Le tribunal de première instance de Bruges estime qu’un accroissement d’impôt de zéro euro n’est pas un accroissement d’impôt effectivement appliqué. Cette conclusion de bon sens a des conséquences financières très concrètes pour les sociétés.
En vue d’inciter les sociétés à remplir correctement leur déclaration fiscale, la législateur a prévu que la perte de la période imposable ne peut être déduite des suppléments de la base imposable établis à la suite d’un contrôle fiscal (CIR, art. 206/3, §1er, al. 2).
Toute rectification fiscale sanctionnée par l’application effective d’un accroissement d’impôt de 10 % au moins est alors susceptible d’aboutir à une taxation effective de la société.
La déclaration de la société faisait état d’une perte de l’exercice de 911.421,52 €, dont une quotité de 135.069,26 € correspondait à une réduction de valeur sur actions, en réalité non déductible.
A l’occasion d’un contrôle, l’administration fiscale rectifie, à juste titre, cette déclaration : elle refuse la déduction de la réduction de valeur sur actions. Et, comme c’est aujourd’hui presque systématiquement le cas, l’administration applique un accroissement d’impôt de 10% pour première infraction sans intention d’éluder l’impôt.
Pour la société, l’année se solde toujours par une perte sérieuse de 776.352,26 €. La logique économique voudrait qu’aucun impôt ne soit dû, considérant la perte subie.
L’administration fiscale n’est toutefois pas de cet avis. Au contraire même, elle estime que l’article 206/3 CIR lui permet de taxer le montant de la réduction de valeur sur actions, peu importe les pertes de l’exercice subies.
Une simple erreur de déclaration contraindrait donc la société à payer un impôt sur un bénéfice inexistant…
Fort heureusement, le Tribunal n’a pas suivi cette thèse administrative aux conséquences potentiellement catastrophiques pour l’entreprise.
Au contraire, il a constaté que la rectification opérée n’engendre aucun impôt à payer (à défaut de base imposable, compte tenu des pertes de l’exercice subies) de sorte que le montant de l’accroissement d’impôt est de zéro euro.
Le Tribunal juge alors qu’un accroissement de zéro euro n’est pas un accroissement effectivement appliqué. Sur ce point, nous ne pouvons que rejoindre cette analyse. Un accroissement de zéro euro est tout au plus théorique mais certainement pas effectivement appliqué.
En conséquence, les conditions de l’article 206/3 CIR ne sont pas remplies.
Ce jugement doit être approuvé en droit. Il rétablit par ailleurs un peu de justice et il reste alors à espérer que l’administration revienne à une pratique plus raisonnable, en admettant qu’une erreur commise de bonne foi ne doit pas être systématiquement sanctionnée par un accroissement d’impôt, même de 10 %, certainement lorsque les conséquences de cet accroissement sont disproportionnées, en raison d’une législation aux conséquences potentiellement catastrophiques.