et en 2028, sans augmentation du coût salarial pour l’employeur. Les salaires nets augmenteront progressivement à partir de 2027, avec une attention particulière pour les salaires inférieurs à la médiane (selon notre étude, le salaire médian brut à temps plein était de 3 390 euros en Flandre au début de l’année 2024 ; en septembre 2024, Statbel évoquait un chiffre de 3 750 euros pour la Belgique). Pour le salaire minimum, le brut devrait être égal au net.
Les bonus collectifs, comme la CCT 90 et la prime bénéficiaire, sont simplifiés et harmonisés, sans augmentation des charges.
Les coûts salariaux diminuent pour les bas et moyens salaires et la cotisation patronale ONSS est plafonnée à partir du niveau salarial du Premier ministre (environ 250 000 euros brut par an). Le régime fiscal des expatriés devient plus attrayant, avec une indemnité exonérée d’impôt de 35 %, la suppression du plafond de 90 000 euros et une baisse du salaire minimum à 70 000 euros.
La réduction groupe-cible (réduction sur les cotisations patronales) pour les employeurs débutants fait l’objet de certaines restrictions, mais aussi de certaines extensions.
Pour les exonérations fiscales du versement du précompte professionnel, la mesure R&D est clarifiée et améliorée. Un système structurel sera mis en place à l’issue de la mesure bis pour le travail en équipe et de nuit.
Les partenaires sociaux doivent augmenter le plus rapidement possible le maximum patronal pour les chèques-repas de deux fois deux euros. La déductibilité augmente de la même manière. Les autres chèques (comme les écochèques) disparaissent, en concertation avec les partenaires sociaux.
La déductibilité limitée pour les voitures de société hybrides et leurs frais de carburant est temporairement mise en suspens, une période transitoire un peu plus longue est prévue. Le budget mobilité existant pour les travailleurs ayant (droit à) une voiture de société est transformé en un budget mobilité général, socialement et fiscalement avantageux. Les employeurs devront proposer un budget mobilité aux travailleurs ayant droit à une voiture de société.
Un cadre (probablement uniforme sur le plan social et fiscal) pour les frais propres à l’employeur sera mis en place le plus rapidement possible. La rémunération flexible est elle aussi encadrée par la loi : l’échange salarial brut peut aller jusqu’à maximum 20 % du salaire annuel brut. Il sera toujours possible d’accorder des bonus supplémentaires.
Le tarif fiscalement avantageux (15 %) pour les revenus tirés de droits d’auteur est à nouveau possible pour les professions numériques. Il n’y aura finalement pas de cotisation supplémentaire sur les options sur actions ou warrants octroyés aux travailleurs. Il en était encore question dans les précédentes notes qui avaient fait l’objet d’une fuite. L’exonération des cotisations de sécurité sociale ordinaires et spéciales est donc entièrement maintenue.
Un prélèvement libératoire de 33 % est prévu pour les pensionnés qui gagnent un revenu d’appoint à partir de l’âge légal de la retraite ou après 45 ans de carrière (sauf si l’impôt est déjà inférieur). La législation en matière de pensions, tant le premier que le deuxième pilier, subira en outre d’importantes modifications. Même si le gouvernement souhaite tenir suffisamment compte des « droits acquis ».
Le bonus pension légal sera réformé à partir de 2026. Il ne sera question que d’un bonus initialement de 2 % par an de prise après l’âge légal de la retraite (aujourd’hui, le bonus s’applique déjà si l’on continue à travailler à partir du premier moment où la pension est possible). Il passera ensuite à +4 % par an à partir de 2030. Un malus de pension voit également le jour : par année de départ avant l’âge légal de la retraite (donc en cas de retraite anticipée), le montant de la pension diminue de 2 % (-4 % par an à partir de 2030) sauf si le pensionné peut justifier d’au moins 35 années de carrière durant lesquelles il a effectué suffisamment de prestations effectives.
Certaines périodes non prestées (RCC, chômage de longue durée, emplois de fin de carrière…) seront progressivement moins prises en compte, voire plus du tout, pour le calcul de la pension. La maladie, le repos de maternité, le congé parental et le congé de soins restent assimilés.
À partir de 2027, la retraite anticipée est possible à 60 ans, avec 42 ans (actuellement 44 ans) de carrière, mais uniquement si au moins 2/3 de chaque année ont été effectivement prestés (aujourd’hui, chaque année qui a été prestée ou assimilée à 1/3 au moins compte).
La pension de survie est réformée en une allocation de transition, cumulable avec les revenus professionnels et limitée dans le temps.
Une pension complémentaire pour tous les travailleurs avec une cotisation patronale d’au moins 3 % du salaire brut devrait voir le jour d’ici 2035. C’est surtout les secteurs qui auront du pain sur la planche dans ce domaine.
Quelques changements sont à attendre du côté des cotisations. Ainsi, une cotisation de solidarité personnelle plus élevée (actuellement maximum 2 %) s’applique sur la partie d’un capital de pension complémentaire supérieure à 150 000 euros. Nous ne savons pas encore quel en sera le montant exact. La règle des 80 % (qui définit la déductibilité pour les primes patronales dans les pensions complémentaires) est calculée différemment. La cotisation Wijninckx change elle aussi. Il s’agit d’une cotisation patronale supplémentaire pour les pensions complémentaires élevées, en plus de la cotisation générale de 8,86 %). Un autre mode de calcul sera mis au point, mais la cotisation sera également augmentée. Nous n’en savons pas plus pour l’instant.
D’importantes modifications seront apportées à la réglementation relative aux pensions des fonctionnaires, au niveau de l’âge et du calcul. Le régime sera davantage aligné sur le régime des pensions des travailleurs salariés. Cependant, le gouvernement tiendra compte des « droits acquis », la législation actuelle continuant par exemple à jouer un rôle dans le calcul de la pension pour les années (de carrière) écoulées, et prévoit parfois de longues périodes de transition.
Thomas Lesseigne
Legal HR Consultant
SD Worx