Réforme des droits d’auteur - Point de situation (2)

Nous avons tous pu suivre les débats de presse et sur les réseaux sociaux, professionnelsou moins, relatifs à la réforme du régime des droits d’auteur dont le projet d’origine visait àfortement fiscaliser le secteur technologique ainsi que celui des architectes.

Dans un billet du 28 octobre, je vous présentais les points clefs de la réforme en cours et dont nous avions connaissance. Nous avons, presque un mois plus tard, davantage d’informations et une vision vaguement plus claire de la situation, le Gouvernement s’étant accordé sur une réforme complexe.

Pour rappel, le projet initial du Ministre des Finances était d’exclure les professions à forte valeur ajoutée bénéficiaires du régime, mais produisant malgré tout des œuvres littéraires et artistiques. Étaient particulièrement visés les professionnels du secteur des technologies de l’information et de la communication (ICT).

Autres grandes victimes collatérales : les architectes ainsi que les journalistes, dont on sedemande ce qu’ils ont bien pu faire pour mériter cela et dans quel monde le journalistefreelance moderne gagnerait trop bien sa vie.

Notons d’emblée que l’actuel projet doit encore passer devant le Conseil d’Etat et être votépar le Parlement. La réforme sur la table peut donc se résumer comme suit :

  • Le régime des droits d’auteur ne s’appliquera plus qu’aux revenus de cession ou de licences d’œuvres visées au Livre XI, titre 5, du Code de droit économique, ce qui restreindrait son champ d’application et exclurait les programmes d’ordinateur (en vérité non, la protection du programme d’ordinateur étant plus subtile) ;

  • Le produit de la cession devra faire l’objet d’une exploitation effective (sans que ce concept ne soit clair à ce stade) ;

  • À condition que le bénéficiaire soit titulaire d’une attestation de travail des arts ou, alternativement ;

  • Que dans le cadre de la cession ou de l'octroi d'une licence, le titulaire des droits transfère ou octroie en licence son œuvre protégée par le droit d'auteur ou les droits voisins à un tiers en vue de sa communication au public, de son exécution ou de sa représentation publique, ou de sa reproduction ;

  • Les droits ne pourront plus excéder un plafond de 30% du total des rémunérations, y compris la rémunération pour les prestations fournies. Une période d’adaptation sera toutefois prévue avec un plafond de 50% en 2023, 40% en 2024, 30% à partir de 2025 ;

  • Début de l’ombre d’une cohérence, les forfaits de frais déductibles seront réduits de moitié.

En conclusion, le projet est peu clair, sinon nébuleux, et contribue à alimenter une insécuritéjuridique et économique dont les secteurs concernés se passeraient bien.

Paradoxalement, le projet de réforme n’exclut pas les secteurs initialement visés, mais aboutit, potentiellement, à créer des traitements différenciés (et discriminatoires) au sein de secteurs économiques en tant que tels. On songera notamment au journaliste dont le projet aura été écarté pour des raisons de politique rédactionnelle, mais acquis malgré tout par sa rédaction.

Il pourrait en aller de même en fonction du programme d’ordinateur développé.

En outre, on notera que le plafonnement des revenus pénalisera les artistes « classiques » dès lors que ce sont eux qui, traditionnellement, percevaient les plus gros pourcentages de droits d’auteur au prorata de leurs revenus. Ils auront toutefois vocation à être plafonnés à 30% de leurs revenus à l’horizon 2026…

En somme, de quoi hypothéquer la croissance des acteurs ayant le plus besoin de valoriserleur propriété intellectuelle, indépendamment de leur domaine d’activité.

Enfin, et ce point est important, le projet aura vocation à entrer en vigueur dès le 1er janvier 2023. Cependant, une période transitoire est prévue et l’ancien régime continuera à s’appliquer aux personnes bénéficiaires de revenus de droits d’auteur pour l’exercice d’imposition 2023 (soit l’année 2022). Le régime des frais forfaitaires réformé sera applicabledès l’année 2023. Chacun en tirera l’enseignement qui s’impose.

Je ne peux m’empêcher de terminer ce billet en relevant l’intention déclarée du Ministre qui entend, par cette réforme, clarifier et simplifier les règles d'imposition de ces revenus (de droits d’auteur) au niveau de leur qualification et au niveau des forfaits de frais déductibles… pour aboutir à sa complexification à tous niveaux et amener le secteur IT à se poser des questions existentielles sur son avenir en Belgique.

Une véritable histoire belge.

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