Les multiples cotisations "spéciales" de sécurité sociale, encore un cauchemar "à la belge"

Cotisation spéciale sur les indemnités de rupture, l’ONSS confirme qu’en l’absence de dispositions sectorielles, la cotisation n’est pas due. Encore un exemple du cauchemar à la belge que vive les DRH...


Dans mon opinion du 11 décembre dernier j’avais commenté les conséquences aberrantes de l’hyper-taxation des revenus du travail en Belgique, et notamment le fait que ce que l’état donnait d’une main – tax shift ou mise en œuvre d’avantages divers moins taxés – il le reprenait de l’autre en imposant de nouvelles conditions ou en rendant plus strictes des conditions d’exemptions, en bloquant l’indexation des seuils pour bénéficier d’exemptions de sécurité sociale (les taxis en savent quelque chose eux qui n’ont vu aucun effet bénéfique du tax shift) – en élargissant la base de calcul des cotisations ou en imposant de nouvelles cotisations " spéciales ".

J’avais ainsi eu l’occasion de commenter en novembre une telle tentative d’élargissement de la base de calcul des cotisations de sécurité sociale par l’ONSS qui tentait contre le texte de la loi d’obtenir des cotisations sur des actions octroyées par une société qui n’est pas l’employeur sans prise en charge par l’employeur.



Insécurité juridique

Nous voici maintenant confronté au sort de l’une des multiples cotisations "spéciales" de sécurité sociale créés ces dernières années et à l’insécurité juridique créée par un travail législatif au mieux fainéant au pire incompétent.


La loi sur le statut unique du 26 décembre 2013 avait ajouté à la loi du 3 juillet 1978 un article 39 ter contraignant un employeur qui licencie des travailleurs avec un préavis de plus de 30 semaines à payer le préavis ou l’indemnité de rupture à raison de 2/3 sous forme de préavis ou d’indemnité de rupture au sens strict (avec un minimum de 26 semaines) et 1/3 sous forme de mesures de reclassement du travailleur.


Or, la loi sur le statut unique met en place une sanction lorsqu’un travailleur licencié " alors qu’il satisfait aux conditions pour avoir droit à un ensemble de mesures destinées à augmenter son employabilité comme prévu à l’article 39ter de la loi du 3 juillet 1978 " ne bénéficie pas de ces mesures. Dans ce cas une cotisation spéciale de 1% est due par l’employé et une cotisation spéciale de 3% par l’employeur.


Problème, alors que l’article 39ter prévoit que ces mesures soient mises en place par des conventions collectives d’entreprises (CCT) sectorielles, la disposition relative à la sanction réfère uniquement aux conditions fixées dans la loi c’est-à-dire avoir droit à un préavis ou une indemnité de préavis de 30 semaines au moins.


Bref, alors que rien n’est encore mis en place au niveau des secteurs, l’ONSS pourrait depuis le 1er janvier appliquer cette sanction sur base d’une lecture stricte de la disposition légale, celle-ci n’ayant en effet pas prévu comme condition que les mesures aient été prises au niveau du secteur.



Mise au point de l’ONSS

A tel point, qu’il a fallut pour rassurer tout le monde que l’ONSS dans ses récentes instructions administratives du quatrième trimestre 2018, confirme qu’elle entendait ne pas appliquer la sanction car "on ne peut faire le reproche" à l’employeur de l’inaction de la commission paritaire à prendre les mesures.


Situation bien typique de la Belgique d’aujourd’hui où une autorité administrative pour palier les lacunes d’un texte juridique doit intervenir.


Avec tout ce que cela représente comme insécurité juridique pour les entreprises et leurs DRH dépendant du bon vouloir d’une autorité très puissante et qui par le passé a déjà montré sa capacité à changer de position ou d’interprétation.

Une amie CFO parlait en matière de RH du "surréalisme à la belge", elle ne croyait pas si bien dire…


En cette nouvelle année, rêvons de lois bien écrites qui ne retourneraient pas trois fois à l’ouvrage et de mesures fiscales cohérentes - et non purement publicitaires - financées autrement que par le détricotage et la complexification progressive du système fiscal et parafiscal.

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