On rappelle que lorsqu’un conflit nait entre actionnaires, c’est souvent lié à un facteur décisionnel ou financier : un actionnaire se sent assoiffé en termes de retour sur investissement financier et/ou se sent mis de côté au niveau du pouvoir décisionnaire. S’en suivent alors des conflits pouvant entrainer une paralysie de la société, ce que l’on appelle une mésentente grave entre actionnaires qui dans certaines hypothèses peuvent permettre à un actionnaire d’obtenir son retrait (celui qui se sent lésé) de la société ou au contraire, le contraindre à quitter la société (celui aurait « fauté » par exemple en faisant concurrence à la société ou en ayant violé systématiquement les droits d’un autre actionnaire (minoritaire ou égalitaire)).
Idéalement, un pacte d’actionnaire doit être rédigé et bien charpenté avec l’appui tant d’un avocat d’affaire que d’un coach spécialisé en relations actionnariales permet de gagner des années de stress, de coûts financiers et d’aléas judiciaires. En effet, il est préférable de prévoir en amont les différents scénarios auxquels on pourrait théoriquement être confrontés à l’avenir : quels sont les comportements acceptés et non acceptés, quelles conséquences à des comportements non acceptés, quelles méthodes de valorisation prévoir en cas de décès, incapacité, maladie de longue durée, concurrence, comment faire le lien entre les sociétés de management et la société opérationnelle, etc.
Dès la naissance d’un conflit entre actionnaires, il est en tout état de cause recommandé de tenter de régler son conflit par un mode de règlement amiable des conflits. Nous avons maintenant une pratique -en Flandres, à Bruxelles comme en Wallonie- très éprouvée auprès des juges conciliateurs qui interviennent, gracieusement, pour aider les actionnaires à un litige à trouver une solution à leur différend. Une solution qu’ils peuvent coconstruire. La médiation a également de plus en plus de succès et peut se dérouler dans le cadre judiciaire ou extrajudiciaire, c’est alors un médiateur agréé, le plus souvent un avocat, qui interviendra de manière neutre, confidentielle et indépendante pour aider les actionnaires. La pratique des juges conciliateurs permet de régler des différends plus légers, tandis que si le dossier est plus technique, tentaculaire ou long, il est recommandé de se diriger vers la médiation, bien que plus coûteuse.
A défaut de résultat, on ira néanmoins en justice pour faire valoir sa défense et c’est là que le Code des sociétés et des associations (CS&A) a introduit une modification significative concernant la gestion des conflits entre actionnaires. Il étend les pouvoirs du magistrat du tribunal de l’entreprise siégeant comme en référé, c’est-à-dire dans le cadre d’une procédure judiciaire accélérée.
Le magistrat du tribunal de l'entreprise peut trancher les litiges connexes liés aux relations financières entre les parties et la société, notamment ceux portant sur les prêts, les comptes courants, les sûretés, et les clauses de non-concurrence. Pour que cette compétence puisse être exercée, deux conditions doivent être remplies : il doit s'agir de litiges connexes, définis comme des demandes liées par un rapport étroit, et ces litiges connexes doivent concerner les relations financières entre les parties et la société ou des entités liées à celle-ci.
Prenons l’exemple classique des prestations exercées au travers des sociétés de management. Si le retrait de la société entraine la rupture de la convention de management, le président pourra être compétent pour traiter de ce litige évitant aux parties de perdre du temps, de l’énergie et de l’argent dans une seconde procédure judiciaire au fond, plus longue. En outre, il est évident que la réponse à des litiges financiers existants entre parties peut parfois avoir un impact sur la valorisation de la société (on pense par exemple au cas d’un actionnaire/administrateur qui aurait indûment alourdit les charges de la société pour en baisser sa valorisation subséquente…).
Cette modification offre la possibilité de régler des litiges financiers dans le cadre des actions en exclusion ou en retrait d'un actionnaire, permettant ainsi à la société de recouvrer des dettes ou de régler des questions financières lors de la cession des actions de l'actionnaire sortant. La société doit d’ailleurs être citée devant le tribunal par l’actionnaire qui introduit la demande en retrait ou en exclusion.
Cependant, cette extension n’est pas sans limite. Ainsi, cette nouvelle compétence ne couvre pas les actions en responsabilité, notamment celles relatives à la responsabilité des administrateurs ou des commissaires ou des responsabilités extracontractuelles, qui continueront d'être traitées dans le cadre d'autres actions judiciaires distinctes.
De même, ces procédures en retrait/exclusions sont parfois toujours cumulées à d’autres procédures en parallèle relatives à la nomination d’un administrateur provisoire ou en encore la suspension ou l’annulation de certaines décisions prises dans un contexte conflictuel (révocation d’un mandat d’administrateur, majoration d’honoraires d’un administrateur délégué ou employé, conflit d’intérêt & autres).
Conformément aux articles, 2:67 & 2:69 CSA, le magistrat dispose de pouvoir étendus pour régler un conflit entre actionnaire :
Enfin, on rappelle que le CSA permet de prévoir des procédures de démission et d’exclusion statutaires dans les SRL (elles sont de droit dans les SC, de sorte qu’il est extrêmement important d’être vigilant, en tant qu’actionnaire d’une coopérative aux conditions d’entrées, de démission et d’exclusion de sa qualité d’actionnaire). En particulier, les méthodes de valorisation des actions seront analysées avec minutie.
Ces nouvelles règles du CSA en matière de règlement des conflits entre actionnaires ont été accueillies et appliquées sans difficulté par les praticiens des litiges entre actionnaires.