
La Belgique va, pour la première fois, soumettre de manière systématique les plus-values sur actifs financiers d’un patrimoine privé à un impôt spécifique à partir du 1er janvier 2026. Cet impôt, qualifié de « contribution de solidarité », frappera en principe à 10 % les plus-values nettes réalisées sur une large catégorie d’actifs financiers, après application d’un abattement annuel de 10.000 € pour les personnes physiques résidentes.¹
Sur le plan politique, l’objectif budgétaire est de l’ordre de 500 millions d’euros par an, une fois le régime « en croisière ». Sur le plan juridique, le dispositif doit être inséré dans le Code des impôts sur les revenus (CIR 92) via une loi spécifique, qui n’a pas pu être votée avant le 31 décembre 2025 en raison de la longueur des discussions budgétaires.
Le gouvernement a pourtant confirmé que la taxe s’appliquera bien aux opérations réalisées à partir du 1er janvier 2026, alors que la loi ne sera votée et publiée qu’ultérieurement. Pour combler ce « vide temporel », un régime transitoire a été négocié avec le secteur financier. C’est ce régime – technique, parfois contre-intuitif – qu’il est essentiel de comprendre dès à présent.
En pratique, il faut distinguer :
C’est ce second volet – le plus urgent pour début 2026 – qui constitue le cœur de cette contribution, avec en toile de fond les grands principes du régime définitif.
Sans entrer dans tous les détails techniques du projet de loi, il est utile de rappeler les grandes lignes, telles qu’elles ressortent de la communication gouvernementale et des analyses doctrinales publiées à l’été et à l’automne 2025.
En résumé, au stade actuel des travaux :
Sont notamment concernés :
Les non-résidents restent, en principe, en dehors du champ de la nouvelle taxe, sauf cas particuliers.
Le champ est très large :
Sont exclus, notamment, les deuxième et troisième piliers de pension, ainsi que les revenus déjà soumis à d’autres régimes mobiliers (par ex. intérêts et dividendes taxés par précompte).
La plus-value imposable est, en principe, la différence entre la valeur de réalisation et la valeur d’acquisition, avec :
La taxe “Reynders” sur la composante intérêts de certains fonds (30 %) subsiste et se combine avec la nouvelle taxe sur les plus-values :
D’un point de vue stratégique, ce nouveau dispositif impose déjà de repenser la structuration patrimoniale (holdings, donations, diversification, timing des ventes). Mais, dès le 1er janvier 2026, c’est surtout la gestion opérationnelle des ventes pendant la période transitoire qui va concentrer l’attention.
Le problème central est connu :
Or, l’architecture du régime repose précisément sur un prélèvement à la source par les banques (système dit d’« opt-in ») comme solution standard, avec une alternative d’« opt-out » via la déclaration à l’impôt des personnes physiques.
En l’absence de texte en vigueur au 1er janvier, les banques se trouvent donc, juridiquement, dans l’impossibilité de prélever un précompte mobilier sur les plus-values réalisées en début d’année. C’est pour contourner cette impossibilité qu’a été élaboré un régime transitoire en deux temps, qui repose sur une notion clé : le « montant équivalent au précompte mobilier ».
Pendant cette période, les opérations de vente d’actifs financiers sont déjà dans le champ de la nouvelle taxe, mais les banques ne peuvent pas – en principe – prélever la taxe à la source.
Par défaut, aucun prélèvement n’est effectué par la banque sur les plus-values réalisées entre le 1er janvier 2026 et la date d’entrée en vigueur de la loi (publication au Moniteur).
Cela signifie concrètement que :
Pour les investisseurs qui souhaitent éviter de devoir déclarer leurs plus-values – et, surtout, préserver une forme d’anonymat vis-à-vis de l’administration –, le régime transitoire prévoit la possibilité de demander à la banque de retenir, à leur demande expresse, un « montant équivalent au précompte mobilier ».
Concrètement :
Ce choix n’est pas anodin : il devrait, selon les modalités définitives, s’appliquer pour l’ensemble de l’année 2026 auprès de la banque concernée.
Les investisseurs qui ne demandent pas cette retenue transitoire, ou dont la banque n’est pas techniquement prête à l’appliquer, se retrouveront dans le schéma suivant :²
À ce stade, il est donc capital, pour chaque investisseur, de déterminer sa préférence :
Dès que la loi sera votée et publiée, le régime « normal » peut déployer ses effets, avec toutefois une seconde phase d’adaptation opérationnelle pour les banques.²
À partir de l’entrée en vigueur de la loi, la banque devra, pour chaque opération imposable, soumettre un choix au client :
La banque prélève automatiquement le précompte mobilier au taux applicable (10 % dans le régime standard), après prise en compte des informations dont elle dispose sur l’abattement et les éventuelles moins-values au sein de son périmètre.
La banque ne prélève pas la taxe, et le client s’engage à déclarer lui-même la plus-value dans sa déclaration fiscale. Cela lui permet, en principe, d’optimiser à l’échelle de l’ensemble de son patrimoine (plusieurs banques, comptes à l’étranger, etc.), mais au prix d’une charge déclarative et d’une transparence accrues.
Il est probable qu’en pratique, les banques configurent un choix global (profil fiscal) pour l’ensemble des opérations de l’année, plutôt qu’une option transaction par transaction – mais cela dépendra des modalités techniques adoptées par chaque établissement.
Conscient des défis informatiques et opérationnels, le projet prévoit un délai de mise en œuvre pouvant aller jusqu’au 1er juillet 2026 pour certaines banques.²
Conséquences :
Ce mécanisme est au cœur des préoccupations de Febelfin, qui pointe une série de problématiques concrètes : changement de banque en cours d’année, comptes à plusieurs co-titulaires dont l’un refuse la retenue, gestion des portefeuilles répartis entre plusieurs institutions, etc.²
La fédération du secteur financier (Febelfin) a publiquement exprimé ses inquiétudes sur la complexité du régime transitoire. ²
Parmi les difficultés pratiques susceptibles d’affecter directement les investisseurs, on peut citer, à titre illustratif :
Un client réalise des plus-values en janvier et février dans sa banque A, puis transfère son portefeuille vers la banque B avant l’entrée en vigueur de la loi. Si la régularisation « équivalente au précompte » intervient plusieurs mois plus tard, laquelle des deux banques sera tenue d’agir, et sur quelle base d’information ? ²
Sur un compte-titres à trois co-titulaires, l’un souhaite conserver l’anonymat via l’opt-in, l’autre préfère l’opt-out pour gérer fiscalement ses pertes, le troisième ne se prononce pas. Si un seul co-titulaire refuse de demander la retenue équivalente, il est probable que tous devront recourir à la déclaration pour la partie transitoire. Cela crée un risque de traitement différencié entre contribuables dans des situations comparables. ²
En devant gérer, sur demande, des retenues a posteriori et des régularisations rétroactives, les banques se voient confier un rôle qui va au-delà du simple prélèvement classique de précompte. Febelfin relève un risque accru d’erreurs, de litiges et de charges opérationnelles. ²
Pour les investisseurs, cela signifie qu’il est illusoire de se reposer uniquement sur la banque pour sécuriser sa situation. Une vision consolidée du patrimoine et des opérations devient indispensable, tout particulièrement pour les clients disposant de plusieurs banques, de structures patrimoniales complexes ou de comptes co-titularisés.
Afin de rendre ces enjeux plus tangibles, il est utile de décliner le régime en scénarios typiques que nous rencontrons dans la pratique.
Un investisseur résident détient un portefeuille diversifié dans une seule banque belge, avec une stratégie d’investissement de long terme et peu de ventes. Il envisage de réaliser quelques arbitrages limités en 2026.
Pour ce profil, la solution la plus simple consistera souvent à :
Une analyse patrimoniale reste néanmoins utile pour vérifier si l’abattement de 10.000 € est pleinement valorisé et si d’autres actifs (fonds soumis à la taxe Reynders, assurances, etc.) n’appellent pas un traitement différencié.
7.2. L’entrepreneur-investisseur avec plusieurs banques et une holding
Un entrepreneur détient un portefeuille significatif réparti entre plusieurs banques et une société de patrimoine qui, elle, continue à relever du régime des sociétés (hors nouvelle taxe). Il pratique des arbitrages réguliers, parfois avec des moins-values sur certains actifs.
Pour ce profil, un opt-in systématique banque par banque risque de conduire à :
Il sera souvent plus pertinent d’opter pour un opt-out maîtrisé, avec :
7.3. Les comptes co-titularisés et les situations familiales
Dans les situations où plusieurs membres d’une même famille détiennent un compte-titres commun, le choix entre retenue et déclaration doit être abordé en amont, de manière concertée.
À défaut, le risque est double :
Là encore, une approche globale patrimoniale et familiale est préférable à un traitement purement bancaire et au cas par cas.
Derrière la dimension très technique de ce nouveau dispositif, l’enjeu est clair : la taxe sur les plus-values redessine le paysage de la gestion patrimoniale en Belgique, en rapprochant notre pays de la plupart de ses voisins, mais selon un modèle qui lui reste propre.
Dans ce contexte, notre cabinet se mobilise à plusieurs niveaux, avec ses partenaires.
Suivi détaillé du projet de loi, des débats parlementaires, des commentaires administratifs et des prises de position du secteur (Febelfin, associations professionnelles, etc.).¹⁽²⁾⁽³⁾⁽⁴⁾⁽⁵⁾⁽⁶⁾
Analyse, pour chaque client, de :
Construction d’une stratégie adaptée :
Intégration, dans notre écosystème digital (My.Files, My.Accounting, My.Track, etc.), d’outils permettant :
L’objectif n’est pas seulement de « subir » la nouvelle taxe, mais de l’intégrer dans une gestion patrimoniale cohérente, lisible et sécurisée.
Période | Qui prélève ? | Mécanisme possible | Anonymat vis-à-vis du fisc | Actions clés pour l’investisseur |
1ᵉʳ janv. 2026 → entrée en vigueur de la loi (période transitoire) | Personne, par défaut | Déclaration IPP/IPM ultérieure | Non | Tenir un relevé précis des ventes et plus-values ; anticiper l’impact déclaratif. |
1ᵉʳ janv. 2026 → entrée en vigueur de la loi (optionnel) | Banque (sur demande expresse) | Retenue d’un montant équivalent au précompte | Oui (en pratique) | Demander, le cas échéant, l’activation de cette option auprès de la banque ; mesurer l’effet sur l’abattement. |
Après entrée en vigueur – banques prêtes | Banque (par défaut) | Opt-in : prélèvement automatique du précompte | Oui (en pratique) | Vérifier la configuration par défaut et l’adéquation avec son profil patrimonial. |
Après entrée en vigueur – banques prêtes | Investisseur (sur demande) | Opt-out : absence de prélèvement, déclaration IPP | Non | Organiser un suivi consolidé de toutes les plus- et moins-values ; préparer la déclaration avec son conseil. |
Jusqu’au 1ᵉʳ juillet 2026 (banques non prêtes) | Variable (délai technique) | Régularisation « one-shot » a posteriori ou déclaration | Variable | Identifier les établissements concernés ; anticiper les régularisations et leurs conséquences de trésorerie. |
Sur la base de l’état actuel du projet de loi et des prises de position publiques, nous formulons, à ce stade, les recommandations générales suivantes :
La taxe sur les plus-values marque une étape importante dans l’évolution de la fiscalité patrimoniale en Belgique. Bien anticipée et correctement intégrée dans une stratégie globale, elle ne doit pas être une « bombe atomique » pour les épargnants, mais un paramètre de plus dans un pilotage patrimonial exigeant. Notre mission est précisément de vous aider à transformer cette complexité en décisions éclairées et cohérentes.
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Références
₍₁₎ Projet de loi introduisant un impôt sur les plus-values sur les actifs financiers, version gouvernementale, décembre 2025 (non encore votée au moment de la rédaction). Disponible ci-dessous
₍₂₎ Febelfin, communiqué sur le régime transitoire de la taxe sur les plus-values et ses difficultés pratiques, décembre 2025.