A Bruxelles, MR, Engagés et PS se sont mis d’accord pour reporter de deux ans, de 2025 à 2027, l’interdiction de circulation dans la ville-région des véhicules diesel Euro5, mesure dite de la « zone basses émissions » ou encore « LEZ » pour Low emission zone ». L’argument se veut social : les propriétaires des voitures concernées n’ont pas les moyens de changer de véhicules.
Ils sont sujets à ce qui est qualifié de double peine. En effet, ne disposant pas des ressources pour acheter un véhicule neuf, ils vont vendre leur voiture actuelle à prix massacré, vu les exigences environnementales en question, et vont devoir acheter une autre voiture d’occasion à prix inflaté, puisque la demande se reportera sur les voitures conformes.
Mais il y a tout lieu de contester que ce report soit social. Connaît-on le profil socio-économique des conducteurs concernés ? Certes, ce ne sont vraisemblablement pas les mieux nantis, mais n’y a-t-il pas nombre de ménages de la classe moyenne, voire classe moyenne supérieure, dont une voiture serait concernée ? Indiquons ici qu’à Bruxelles, 58% des ménages n’ont pas de voiture, mais ont à endurer les nuisances de celle des 42 autres pour cents, sans parler de celles des navetteurs. De plus, si être social est se préoccuper prioritairement des plus faibles, il ne faut pas considérer la faiblesse que sous le prisme du revenu. La santé est primordiale. Et les études (voir Sciensano) le montrent de manière indubitable, en deux points à marteler : la pollution atmosphérique tue et la restreindre améliore rapidement la santé. Par ailleurs, il y a tout lieu de penser que le ménage qui a des difficultés pour changer de voiture aujourd’hui aura autant de difficulté dans 2 ans !
Quelle incohérence ! On a autour de la table des partis qui disent se préoccuper prioritairement de la santé, mais dont la première décision est de nuire à la santé, et qui plus est, de personnes faibles qui ne sont pas responsables de leur sort. Des partis qui parlent de prévention en matière de santé mais dont la première décision va dans le sens parfaitement contraire. Des partis qui cherchent des économies budgétaires mais dont la première décision creuse le déficit de la sécurité sociale.
Et comme si cela ne suffisait pas, outre les volets sociaux, de santé et budgétaire, il y a encore les dimensions politique et environnementale à dénoncer. Que ne dit-on pas qu’il importe d’inscrire les décisions dans la durée, de permettre aux citoyens et aux entreprises d’anticiper, de planifier et de s’organiser. Or, ici, que fait-on ? L’exact opposé, au prix de la crédibilité de l’action publique. Bien sûr que, quand change la donne, il faut pouvoir infléchir les politiques en place, mais non sans – « la main tremblante », aurait dit Montesquieu – avoir soupesé les effets négatifs de l’instabilité et de l’imprévisibilité. Que dire à ceux qui ont fait l'effort de s'adapter et ont - mal - vendu - leur véhicule ces derniers temps ? Qu’ils ont été bêtes de prendre en compte le calendrier fixé par le politique ? « La transition » est une belle expression, où chacun avance et progresse, mais ici on récompense les retardataires et on promeut la procrastination !
Une zone de basse mission peut ne pas être la meilleure manière pour atteindre des objectifs environnementaux sur lesquels nous nous sommes engagés, mais alors, que l’annonce de son report soit assortie d’une autre mesure environnementale forte et immédiate, et qui ne grève pas davantage les finances régionales, déjà plus qu’obérées. Or, là, c’est le silence des partis susmentionnés.
Le report de la zone de basses émissions sans mesure de substitution plus efficace est une mauvaise idée. Espérons donc que cette dernière arrive, et vite. La circulation pulmonaire vaut bien la circulation d’un vieux diesel !