À l’heure où se succèdent les crises et malgré les mesures mises en place par les pouvoirs publics, les femmes et les hommes qui ont opté pour une carrière d’indépendant* sont nombreux à faire face à des difficultés.
Afin d’améliorer les dispositifs d’aide existants et envisager de nouvelles mesures préventives et curatives, la Fondation Roi Baudouin publie 12 recommandations élaborées par les Professeurs Didier Van Caillie de l’ULiège et Johan Lambrecht de la KU Leuven, avec l’éclairage d’expertises variées. Celles-ci sont aussi concrètes que possible et tiennent compte de leur faisabilité dans un contexte budgétaire contraignant.
Ce faisant, la FRB pointe aussi un autre visage de la précarité.
* Le terme ‘indépendant’ mentionné dans ce communiqué s’entend aussi bien au féminin qu’au masculin.
En Belgique, 12,2% des ménages dont l’activité principale est un travail indépendant se trouvent sous le seuil de pauvreté, contre 3,2% des ménages ayant un revenu en tant que salariés (données EU-SILC, 2020, basées sur les revenus 2019). Un chiffre d’autant plus interpellant que ces dernières années, l’environnement socio-économique dans lequel évoluent les indépendants a été profondément bouleversé, laissant planer l’incertitude. La pandémie de Covid-19 a mis sous tension bon nombre d’entre eux, touchés de plein fouet par les restrictions sanitaires, et ce, malgré les nombreuses mesures mises en place par les pouvoirs publics pour compenser les manques à gagner. Les dramatiques inondations de l’été 2021 n’ont pas non plus épargné certains indépendants, qui ont subi des dégâts considérables. Plus récemment, la guerre en Ukraine a entraîné une hausse des prix de l’énergie et des matières premières, ainsi que des goulots d’étranglement dans de nombreuses chaînes logistiques, compliquant encore la vie de nombre d’entre eux.
Aux problèmes de liquidités et de risque de faillite viennent s’ajouter d’autres difficultés spécifiques aux indépendants : déni ou refus d’accepter sa situation, sentiment de solitude exacerbé, besoin d’accompagnement à la fois professionnel et psychique, difficulté à trouver facilement l’information relative aux aides disponibles… Autant d’obstacles qui peuvent constituer de vrais risques en termes de pauvreté.
Attentive à toutes les formes de précarité, la Fondation Roi Baudouin a jugé utile de se pencher à nouveau sur la problématique des indépendants paupérisés par des crises successives. Car il ne s’agit pas d’une première : en 2012 déjà, la FRB lançait un travail similaire sur la même thématique. Avec de l’impact : certaines recommandations proposées alors pour soutenir les indépendants en difficulté ont depuis été traduites en décisions politiques, comme la modification du délai pour le paiement des cotisations sociales, l’adaptation de la procédure d'exonération des cotisations sociales pour les indépendants et le droit passerelle.
Dix ans plus tard, à la demande de la FRB, les deux chercheurs de l’époque, Didier Van Caillie (HEC École de Gestion de l’ULiège) et Johan Lambrecht (KU Leuven), ont réexaminé les recommandations et proposé de nouvelles mesures, préventives et curatives, pour améliorer ou prévenir la situation des indépendants en difficulté. Comme en 2012, leur travail a été suivi et enrichi par un Comité d’accompagnement composé d’une quinzaine d’acteurs aux points de vue très divers (Boerenbond, UNIZO, INASTI, UCM, Chambre de Commerce et d’Industrie, CPAS, coach pour entrepreneurs…).
Les 12 nouvelles recommandations qu’ils ont formulées ont encore été retravaillées à la suite d’une table ronde organisée le 25 mai. Certaines visent essentiellement à améliorer des dispositifs existants, d’autres portent sur des mesures nouvelles à concrétiser. Elles concernent tous les niveaux de pouvoir.
Ces recommandations à destination de l’ensemble des acteurs de l’environnement politique, économique et social sont articulées en 3 axes :
> Soutien financier et administratif
Afin de soulager la trésorerie des indépendants en difficulté en cas de crises graves (telle qu’une forte récession économique ou un grand malaise dans un secteur), les chercheurs plaident notamment pour des crédits ponts assortis d’une garantie de l’État au niveau régional. Cette garantie doit permettre aux indépendants de ne pas rester trop longtemps dans l’incertitude quant à l’octroi d’un crédit pont et de rebondir rapidement. En cas d’approbation, les fonds doivent être versés dans un délai de deux semaines de manière à soulager les besoins en liquidités les plus aigus. En parallèle, l’indépendant doit faire appel à un accompagnement individuel.
Les chercheurs proposent également des mesures pour simplifier les démarches administratives des indépendants en difficulté, notamment via une adaptation du droit passerelle. Cela comprend la simplification du système pour permettre aux indépendants contraints de cesser (temporairement) leur activité professionnelle d’en bénéficier, quelle que soit la cause de la cessation d’activité ; l’adaptation du délai du droit passerelle si l’ex-indépendant travaille ; la possibilité de combiner droit passerelle et autre revenu de remplacement ; la suppression de l’attestation obligatoire de l’ONEM et l’ancrage permanent, dans la loi, du droit passerelle dans un contexte de crise.
> Mieux informer, sensibiliser et accompagner
Un des problèmes majeurs identifiés par les indépendants qui sentent qu’ils vont entrer en défaillance, est l’ignorance de la multitude des aides et soutiens financiers, sociaux et psychologiques qui sont à leur disposition. Les chercheurs recommandent dès lors la création d’un ‘point carrefour’ digital et d’un numéro vert centralisé permettant d’orienter rapidement et de manière anonyme les indépendants en difficulté vers les acteurs auxquels ils peuvent s’adresser en fonction des vraies questions pratiques qu’ils se posent.
Par ailleurs, afin d’aider les indépendants en difficulté à sortir de leur isolement, les chercheurs plaident pour la mise en place et le financement d’un système de mentoring structuré permettant l’accompagnement des (futurs) indépendants par des indépendants confirmés avec lesquels ils pourraient parler d’égal à égal de leurs difficultés et partager leur expérience.
N’hésitez pas à contacter la Fondation Roi Baudouin pour plus d’informations: vous serez volontiers mis en contact avec les chercheurs qui pourront commenter les recommandations
Source : Fondation Roi Baudouin, 28 juin 2022