Pour rappel, cette disposition légale permet à l’Administration fiscale de n’appliquer aucune des déductions – et notamment les pertes fiscales reportées – sur la partie du résultat qui fait l’objet d’une rectification ou d’une imposition d’office, à la condition qu’un accroissement d’impôt de 10% ou plus soit effectivement appliqué.
En pratique, l’Administration fiscale applique cette disposition dès qu’une déclaration fiscale d’une société est rentrée tardivement, créant ainsi fictivement une base taxable et donc de l’impôt.
Nous avons commenté et critiqué à de nombreuses reprises l’article 207, alinéa 7 du C.I.R. 92 que nous estimons disproportionné et inconstitutionnel !
Nous sommes dès lors partis en croisade, dans de nombreux dossiers, contre l’application aveugle de ce régime par l’Administration fiscale.
Fort heureusement, cela fait maintenant plusieurs mois que certains tribunaux rendent des décisions faisant obstacle à l’application de ce mastodonte légal.
Tout d’abord, le Tribunal de première instance de Gand a, par un jugement du 13 septembre 2022, décidé de réduire l’accroissement d’impôt appliqué de 10% à 9,99%. Cela a donc mis de facto hors-jeu l’article 207, alinéa 7 du C.I.R. 92. Bien que cette solution ait le mérite d’être créative, elle ne fait malheureusement que mettre un pansement sur une jambe de bois.
Ensuite, le Tribunal de première instance d’Anvers dans deux jugements des 29 juin 2022 et 27 février 2023 et le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles dans un jugement du 9 mai 2023 ont estimé que l’Administration fiscale ne pouvait pas appliquer un accroissement d’impôt pour une déclaration fiscale rentrée tardivement, faute de base légale. L’article 444 du C.I.R. 92 et l’A.R./C.I.R. 92 ne prévoyaient en effet pas cette possibilité.
Le législateur est toutefois venu à la rescousse et les articles en question ont été modifiés en 2021 et 2022 afin de permettre pour « réparer » cette lacune législative.
Enfin, la question de la constitutionnalité de l’article 207, alinéa 7 du C.I.R. 92 est dorénavant remise en cause. En effet, dans l’un de nos dossiers, le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles nous a entendu et a posé, par un jugement du 21 juin 2023, deux questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle.
Nous vous les livrons en primeur :
1.L’article 207, alinéa 7 du C.I.R. 92 est-il compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, et avec le principe de proportionnalité en ce que dans l’hypothèse où il est fait application de la procédure d’imposition d’office visée à l’article 351 du C.I.R. 92, il autorise l’Administration fiscale à établir le résultat imposable sans compenser le résultat avec la perte de la période imposable :
2. L’article 207, alinéa 7 du C.I.R. 92 est-il compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, et avec le principe de proportionnalité en ce qu’il rejette la totalité des pertes reportées en cas d’imposition d’office, tandis que dans l’hypothèse où la déclaration fiscale du contribuable fait l’objet d’une rectification par application de l’article 346 du C.I.R. 92, la même disposition aboutit uniquement à ce que ces déductions et cette compensation ne soient prohibées que sur la partie du résultat qui fait l’objet d’une rectification de la déclaration ?
Il n’y a dès lors plus qu’à attendre l’arrêt de la Cour et espérer que l’article 207, alinéa 7 du C.I.R. 92 soit enfin déclaré inconstitutionnel. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de la décision rendue par la Cour.
Si vous rencontrez des difficultés avec l’Administration fiscale parce que votre société a rentré sa déclaration fiscale tardivement, n’hésitez pas à prendre contact avec nous.
Pour le Cabinet,
Julien BUY – Avocat en droit des affaires à Namur
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