Dans un souhait de répondre à l'inflation des dernières années édictant les réalités du marché actuel, la Commission Européenne a publié la directive 2023/2775 modifiant les critères de taille des entreprises. Cette directive a récemment été transposée en droit belge via les articles 147 à 151 de la loi du 27 mars 2024.
En vertu de l’article 170 de cette loi, ces nouveaux seuils sont applicables pour les exercices comptables commençant après le 31 décembre 2023 ;
Les critères de taille des sociétés ont été ajustés comme suit :
Par petites sociétés, il faut entendre les petites sociétés qui à la date du bilan du dernier exercice ne dépassent pas plus d’un des critères suivants :
Par micro-sociétés, il faut entendre les petites sociétés qui ne sont pas une société filiale ou une société mère et qui à la date du bilan du dernier exercice ne dépassent pas plus d’un des critères suivants :
Une société et ses filiales, ou les sociétés qui constituent ensemble un consortium, sont considérés comme formant un groupe de taille réduite avec ses filiales lorsque ces sociétés constituent ensemble, sur une base consolidée, ne dépassent pas plus d’un des critères suivants.
Seuls les critères pour être considéré « nano » (article 3 :47, §2 CSA) permettant de tenir une comptabilité simplifiée ont été modifiés :
Les nouveaux critères ne valent que pour les exercices démarrant après le 31 décembre 2023. Cela n’a pas toujours été ainsi dans les anciennes modifications législatives.
Il y a donc cette fois un effet « retard ».
Pour rappel, le fait de dépasser ou de ne plus dépasser plus d’un des critères n’a d’incidence que si cette circonstance se produit pendant deux exercices consécutifs. Les conséquences de ce dépassement s’appliqueront à partir de l’exercice suivant l’exercice au cours duquel pour la deuxième fois plus d’un des critères ont été ou ne sont plus dépassés. L’entité change donc de catégorie dès la troisième année (Art 1 :24, §2 (sociétés) / 1 :28, §2 (associations/fondations) CSA).
1. Si elle est petite en 2022, grande en 2023 (anciens critères), petite en 2024 (nouveaux critères), elle reste petite, car elle n’est pas grande deux années de suite
2. Si elle est grande en 2022, grande en 2023 (anciens critères), petite en 2024 (nouveaux critères), elle reste grande en, 2024 ; elle ne deviendra petite ensuite que si pour 2024 et 2025 elle set petite (2 années de suite) > effet en 2026.
Les conséquences d’une telle mesure impactent certaines obligations légales telles que :
Ces changements ont aussi des impacts sur le plan fiscal, citons à titre d’exemples :
Comme vous le constatez, ces adaptations auront un impact certain sur le paysage des entreprises belges. Les implications fiscales et légales ne doivent donc pas être sous-estimées. Il est crucial de garder à l'esprit ces nouveaux seuils dans les mois et années à venir pour optimiser pleinement les avantages liés à la taille de votre entité.
Concernant les entreprises ayant omis de nommer un commissaire, l’IRE a effectué un travail de recherche de ces entreprises. Le tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles a été sensible à cette problématique et n’a pas hésité à convoquer les entreprises défaillantes qui ont en général ont fait le nécessaire pour nommer sans tarder un commissaire.
« Mr Dhaeyer, le président du tribunal de l’entreprise de Bruxelles, souligne que 50 sociétés (dont certaines de taille vraiment très respectable) c’est déjà significatif pour l’arrondissement judiciaire de Bruxelles. Il a d’ailleurs transmis la méthodologie qu’il a suivie à tous les présidents des tribunaux de l’entreprise du pays tant en Flandre qu’en Wallonie en les encourageant à procéder à ce même type de contrôle »[1]
Pour rappel, les membres de l’organe d’administration, directeurs ou mandataires de sociétés qui sciemment contreviennent à l’obligation du contrôle légal des comptes annuels ou au contrôle légal des comptes consolidés sont punis d’une amende de cinquante à dix mille euros. Ils seront punis d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de cinquante à dix mille euros ou d’une de ces deux peines seulement s’ils ont agi avec une intention frauduleuse. (art. 3:97 §1er CSA)
Par ailleurs , ces mêmes sanctions sont applicables à ceux qui font obstacle aux vérifications auxquelles ils sont tenus de se soumettre ou refusent de donner des renseignements qu’ils sont tenus de fournir ou donnent des renseignements inexacts ou incomplets (art. 3:96, § 1er CSA).
Il en est de même pour ceux qui, en qualité de commissaire, de réviseur d’entreprises, de cabinet d’audit enregistré ou d’expert indépendant (par exemple : expert-comptable externe (certifié ou non), conseiller fiscal externe (certifié ou non), expert-comptable fiscaliste externe, expert-comptable et fiscal externe certifié) attestent ou approuvent des comptes, des comptes annuels, des bilans et des comptes de résultats de sociétés qui ne respectent pas les dispositions décrites au paragraphe 1 seront punis d’une amende de cinquante à dix mille euros.
Ils seront punis d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de cinquante à dix mille euros ou d’une de ces deux peines seulement s’ils ont agi avec une intention frauduleuse. (art. 3:97 §2r CSA)
Attention, une sanction pénale entraîne souvent le retrait de la qualité de réviseur d’entreprises.
Ces interdictions et contraventions ne sont pas sanctionnées pénalement dans le cas des associations et fondations ; les titres 5 et 6 du livre 3 CSA ne comprennent effectivement aucune disposition pénale (c’était déjà le cas sous l’empire des législations précédant le CSA). [2]
On notera cependant qu’en matière de droit comptable (et d’infractions au droit des comptes annuels), le Code de droit économique a prévu des sanctions (art. XV.75 CDE) pour les administrateurs, gérants, directeurs ou fondés de pouvoirs de personnes morales, commissaire, réviseur (le mot « d’entreprises » a été ici supprimé par la loi du 15 avril 2018 portant réforme du droit des entreprises) ou d’expert indépendant qui contreviennent aux règles légales.
La communication commune de l’IRE-ITAA[3] interdit l’acceptation de toute mission.
« (…)Compte tenu du risque de complicité en droit pénal au délit mentionné à l'article 3:97, §1er CSA, l'expert-comptable certifié ou le réviseur d'entreprises s'abstient d'accepter ou de poursuivre une mission légale pour une entité s'il apparaît que cette entité ne souhaite pas se mettre en règle en désignant un commissaire. Par « mission légale », on entend la mission réservée par le CSA ou par toute autre disposition légale à un expert-comptable certifié ou à un réviseur d’entreprises (autre que le contrôle légal des comptes (consolidés)), telle que l'apport en nature ou le quasi-apport, les conflits d'intérêts, la dissolution et la liquidation, la transformation de la forme juridique, la fusion et la scission, etc. »
Le processus de dissolution et de liquidation en un seul acte, tel que défini par l'article 2:80 du CSA, offre une méthode simplifiée pour mettre fin aux activités d'une société, permettant ainsi une clôture simultanée des opérations de dissolution et de liquidation. Cette procédure, initialement conçue pour les sociétés sans dettes impayées envers des tiers, a été élargie pour inclure celles avec des dettes impayées inscrites dans la situation active passive, sous réserve du consentement des créanciers.
Dans le cas d’espèces, la date d’expiration d’une option de vente détenue par un tiers n’était pas encore expirée et les dispositions nécessaires au cas où l’option de vente serait levée n’était pas prise. Dans ce cas, il n’était pas permis de dissoudre et de liquider une société en un seul acte. Les administrateurs d’une société peuvent être tenus responsables de ne pas avoir maintenu la société des fonds insuffisants pour lui permettre de remplir ses obligations au titre de l’option de vente. Et d’attaquer le Reviseur.
La question de la responsabilité des réviseurs d'entreprises est examinée, notamment en ce qui concerne leur diligence dans la détection et la communication des engagements hors bilan, tels que les options de vente.
Le tribunal a statué. Malgré les critiques concernant des erreurs présumées lors de l’audit de la dissolution (AGO tardive, non dépôt des comptes), le tribunal a déclaré non fondée la demande à leur encontre, arguant de l'absence de lien de causalité entre les fautes alléguées et les dommages subis. Cette décision souligne l'importance de la diligence professionnelle des réviseurs d'entreprises et clarifie leur responsabilité dans le processus de dissolution et de liquidation.
La faute imputée au réviseur d’entreprises ne réside pas dans le contrôle des actifs, mais dans l’absence d’inclusion des engagements. en dehors des comptes annuels.
Pour une entreprise, le contrôle des engagements hors bilan impliquera une vérification ponctuelle des litiges en cours, un examen des contrats en cours, etc. Dans le cas où il n’y a plus d’activité, le réviseur d’entreprises ne peut prendre en compte que les contrats qui lui ont été soumis.
N’oublions pas qu’il s’agit d'une obligation de moyens. Dans le dossier, il ne peut être déduit d’aucun élément que le réviseur d’entreprises connaissait l’existence de cet accord ou aurait dû raisonnablement le soupçonner. En ce qui concerne ces accords, le réviseur d’entreprises dépend principalement des informations correctes qu’il obtient.
Un arrêt intéressant de la Cour d’appel d’Anvers du 15 décembre 2022[5] a tranché sur la question de savoir si une dispense accordée aux actionnaires quant à leur obligation de libération constitue ou non une forme de distribution dans les SRL, soumises au double test de distribution en vertu des articles 5:142 et 5:143 du CSA, c’est-à-dire le test d’actif net et le test de liquidité.
Une SPRL a été transformée en SRL le 8 octobre 2019. Lors de l’Assemblée générale, il a été décidé que les actionnaires seraient dispensés de libérer la partie non libérée du capital de la SPRL, soit 12 400 euros.
La SRL a été déclarée en faillite le 17 novembre 2020.
Le 31 mars 2021, les curateurs ont procédé à l’assignation de la société failli, de ses administrateurs et fondateurs devant le tribunal de l’entreprise pour faire constater que la décision de dispense de la libération était irrégulière car incompatible avec les articles 5:142 et 5:143 du CSA et que l’administrateur devait les libérer.
Le tribunal de l’entreprise a rejeté cette demande par un jugement du 10 janvier 2022. Une dispense d’apport ne peut être assimilée à une distribution aux actionnaires relevant de l’article 5 :144 du CSA.
Le curateur a interjeté appel.
La Cour d’appel d’Anvers déclare que la décision de l’Assemblée générale de la SRL du 8 octobre 2019 quant à la dispense octroyée aux actionnaires de leur obligation de libération ainsi que son exécution est en contradiction avec les articles 5:142 et 5:143 du CSA et condamne l’administrateur en application de l’article 5:144(2) du CSA, à payer aux curateurs le montant de 12 300 euros majoré des intérêts moratoires judiciaires à compter du 31 mars 2021 jusqu’au paiement intégral au taux d’intérêt légal ordinaire.
Par cet arrêt, la Cour d’appel d’Anvers rejoint la position établie en projet par la commission des normes comptables [6]. La dispense de libération n’entraîne pas la disparition immédiate
de fonds de la société, mais elle provoque un appauvrissement susceptible de compromettre sa position future en termes de liquidités.
Dans le cadre de restructurations de groupe, il arrive souvent que des créances intercompagnies soient apportées au capital d’une société en difficultés.
L'apport d'une créance au capital d'une société en difficultés est une opération délicate. Voici quelques points importants à considérer :
Sous l'ancienne législation, les conditions suspensives et résolutoires pouvaient être appliquées rétroactivement (art. 1179 de l’ancien Code civil). La nouvelle législation renverse cette règle de base, éliminant l'effet rétroactif des conditions suspensives et résolutoires. Désormais, la réalisation d'une condition suspensive ou résolutoire n'a d'effet que pour l'avenir.
Exemple :
Par exemple, dans le cas d'une vente immobilière avec une condition résolutoire liée à l'obtention d'un permis dans un délai de deux ans, si cette condition n'est pas remplie à la fin des deux ans, le contrat se termine sans effet rétroactif. Pendant la période précédant la réalisation de la condition résolutoire, l'acquéreur est considéré comme le propriétaire du bien, sans changement lorsque la condition se réalise.
Quid de l’analyse des événements postérieurs à la date de clôture du bilan (période précédant l’arrêté des comptes annuels et éventuellement la période allant jusqu’à l’approbation des comptes annuels par l’assemblée générale) lorsqu’une condition suspensive ou résolutoire est réalisée.
Auparavant, l’avis CNC 148/6 prenait en compte l’effet rétroactif prévu par l’ancien Code civil pour conclure que l’opération ainsi que le produit ou la charge qui en découle, doivent être imputés à l’exercice au cours duquel l’opération a été conclue, même si la condition s’est accomplie après la date de clôture de l’exercice.
Quid avec l’adaptation de la nouvelle loi ? S’il n’y a plus d’effet rétroactif, il serait normal de le comptabiliser l’année de la réalisation de la condition avec mention dans l’annexe tant que la condition n’est pas réalisée. On attend la position de la CNC.
Dans le cadre du nouveau Code civil belge, les règles concernant la cession de dettes et de contrats ont été révisées, apportant des changements significatifs dans le domaine de la comptabilité et de l'audit. Ces modifications, à l'exception des cessions parfaites, nécessitent une attention particulière en matière de traitement comptable et de pratiques d'audit
L’article 5.187 C.Civ prévoit qu’une dette peut être cédée à un tiers avec le consentement notifié ou reconnu du créancier. Dans ce cas la cession de dettes est parfaite. Mais l’article 5.191 prévoit qu’une cession imparfaite de dettes peut être prévue. Il y a une cession imparfaite de dette lorsque le cessionnaire a l'intention de s'engager envers le créancier qui n'a pas donné son consentement. Elle a pour conséquence l'obligation solidaire du cédant et du cessionnaire. Cette intention est présumée si le cessionnaire a informé le créancier de la cession.
Il y a reprise interne de dette lorsque le repreneur n'a pas l'intention de s'engager vis-à-vis du créancier. Elle n'a d'effet qu'entre les parties.[8]
La cession imparfaite de contrats, réalisée sans le consentement du cocontractant, engendre une responsabilité solidaire entre le cédant et le cessionnaire concernant les dettes envers le cocontractant.
Cette solidarité implique que l'annexe aux comptes annuels du cédant doit clairement préciser cette responsabilité conjointe ainsi que les risques qui en découlent. Lorsque le risque de poursuites contre le cédant devient plus tangible, il est impératif pour celui-ci de reconnaître ce risque financier et d'établir une provision pour risques et charges en conséquence, même si l'évaluation de ce risque peut s'avérer complexe.
L'évaluation des conséquences de la cession de dettes ou de contrats relève de la responsabilité de l'organe d'administration. Cette évaluation requiert tout d'abord l'identification précise des cessions, suivie d'une analyse approfondie des implications juridiques afin de déterminer le traitement comptable adéquat. L'auditeur doit examiner attentivement la manière dont la direction a mené cette analyse d'impact.
Si la convention de cession devient parfaite, le reviseur devra documenter l’accord obtenu.
En ce qui concerne le cessionnaire, ce dernier ne s’engageant pas vis-à-vis du créancier, l’obligation de maintenir pour lui la créance vis-à-vis du cédant semble être une évidence et Lieven ACKE de stipuler que la cession créera un rapport de créance supplémentaire entre le cessionnaire et le cédant, qui doit être comptabilisé en tant que tel, respectivement en dette et en créance.
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[1] https://www.ibr-ire.be/fr/actualites/news-detail/interview-de-paul-dhaeyer-pr-sident-du-tribunal-de-l-entreprise-francophone-de-bruxelles
[2] TAA 81-2024 , Article de Fernand MAILLARD et Marleen MANNEKENS, chroniques du CSA, p.96
[3] Nomination du commissaire et protection du titre professionnel : L'IRE et l'ITAA s'accordent sur des principes communs (ibr-ire.be)
[4] - Tribunal de l'entreprise de Gand, division de Termonde, 20 décembre 2022, TRV, 2023, n° 5, p.369.
[5]Anvers, 15 décembre 2022, TRV-RPS 2023, p. 561, note F. Mertens et L. Van Marcke
[6]https://www.cnc-cbn.be/sites/default/files/2020/draft/Ontwerpadvies_uitkeringstesten_FR_ED.pdf
[7] TAA N°81 de mars 2024, Lieven ACKE, Marleen MANNEKENS, p 42
[8]Art 5.192 C.Civil
Cet article est publié dans le cadre du Tax Tv Show du mardi 21 mai 2024.