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Mise à jour 2025 du Modèle de convention fiscale de l'OCDE

Le 18 novembre 2025, l’OCDE a publié la très attendue mise à jour 2025 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE sur le revenu et la fortune (OECD MC), marquant l’un des cycles de révision les plus substantiels de ces dernières années. Bien que de nombreuses modifications soient de nature clarificatrice plutôt que révolutionnaire, elles affinent ensemble de manière significative le cadre fiscal international sur lequel les États s’appuient lorsqu’ils négocient, interprètent et appliquent les conventions fiscales bilatérales. Ces changements seront également intégrés dans l’édition complète révisée du Modèle, attendue en 2026.

La mise à jour 2025 se distingue particulièrement par son accent sur des enjeux pratiques devenus de plus en plus pertinents pour les entreprises multinationales. Ceux-ci incluent le traitement des opérations intragroupe au titre de l’article 9, la relation entre les résultats en matière de prix de transfert et l’allocation des bénéfices d’entreprise au titre de l’article 7, ainsi que le phénomène en forte croissance du télétravail et ses implications en matière de risque d’établissement stable. Les nouvelles orientations visent à moderniser le Modèle de convention afin qu’il reflète mieux les réalités économiques actuelles, en particulier celles accélérées par la numérisation et la décentralisation des forces de travail.

Un autre point marquant de la mise à jour est l’introduction d’un nouveau paragraphe 6 à l’article 25 relatif à la procédure amiable (Mutual Agreement Procedure – MAP). Cet ajout renforce la clarté procédurale et réaffirme l’engagement en faveur d’un règlement efficace des différends transfrontaliers. Parallèlement, le Commentaire de l’article 25 a été étoffé afin de fournir un éclairage plus approfondi sur la mise en œuvre des procédures amiables, y compris les attentes en matière de coopération, de délais et d’interactions avec les voies de recours internes. Ces développements sont susceptibles d’influencer à la fois le comportement des autorités compétentes et les décisions stratégiques des contribuables qui sollicitent un allègement de la double imposition.

Pris ensemble, ces révisions indiquent une orientation claire : un meilleur alignement entre les principes de prix de transfert et l’interprétation des conventions, une sécurité juridique accrue quant à la notion d’« installation fixe d’affaires » dans les situations de télétravail, et une architecture de règlement des différends plus robuste. Pour les clients exerçant des activités à l’international, ces mises à jour ne modifieront peut-être pas immédiatement les résultats conventionnels, mais elles influenceront la manière dont les autorités fiscales interprètent les clauses conventionnelles existantes et, partant, la manière dont les risques sont appréciés et gérés.

Le présent article propose une analyse, article par article, des principaux éléments de la mise à jour. Nous commençons par les modifications apportées à l’article 9 et leur interaction avec l’article 7, avant d’aborder les nouvelles orientations concernant l’établissement stable en cas de télétravail, le nouveau paragraphe relatif à la MAP et les mises à jour du Commentaire, pour conclure par quelques observations à l’intention des entreprises qui naviguent dans ce paysage conventionnel en mutation.


1. Article 9 (entreprises associées) et modifications connexes de l’article 7 (bénéfices des entreprises)

La mise à jour 2025 place l’article 9 au centre d’un cadre conventionnel plus cohérent et unifié pour le traitement des opérations intragroupe. Si le principe de pleine concurrence demeure inchangé, le Commentaire révisé renforce de manière significative le lien entre l’interprétation conventionnelle et les Lignes directrices de l’OCDE en matière de prix de transfert. En pratique, cela signifie que les différends conventionnels impliquant des entreprises associées seront de plus en plus tranchés en se référant explicitement à des concepts de prix de transfert qui étaient auparavant considérés comme des instruments de soft law plutôt que comme des références interprétatives.

L’un des développements les plus significatifs réside dans la reconnaissance plus nette du fait qu’une délimitation précise de la transaction – y compris l’identification des caractéristiques économiquement pertinentes et des fonctions, actifs et risques de chaque partie – est partie intégrante de l’application de la norme conventionnelle. Cela rapproche l’article 9 de la doctrine moderne en matière de prix de transfert, qui dépasse la forme juridique pour exiger une appréciation de ce que la transaction représente réellement en substance. Les autorités compétentes sont dès lors censées s’appuyer davantage sur des analyses fonctionnelles et des examens de l’allocation des risques lorsqu’elles déterminent si les bénéfices ont été sous-évalués ou surévalués dans le cadre d’opérations transfrontalières.

La mise à jour fournit également un commentaire plus explicite sur les transactions financières, signalant l’intention de l’OCDE de garantir une cohérence entre l’interprétation conventionnelle et les Orientations de 2020 sur les transactions financières intragroupe. Cela inclut un examen plus approfondi des mécanismes de financement intragroupe, des conditions dans lesquelles un prêt peut être requalifié, et de la détermination d’un taux d’intérêt de pleine concurrence. Alors que les juridictions contestent de plus en plus la tarification et le quantum de l’endettement intragroupe, ces clarifications renforceront probablement la position des autorités dans le cadre des contrôles et des procédures amiables.

Le lien renforcé entre l’article 9 et les Lignes directrices en matière de prix de transfert a un impact direct sur l’article 7. La mise à jour 2025 réaffirme le principe selon lequel les bénéfices attribuables à un établissement stable doivent être déterminés en recourant aux mêmes outils d’analyse et aux mêmes principes économiques que ceux appliqués aux transactions entre entreprises associées. En d’autres termes, l’« approche autorisée de l’OCDE » (authorised OECD approach – AOA) est mise davantage en lumière : un établissement stable est traité comme une entreprise distincte et indépendante sur le plan fonctionnel, et les bénéfices lui sont attribués en fonction des fonctions qu’il exerce, des actifs qu’il utilise et des risques qu’il assume dans le cadre de cette séparation notionnelle.

Cet alignement réduit le risque de divergences de résultat lorsque, par exemple, des ajustements de prix de transfert effectués au titre de l’article 9 pourraient théoriquement diverger des résultats en matière d’attribution des bénéfices au titre de l’article 7. À travers le Commentaire révisé, l’OCDE cherche à éliminer cette fragmentation en soulignant que les deux articles doivent conduire à des résultats mutuellement cohérents. Pour les groupes multinationaux, cela se traduit par une attente plus claire : la documentation de prix de transfert et les analyses de bénéfices d’établissement stable doivent « parler le même langage », appuyées par des analyses fonctionnelles et des raisonnements économiques compatibles.

D’un point de vue pratique, les contribuables doivent s’attendre à une approche de contrôle plus intégrée de la part des administrations fiscales. Les modifications invitent à une coordination accrue entre les spécialistes des prix de transfert et les unités chargées de l’interprétation des conventions, ce qui renforce l’importance d’une documentation à la fois techniquement solide et cohérente pour les positions adoptées au titre des articles 9 et 7. Pour les entreprises qui exercent leurs activités à la fois par l’intermédiaire de filiales et d’établissements stables, cela accentuera la nécessité d’une gouvernance alignée en matière de politiques intragroupe, de cadres de gestion des risques et de répartition interne des pouvoirs de décision.


2. Installation fixe d’affaires et télétravail

La mise à jour 2025 introduit certaines des clarifications les plus attendues quant à l’impact du télétravail sur la création d’un établissement stable (ES). À mesure que les modèles de travail à distance et hybrides se sont ancrés dans de nombreux secteurs, les autorités fiscales se sont heurtées à une incertitude croissante quant au moment où le domicile d’un salarié doit être considéré comme une « installation fixe d’affaires » au sens de l’article 5 du Modèle OCDE. Le Commentaire mis à jour vise à offrir une approche plus équilibrée et pragmatique, en mettant clairement l’accent sur l’analyse factuelle plutôt que sur des critères formalistes.

Les bureaux à domicile créent rarement un ES – mais pas jamais.

Le Commentaire réaffirme que le domicile d’un salarié ne constituera en principe pas un établissement stable. Le facteur décisif demeure la question de savoir si l’entreprise exige du salarié qu’il travaille à domicile d’une manière qui place effectivement ce lieu à la disposition de l’entreprise. La mise à jour précise ce concept en distinguant les situations où le travail à domicile est facultatif ou simplement commode pour le salarié, de celles où l’entreprise l’impose ou l’attend dans le cadre de son modèle d’affaires.

Lorsqu’un employeur met à disposition des locaux adéquats ou lorsque le salarié est libre de travailler ailleurs, le bureau à domicile ne présente généralement pas le degré de disposition requis pour créer un ES. À l’inverse, si le travail à domicile devient un élément structurel du modèle d’affaires, par exemple parce que l’entreprise ne dispose d’aucun établissement local et s’appuie de manière systématique sur les domiciles des salariés pour assurer des opérations essentielles, le risque de création d’un ES s’en trouve accru.

La régularité et la pertinence économique demeurent des critères clés

Les révisions soulignent que le travail occasionnel ou sporadique depuis le domicile ne satisfait pas au seuil d’une installation fixe d’affaires. Il doit exister un degré suffisant de permanence et un lien clair entre l’activité exercée à cet endroit et les activités essentielles de l’entreprise.

Le Commentaire fournit désormais davantage d’illustrations permettant de distinguer les activités auxiliaires ou préparatoires (qui ne créent pas d’ES) des fonctions substantielles qui sont au cœur de la génération de revenus ou de la prise de décision. Cela revêt une importance particulière pour les équipes décentralisées, dans lesquelles des salariés peuvent exercer depuis leur domicile des fonctions à forte valeur ajoutée.

L’infrastructure numérique ne crée pas automatiquement un ES

Compte tenu de la montée en puissance des plateformes numériques, l’OCDE précise expressément que la simple disponibilité d’outils numériques, l’hébergement de serveurs en dehors de la juridiction ou l’utilisation de systèmes de communication en ligne ne modifient pas l’analyse du bureau à domicile. L’attention reste concentrée sur le lieu physique et le degré de contrôle, et non sur les capacités technologiques.

Cette clarification contribue à éviter une interprétation trop large des règles relatives à l’établissement stable du seul fait que des travailleurs à distance peuvent accomplir des tâches importantes sans soutien physique de bureaux.

Conséquences pour les employeurs

L’effet pratique du Commentaire mis à jour est double. Premièrement, les employeurs devraient documenter soigneusement les raisons pour lesquelles les salariés travaillent à domicile et démontrer que le télétravail est facultatif ou à l’initiative du salarié lorsque tel est le cas. Deuxièmement, les organisations qui s’appuient fortement sur des équipes en télétravail, en particulier lorsqu’elles ne maintiennent pas de locaux dans la juridiction concernée, devraient évaluer si le schéma de travail pourrait être interprété comme créant une installation fixe d’affaires. Les politiques internes, la structure des contrats de travail et la disponibilité de locaux professionnels peuvent tous jouer un rôle dans la gestion de ce risque.

Dans l’ensemble, les orientations mises à jour modernisent les règles relatives à l’établissement stable sans en modifier fondamentalement les principes sous-jacents. Elles reconnaissent la réalité du télétravail tout en préservant un seuil d’application équilibré, qui évite la création d’établissements stables « accidentels » tout en appréhendant les situations où une entreprise « opère » en pratique à partir du domicile d’un salarié.


3. Nouveau paragraphe 6 de l’article 25 et mises à jour du Commentaire sur la procédure amiable (MAP)

La mise à jour 2025 introduit un nouveau paragraphe 6 à l’article 25, qui marque une évolution significative dans l’approche de l’OCDE en matière de règlement des différends. Bien que le texte ne consacre pas un arbitrage obligatoire à part entière dans le Modèle de convention, il énonce plus clairement les attentes quant à la manière dont les autorités compétentes doivent interagir, échanger des informations et faire progresser les dossiers MAP. Cet ajout renforce l’ossature procédurale de la procédure amiable et vise à répondre à l’augmentation du volume et de la complexité des litiges fiscaux transfrontaliers.

1. Objet et portée du nouveau paragraphe 6

L’article 25(6) est conçu pour formaliser, dans le texte conventionnel, un certain nombre de principes procéduraux qui figuraient historiquement uniquement dans le Commentaire ou dans les orientations distinctes de l’OCDE relatives à la MAP. La disposition joue le rôle d’« ancrage » opérationnel en indiquant que la procédure amiable n’est pas simplement un outil discrétionnaire, mais un processus structuré et coopératif.

Sans imposer de délais stricts, le paragraphe 6 met l’accent sur la célérité, la transparence et l’obligation, pour les autorités compétentes, de s’engager de manière constructive. Il réaffirme également l’attente selon laquelle la MAP doit viser à éliminer la double imposition plutôt qu’à simplement la réduire, garantissant ainsi que les avantages conventionnels soient effectivement réalisés.

2. Renforcement de la coopération

Un thème récurrent du Commentaire révisé est l’attente selon laquelle les autorités compétentes doivent coopérer. Le nouveau langage encourage un échange ouvert d’informations, une communication proactive et des discussions itératives au fur et à mesure de l’évolution des dossiers.

Cela revêt une importance particulière pour les litiges complexes en matière de prix de transfert, dans lesquels la base factuelle se développe progressivement et où des ajustements unilatéraux dans une juridiction peuvent avoir des conséquences en cascade. Le Commentaire précise que les autorités compétentes ne doivent pas adopter une posture passive ou purement adversariale, mais doivent plutôt déployer des efforts réels pour parvenir à un accord, même lorsque la législation ou la pratique administrative interne pourrait conduire à des résultats unilatéraux.

3. Interaction avec les voies de recours internes

Une autre clarification importante concerne l’interaction entre la MAP et les procédures de recours internes. Le Commentaire réitère qu’il ne peut être refusé au contribuable l’accès à la procédure amiable au seul motif qu’il a introduit un recours juridictionnel interne, à moins que la convention ne restreigne explicitement la possibilité de voies parallèles.

Il confirme le principe selon lequel la décision du contribuable de poursuivre, de suspendre ou d’abandonner ses recours internes ne doit pas porter préjudice à sa capacité de solliciter une résolution via la MAP. Les autorités compétentes sont invitées à fournir aux contribuables des indications claires sur la manière dont interagissent les procédures internes et la MAP, afin de réduire l’incertitude fréquente entourant les délais, la documentation requise et les conséquences d’un retrait des recours internes.

4. Transparence accrue et attentes vis-à-vis des contribuables

Le Commentaire mis à jour accroît également les attentes placées sur les contribuables. Il insiste sur le fait que l’accès à la MAP suppose des demandes présentées en temps utile, complètes et dûment étayées. Les contribuables sont censés fournir non seulement les éléments factuels, mais aussi une explication claire des raisons pour lesquelles ils estiment que l’imposition n’est pas conforme à la convention.

Parallèlement, il est recommandé aux autorités compétentes de communiquer de manière claire avec les contribuables sur l’état d’avancement de leurs dossiers et d’indiquer dès le départ leurs attentes procédurales. L’objectif est d’améliorer à la fois la qualité des demandes et la prévisibilité des résultats.

5. Implications pour les groupes multinationaux

Pour les entreprises multinationales, le renforcement de l’article 25 annonce un environnement MAP plus structuré et plus coopératif. Les contribuables peuvent s’attendre à un engagement plus prévisible de la part des autorités compétentes et, dans de nombreux cas, à une voie de résolution plus rapide.

Toutefois, les attentes renforcées en matière de documentation et d’implication précoce signifient également que les demandes de MAP devront être préparées de manière plus stratégique. Les entreprises devraient veiller à ce que la documentation de prix de transfert, les conventions intragroupe et les éléments factuels soient alignés avant l’introduction d’une demande de procédure amiable.

Dans l’ensemble, le nouveau paragraphe 6 et le Commentaire enrichi signalent un cadre de règlement des différends modernisé, qui soutient l’objectif plus large de l’OCDE de réduire le risque de double imposition dans un environnement fiscal mondial de plus en plus interconnecté et exigeant sur le plan de la conformité.


4. Conclusion

La mise à jour 2025 du Modèle de convention de l’OCDE témoigne d’une approche plus moderne et plus coordonnée de la fiscalité internationale. Grâce à des attentes plus claires en matière de résultats de prix de transfert, à des orientations affinées sur les établissements stables en situation de télétravail et à un cadre MAP renforcé, les autorités fiscales disposent désormais d’une feuille de route plus cohérente pour l’application de principes conventionnels de longue date à des modèles d’affaires contemporains.

Pour les groupes multinationaux, l’effet pratique est un mouvement vers un alignement plus étroit entre la substance opérationnelle et les résultats fiscaux, ainsi qu’une attention accrue portée aux situations où ces deux dimensions divergent. Les mises à jour influeront également sur la manière dont les conventions existantes sont interprétées, avant même que les États n’adoptent formellement les nouvelles formulations.

Les entreprises devraient réexaminer leurs structures actuelles, leurs politiques de prix de transfert, leurs dispositifs de télétravail et leurs stratégies de règlement des différends afin de s’assurer qu’ils restent adaptés dans cet environnement en évolution. Notre équipe est prête à assister les contribuables dans l’évaluation des impacts potentiels et l’identification d’opportunités pour renforcer la sécurité juridique et réduire les risques.

Jacques Malherbe et Rik Strauven
Simont Braun

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