Quand, après 236 jours de négociations, on vient enfin présenter un accord de gouvernement, on s’attend à un minimum de rigueur. À commencer par des tableaux budgétaires clairs et complets, histoire d’éclairer les représentants du peuple sur ce que l’on s’apprête à faire de ses impôts. Une formalité ? Non. Une exigence démocratique élémentaire.
Et pourtant, ce mardi, Bart De Wever a choisi une autre approche : celle de la déclaration en apesanteur, où l’on parle d’un assainissement budgétaire "le plus difficile de l’histoire"… mais sans chiffres. Comme si la rigueur comptable pouvait attendre, comme si la Chambre était priée d’approuver une trajectoire économique à l’aveugle.
Après tout, mais on finirait presque par l’oublier dans une démocratie aussi confuse qu’un accord de coalition, la Chambre des représentants, c’est le peuple belge. Et il aurait sans doute apprécié aussi qu’on lui présente une seule version de l’accord de gouvernement – et non plusieurs, avec des divergences notables entre le français et le néerlandais sur des sujets aussi fondamentaux que la taxation des plus-values.
Dans un tel contexte, la traditionnelle photo de groupe du gouvernement n’aurait dû être qu’un détail. Elle s’est pourtant révélée d’une éloquence cruelle : quatre femmes sur quinze ministres, aucune au sein du kern, reléguées au second rang, au propre comme au figuré. Un symbole, prétendument involontaire, mais qui en dit long.
Finalement, tout cela donne l’impression d’un exécutif où "l’amateurisme en politique, c’est vouloir aller vite sans savoir où l’on va." Ce qui est, après une si longue gestation, le comble du paradoxe.
On avait déjà moqué la présentation soporifique de François Bayrou à l’Assemblée nationale française. Celle de Bart De Wever a eu l’audace d’être plus terne encore, sans même l’excuse de la rigueur technocratique. Un Premier ministre qui parle de "col hors catégorie" pour son mandat, mais qui oublie de distribuer la carte de l’itinéraire et le ravitaillement budgétaire.
236 jours pour en arriver là. Peut mieux. Vraiment. Espérons pour la Belgique qu’il ne s’agisse que d’un faux départ.