
Dans de nombreuses associations, l’évolution d’un cadre salarié vers un mandat d’administrateur répond à une logique d’engagement et de professionnalisation. La question n’est toutefois pas purement organisationnelle : elle touche au droit du travail, au droit des associations et à la gouvernance. Le présent article expose, dans un style volontairement académique et pédagogique, les conditions de validité du cumul, les risques de requalification et les bonnes pratiques qui sécurisent le dispositif. Notre ambition est double : éclairer la règle et outiller la décision. Chez Deg & Partners, nous mobilisons à la fois l’analyse juridique et la mise en conformité opérationnelle ; c’est ce binôme qui protège durablement votre ASBL — et ses responsables.
Pour situer le débat, rappelons brièvement les contours juridiques des deux statuts, puis expliquons pourquoi leur coexistence est délicate.
Afin de rendre la lecture plus lucide, indiquons d’abord les définitions en présence :
La coexistence n’est pas, en soi, interdite par la loi : elle exige de maintenir une frontière nette entre les deux sphères, faute de quoi l’on verse dans la confusion des rôles (un salarié ne peut être son propre employeur). Le Code des sociétés et des associations (CSA) encadre l’organisation interne des ASBL, leurs organes et les situations de conflits d’intérêts ; le droit social (ONSS) qualifie la relation de travail et la rémunération₁ .
Que retenir ?
Le cumul n’est pas prohibé, mais il n’est licite que si l’on distingue clairement les prérogatives du contrat de travail (subordination) et celles du mandat d’administrateur (indépendance et décision).
La pratique impose deux conditions cumulatives ; leur respect doit être décrit et prouvé.
Pour éviter toute ambiguïté, il convient d’énoncer précisément les exigences applicables au cumul :
Que retenir ?
Sans séparation fonctionnelle et sans subordination réelle, le cumul est fragile : il s’expose à une requalification (sociale/fiscale) et à des critiques de gouvernance.
En pratique, beaucoup d’ASBL recherchent un équilibre entre réactivité et contrôle. Le mandat de gestion journalière en est souvent la cheville ouvrière.
Avant d’en détailler l’intérêt, rappelons dans quel cadre il s’inscrit :
Cette option présente deux atouts : elle clarifie la frontière (le salarié gère le quotidien ; le conseil décide des orientations) et elle documente la relation de subordination (contrat de travail + délégation écrite).
Que retenir ?
Le mandat d’administrateur délégué à la gestion journalière, rémunéré comme salarié, constitue un cadre robuste : il prévient la confusion des rôles et sécurise la qualification sociale.
La rémunération d’un administrateur d’ASBL n’est pas un tabou, mais elle est encadrée : raisonnabilité, transparence, conflits d’intérêts.
Afin d’éviter les dérives, synthétisons les régimes usuels :
Que retenir ?
On peut payer correctement — mais à bon droit : mandat (gratuit ou jetonné), volontariat (plafonds), emploi (salaire). Le respect des frontières et des procédures fait la différence.
Au-delà du droit strict, une éthique de gouvernance s’impose, d’autant plus si des pouvoirs subsidiants sont en jeu.
En pratique, les ASBL gagneront à formaliser les éléments suivants :
Que retenir ?
La gouvernance n’est pas cosmétique : c’est le socle probatoire qui protège l’ASBL et ses administrateurs — y compris lors d’un contrôle (social, fiscal, subventionnel).
Avant de nommer un salarié au CA, structurez la démarche en étapes logiques ; chacune répond à un risque identifié.
Pour gagner en robustesse, suivez la séquence ci-après :
Que retenir ?
La méthode compte autant que la règle : en documentant chaque étape, vous réduisez les risques de requalification et stabilisez la gouvernance.
Un cumul mal bordé peut déclencher des conséquences en chaîne ; il faut les connaître pour les prévenir.
Pour mesurer l’enjeu, synthétisons les principaux risques :
Que retenir ?
La prévisibilité se construit : procédures, preuves, formation du CA et revue périodique (audit de conformité) constituent votre meilleure assurance.
Question-clé | Ce que dit le droit | Bonnes pratiques Deg & Partners | Risques si négligé |
Cumul salarié/administrateur | Possible si tâches distinctes et subordination réelle (droit du travail + CSA)₁ | Deux fiches de fonction, circuits de validation, PV détaillés | Requalification sociale, confusion des rôles |
Gestion journalière | Mandat couvrant les actes du quotidien ; si activité principale rémunérée → présomption salariale ONSS₂ | Contrat de travail + délégation écrite ; périmètre et rapports | Contestation du statut, cotisations et pénalités |
Rémunérations | Mandat gratuit par principe ; jetons possibles (raisonnables) ; frais remboursables ; salariat pour prestations distinctes | Politique écrite (plafonds/flux), contrôle de l’assujettissement | Redressement fiscal/social, image ternie |
Conflits d’intérêts | Procédure CSA : information, abstention, motivation, PV | Formulaire standard d’auto-déclaration, formation du CA | Nullité/inopposabilité, mise en cause d’administrateurs |
Pouvoirs subsidiants | Clauses parfois restrictives (quotas, incompatibilités) | Revue contractuelle annuelle, alignement statutaire | Perte de subventions, sanctions contractuelles |
Sécurisation ex ante | Commission (avis/ruling) pour les cas ambigus₃ | Dossier complet à l’appui (organigrammes, tâches, flux) | Inertie, contentieux, incertitude durable |
Nommer un salarié au conseil d’administration peut renforcer la cohérence stratégique d’une ASBL — à condition d’ériger des garde-fous : frontière des tâches, subordination effective, rémunération proportionnée, procédures de conflits d’intérêts et, lorsque pertinent, gestion journalière sous statut salarié.
Notre approche, chez Deg & Partners, consiste à architecturer la solution : cartographie des fonctions, mise en conformité CSA/ONSS, rédaction des délégations et PV, politique de jetons/frais, et, si nécessaire, saisine de la Commission. Ensemble, nous transformons un risque latent en levier de professionnalisation — dans l’intérêt durable de votre association.
₁ Code des sociétés et des associations (CSA) – Livre 9 (Associations et fondations) : organisation, compétences des organes, conflits d’intérêts ; Loi du 23 mars 2019 (MB 04.04.2019).
₂ AR d’exécution de la loi ONSS du 27 juin 1969, art. 3, 1° : présomption irréfragable de salariat pour les personnes dont l’activité principale consiste en la gestion ou direction quotidienne d’une ASBL contre rémunération (définition du « travailleur » aux fins de sécurité sociale).
₃ Commission administrative de règlement de la relation de travail (CARLT) — Procédure d’avis non contraignant / ruling contraignant en qualification de la relation de travail (site officiel : procédure et formulaires).