​L’État actionnaire : obstacle ou atout pour les entreprises cotées ?

À la lecture d’un article de Serge Quoidbach dans L’Écho de ce jour concernant Elia et à un excellent dossier d'Olivier Mouton dans le Trends, je m’interrogeais sur une question complexe, mais importante : ne faudrait-il pas renationaliser, ou au contraire privatiser, certaines entreprises ? Je pense à des entreprises comme Elia, bien sûr, mais aussi à Fluxys, Proximus, BPost, etc.

Il est évident qu’une réflexion générale est insuffisante, et qu’il faut s’intéresser aux réalités stratégiques et souveraines, aux exigences en matière d’emploi, de service aux consommateurs, etc. Il faut aussi tenir compte d’autres aspects : régulation, innovation et compétitivité. Mon propos est donc l’esquisse d’une réflexion personnelle.

S’il est légitime que les pouvoirs publics restent l’actionnaire d’entreprises stratégiques (Belfius, Ethias, FN), le modèle d’un actionnariat mixte pour certaines entreprises cotées est, à mon intuition, questionnable.

Quelle est la logique, pour un actionnaire privé, de l’être aux côtés des pouvoirs publics dans des domaines d’importance essentielle ? Il devient le passager clandestin des décisions de l’actionnaire majoritaire, ce qui conduit à ce que les financiers appellent une « décote » boursière, correspondant elle-même à un coût du capital différent pour l’actionnaire privé et public. Et comme le cours de bourse n’est animé que par des actionnaires privés, cela biaise complètement la valeur de l’entreprise, sans compter que certaines entreprises, comme Elia, exigent des besoins de capitaux colossaux, que le secteur privé ne suivra pas, sauf à des conditions encore plus dégradées.

Et cela soulève un autre problème, d’une importance capitale. La Belgique est un petit pays à la croissance très limitée. La croissance d’une entreprise d’utilité publique est donc naturellement confinée. Cela conduit à des velléités, souvent très onéreuses, voire questionnables, de croissances à l’étranger, ce qui aggrave les besoins de capitaux et renforce le scepticisme du marché, comme le cours de certaines entreprises comme Elia, BPost et Proximus l’illustre parfaitement.

Donc il faut se demander si l’État ne devrait pas renationaliser certaines entreprises afin de contraindre leurs velléités d’expansion et de les confiner au marché belge.

Inversement, cela pose incidemment la question de la détention à long terme par la Société Fédérale de Participations et d’Investissement (SFPI) de certaines participations comme Ageas, Euronext, BNP et Umicore, même si, dans ces quatre exemples, les circonstances sont explicables.

Car, foi d’un ancien Président de la Bourse de Bruxelles, un actionnariat privé/public pour des entreprises d’utilité publique qui veulent, du surcroît, trouver des relais de croissance à l’étranger à coups d’exigences de capital colossaux, cela risque d’appeler des lendemains qui déchantent. Et, en vérité, ils déchantent déjà.​

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